Le docteur Raffegeau, fondateur de l'Etablissement d'Hydrothérapie du Vésinet, connu aujourd'hui sous le nom de Villa des Pages, est décédé le 16 mai 1931 dans sa ville natale, St-Germain-sur Moine (49) dont il était le Maire depuis vingt-quatre ans. Ses obsèques furent l'occasion pour les habitants de St-Germain-sur-Moine de rendre hommage à celui qu'ils considèrent comme leur bienfaiteur. Plusieurs témoignages sont rapportés ici:
Monsieur Camille Pasquier, qui lui succéda comme Maire de St-Germain-sur Moine
J'ai la douloureuse mission de venir au nom de la municipalité et de la population toute entière de St-Germain, adresser un suprême adieu à M. Le docteur Raffegeau, notre très regretté maire.
Nous le voyions encore, malgré son âge, si plein de vie, si droit que nous espérions le garder longtemps encore au milieu de nous.
La mort a passé et nous voici réunis autour de cette tombe où va dormir auprès des siens celui qui toute sa vie aima d'un amour profond, généreux et fidèle cette petite patrie qui l'a vu naître.
[...] Une fois débarrassé des soucis matériels de la vie, il songea qu'il pouvait encore rendre service à son pays et accepta la charge de conseiller municipal et peu de temps après, le 15 mai 1908, à l'unanimité, il lui fut confié la charge délicate d'administrer la commune. Toujours réélu depuis lors, il commençait sa 24e année comme maire, vous le savez tous puisque vous l'avez vu à l'œuvre.
Avec une grande sagesse et une grande prudence, il a administré notre commune.
Il a soutenu de ses deniers toutes nos œuvres, écoles, patronage, secours mutuels, la société des anciens combattants, fonda le Bureau de bienfaisance. Il a couronné son œuvre en faisant un don généreux pour les pauvres et les malades et bientôt dans la maison que viennent d'offrir à la commune, M. et Mme Raffegeau, nous verrons s'élever une œuvre qui portera leur nom. Il mettait déjà tous ses soins à l'organisation quand la mort est venue l'arrêter…
Il a doté notre place de cette magnifique statue qui fait l'admiration de tous.
Pendant la Guerre, n'écoutant que son grand cœur et voulant soulager nos chers blessés, il avait offert sa science et son dévouement à une formation hospitalière du Vésinet dont il s'occupa très activement; aussi le gouvernement avait-il voulu le récompenser de ses services éminents en le nommant chevalier de la Légion d'Honneur, récompense bien méritée.
Dormez en paix, cher M. le Maire, au milieu de nos morts. Nous avons à St-Germain, le culte de nos chers disparus et vous ne serez pas un exilé dans cette petite commune de l'Anjou que vous aimiez tant. De vous, de votre générosité, nous garderons un souvenir reconnaissant et fidèle; votre tombe nous rappellera les leçons d'union et de charité que vous nous avez enseignées, en les mettant en pratique ; nous vous montrerons que nous les avons comprises.
Monsieur le docteur Mignon, son adjoint puis associé à la direction de la Villa des Pages [1]
Mesdames, Messieurs,
Ce n'est pas à moi, étranger parmi vous, qu'il convient de dire ce que fut pour votre commune, celui que nous pleurons aujourd'hui et que la mort vient de nous ravir si soudainement. Mais, comme tant d'autres, Donatien Raffegeau eut son cœur partagé entre son pays natal, celui de ses parents, de ses camarades, de ses concitoyens et sa ville d'adoption, Le Vésinet, où il a créé de toutes pièces et vu grandir et devenir majeure sa belle "Villa des Pages" qui fut, qui reste sa véritable fille puisque, destin bien triste toujours pour lui et pour sa chère compagne, la nature lui avait refusé d'autres enfants.
Dans cette Villa des Pages, vingt-quatre années de collaboration intime et quotidienne m'ont permis à moi, qu'il avait voulu choisir pour le seconder, de mesurer, d'apprécier, tout ce qu'a été le médecin, le savant; et je ne veux pas laisser disparaître pour toujours le corps de notre ami vénéré sans le rappeler ici en quelques mots.
Cette Villa des Pages qu'il avait conçue, qu'il agrandit pierre à pierre, il en a fait, je puis le dire, à force de travail, d'énergie, de persévérance, l'une des maisons de santé les plus appréciées de France et d'Europe. Il y a soigné les malades qui lui ont été confiés avec un dévouement inlassable, une habileté professionnelle hors de pair et une bonté charitable et affectueuse qui l'ont fait tant aimer de tous ceux qui l'ont connu.
Combien ai-je pu en voir en ces vingt-quatre années de vie commune, de ces marques d'affection profonde venant d'anciens malades et de leurs familles.
Le savant ? Laissez-moi citer quelques uns de ses travaux les plus marquants : le rôle des rayons lumineux sur le système nerveux, l'application de la thermothérapie par courant d'eau à chaleur constante, par un appareil ingénieux qu'il a conçu et mis au point avec le docteur Trèves de Turin, mais surtout ce qui restera sa gloire, ce qui dans la science médicale française assurera à son nom l'immortalité, c'est la découverte qu'il fit en traitant les crises d'épilepsie par le lumin. L'on ne compte plus ceux que le docteur Raffegeau a rendus à la vie familiale et sociale en les soumettant à cette cure qu'il avait découverte et mis au point à la Villa des Pages. Très modeste et simplement heureux des résultats obtenus, il n'a cherché à tirer de sa découverte ni profit, ni gloire. Pourtant, il en aurait eu le droit. Mais il était trop dans son âme de charité chrétienne et sa plus belle récompense ce fut sa croix de la Légion d'Honneur. D'ailleurs Raffegeau était depuis de longues années membre élu de la Société médico-psychologique et président de Psychologie appliquée ; c'est assez dire en quelle estime le tenaient ses confrères.
J'ai dit que la Villa des Pages était son enfant; pas un jour, il ne s'en est désintéressé. Pendant la Guerre, il est resté à son poste se partageant entre elle et l'ambulance où volontaire il s'était fait affecter. Et depuis il est resté fidèle à ses malades qu'il soignait encore avec le même dévouement, il n'y a guère plus d'un mois. Aussi ai-je le droit de proclamer hautement qu'il est mort à son poste, en plein devoir.
Je rappellerai seulement encore la belle âme de catholique, si pleine de foi et d'esprit chrétien qui lui donnait tant d'autorité près de ses malades.
Et maintenant que la mort cruelle nous l'a pris, il nous reste d'abord à pleurer avec celle qui fut toujours, à toute heure, sa collaboratrice et son bras droit, mais surtout à vénérer sa mémoire et à faire un exemple de toutes les vertus civiques, à montrer à nos fils ce que fait le travail et le devoir fidèlement accompli même par les plus humbles enfants de la terre. Oui, St-Germain-sur-Moine a le droit de s'enorgueillir de Donatien Raffegeau.
Et vous, cher ami, qui fûtes pour moi un second père, au nom de tous ceux qui n'ont pas pu m'accompagner aujourd'hui, au nom aussi de ceux qui sont venus vous apporter ici l'hommage ému de leurs camarades, tous ces employés anciens et nouveaux,tous ces fidèles et modestes collaborateurs de chaque jour,je viens vous adresser ici un