Source principale: Dictionnaire universel des contemporains, de Gustave Vapereau, Lib. Hachette (Paris) 1893.

Général de Polhès (1813-1904)

Balthazar Alban Gabriel, baron de Bonnet Maureilhan de Polhès est né à Béziers (Hérault) le 6 décembre 1813. Sorti de Saint-Cyr, sous-lieutenant au 20e léger, le 1er octobre 1832, il embarqua bientôt avec son régiment pour l'Algérie. Lieutenant le 26 avril 1837, il fit les deux expéditions de Constantine qui portèrent si haut la réputation de son régiment. En 1840, il prit part à l'expédition de Milianah, se trouva à l'expédition du col de Mouzaya. Blessé le 12 mai, il fut promu au grade de capitaine le 21 juin.
Il revint en France l'année suivante, pour remplir auprès du roi Louis-Philippe les fonctions d'officier d'ordonnance et devint chef de bataillon au 70e Léger le 22 septembre 1847.

Officier de la Légion d'honneur après les évèmements de juin 1848, M. de Polhès retourna en Algérie, dans la province d'Oran, avec son nouveau régiment, en 1851, et y fit plusieurs expéditions. Lieutenant-colonel du 25e Léger le 20 décembre 1853, il quitta la province d'Alger pour rejoindre l'armée d'Orient. Il y fut promu Colonel du 3e zouaves, sous les murs de Sébastopol, le 21 mars de la même année, en arrivant en Crimée.
En juin 1855, à l'attaque du Mamelon-Vert, pendant que le colonel Rosé s'emparait d'une batterie annexe de la redoute, où il se logeait vigoureusement et que le colonel de Polhès attaquait la gauche du mamelon, le colonel de Brancion aborda de front la redoute elle-même avec son régiment. La résistance fut terrible; les Russes luttaient en désespérés; une fusillade à bout portant renversa nos premiers rangs. Brancion s'empara alors du drapeau "pour que tous, au moment du danger, voient flotter devant eux l'étendard de la France". Le colonel de Brancion tomba, "glorieusement enseveli dans son triomphe". En mémoire de ce fait d'armes, le nom de Brancion fut donné à une des rues de Paris. Puis, en 1878, à une nouvelle poterne, ouverte sur les fortifications du boulevard Lefèbvre. Et en 1900, une station de Métro.
Polhès, qui n'eut pas cette chance ..., mena son brave régiment à la bataille de Traktir (18 août 1855), où il fut vigoureusement engagé et où il contraignit les Russes à repasser le canal, la baïonnette aux reins. Le colonel de Polhès, qui ne fut que blessé en menant ses zouaves à la charge, fut cité à l'ordre de l'armée d'Orient.


Le colonel de Polhès (à gauche) et son frère, capitaine, en Crimée (1855).

Quelques jours plus tard, l'intrépide colonel reçut le commandement du régiment de zouaves de la Garde en formation en Crimée. Il ramena ce corps d'élite à Paris, défila à sa tête et reçut, le 8 octobre 1857 la croix de commandeur de la Légion d'Honneur. II resta avec les zouaves de la Garde jusqu'au moment de l'entrée en campagne de l'armée française, en 1859, pour la guerre contre l'Autriche. [2]
Promu alors général le 12 mars 1859, iI commanda en Italie la 2e brigade du 2e Corps d'armée, sous les ordres de MacMahon. Le corps expéditionnaire d'Italie, fort de 110.000 hommes était composé de cinq Corps d'Armée sous le commandement direct de l'Empereur Napoléon III. Il se regroupa à Alexandrie au début de mai 1859 sans être inquiété par l'armée autrichienne. La première rencontre eut lieu le 20 mai à Montebello où la division du général Forey repoussa une forte reconnaissance autrichienne. Napoléon concentra alors son armée contre la droite ennemie sur l'axe Novare-Milan. Le 4 juin, les deux armées se rencontrèrent à Magenta où les autrichiens furent battus en dépit de leur forte position et durent faire retraite sur Vérone et Mantoue. Le 8 juin l'armée française entrait à Milan. Le 23 juin, les autrichiens tentèrent une contre attaque sur Solférino. Cette bataille, qui mit aux prises 170.000 autrichiens et 145.000 franco-sardes, s'acheva sur la victoire des français au prix de lourdes pertes (17.000 soldats). Le 11 juillet la paix fut signée à Villafranca.


Général de Polhès, 1869.

Le Général de Polhès [3]

Il est âgé de cinquante-quatre ans. Il fut lieutenant-colonel et colonel de zouaves. Il était vraiment digne de commander ces hardis soldats.
Brave, spirituel, très-railleur, il savait d'un mot punir ou récompenser son monde ; on le redoutait fort au 3e régiment de zouaves qu'il menait de la bonne façon, c'est-à-dire en agissant sur l'amour-propre de ses subordonnés.

Le général de Polhès est de petite taille ; il est légèrement voûté comme l'était feu le général Clerc, de si glorieuse mémoire. Il a les cheveux blonds et grisonnants et un visage souriant dont l'expression pleine de bonté corrige les sarcasmes que le désir de gronder sans punir fait souvent tomber de sa bouche. Il a un regard franc, scrutateur, en pointe d'aiguilles, disent les soldats. Il cherche toujours à pénétrer la pensée de son interlocuteur; de là le surnon de sondeur que lui ont donné ses zouaves. Une particularité à noter : M. de Polhès a le teint bistré comme un vieil Africain qu'il est. Il a passé dix ans au moins en Algérie dans les plus rudes moments, guerroyant toujours dans l'infanterie légère.

En 1867, Garibaldi, ayant résolu d'achever la grande œuvre de l'unité italienne en faisant de Rome la capitale de l'Italie et en renversant le pouvoir temporel du pape, fit un nouvel appel aux patriotes, et, après diverses péripéties, il pénétra au mois d'octobre dans le territoire pontifical. Le 3 novembre, à cinq heures du matin, les pontificaux (soldats du pape), sous les ordres de Kanzler, et environ le même nombre de français (2.000 hommes) commandés par le général de Polhès, quittèrent Rome et arrivèrent vers une heure de l'après-midi, devant les avant-postes de la petite armée de Garibaldi. Le combat s'engagea sur les hauteurs de Mentana et dura quatre heures, suivant le rapport français. La bataille fut acharnée. Malgré le pilonnage intensif de l'artillerie pontificale et française et les charges furieuses des Zouaves, les "chemises rouges" ne cédaient pas. Même si l'Armée du Saint Père se battit héroïquement, la victoire fut due en grande partie aux troupes du Général de Polhès qui étaient dotées des nouveaux fusils Chassepot se chargeant par la culasse et dont la portée de tir était nettement supérieure à celles des autres armes utilisées sur le champ de bataille. Le général de Failly adressa, aussitôt après le combat, au gouvernement français une dépèche triomphale, qui parut dans le Moniteur du 10 octobre et qui se terminait par ces mots devenus fameux "Nos fusils Chassepot ont fait merveille!"
Evidemment, les chefs de l'armée française ignoraient que l'essentiel des garibaldiens avaient déjà, la veille et l'avant-veille, repassé la frontière. De leur côté, les garibaldiens ne savaient pas qu'ils avaient devant eux les Français. Garibaldi l'ignorait encore le lendemain matin et, quand il l'apprit, il exprima le regret d'avoir soutenu le combat. Ce combat, peu important du point de vue stratégique, fut d'une grande portée diplomatique et politique : il conduisit à l'organisation du concile Vatican I.

La Guerre franco prussienne (1870-1871)

Général de division le 27 février 1868, il est nommé à la tête de la 19e division militaire cantonnée à Bourges le 3 février 1869. C'est dans cette affectation qu'il entre dans le conflit avec la Prusse le 19 juillet 1870. Il doit d'abord renforcer la défense d'Orléans (21 septembre) avec ses tirailleurs algériens. Puis il reçoit le "commandement supérieur régional du Centre" qui vient d'être formé à partir de sa 19e division renforcée des gardes mobiles des départements de Loir-et-Cher, Loiret, Yonne et Aube. C'est une troupe peu aguerrie, difficile à faire manoeuvrer.
Par manque de décision ou par un grave défaut de coordination – des délégations hasardeuses, des hésitations fatales dira-t-on plus tard – le rôle du général fera l'objet de graves critiques après la défaite. [4]

Le général baron de Polhès vers 1900

Le général de Polhès est mis en disponibilité le 2 novembre 1870 pour une maladie grave des yeux qui exigeait un repos complet – peut-être une sanction. Rentré en activité le 20 février 1871, il forma quelques semaines plus tard six régiments provisoires d'infanterie au moyen des prisonniers revenant de captivité et fit avec succès sa jonction avec l'armée de Versailles avant d'être remis en disponibilité.

Le général de Polhès fut placé dans le cadre de réserve le 3 mai 1878 et admis à la retraite le 22 janvier 1879. Il en passa la plus grande partie dans sa villa du Vésinet qu'il occupait à la belle saison au 17, boulevard du Midi (actuel Bld du Président-Roosevelt). Il est décédé le 6 mai 1904, à son domicile parisien, âgé de 90 ans.

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    Sources complémentaires:

     

    [1] Le livre d'or de l'Algérie : Tome Ier, (Biographies) - par Narcisse Faucon.

    [2] Archives militaires ; Panthéon Fléchois ; Historique du 3e Zouaves.

    [3] Histoire de la seconde expédition française à Rome par Félix Ribeyre (1831-1900) chez C. Pick de l'Isère (Paris) 1868.

    [4] La Guerre de 1870-1871 (tomes 25, 39, 40, 41) R. Chapelot et Cie (Paris) 1901-1914.


Société d'Histoire du Vésinet, 2005 - www.histoire-vesinet.org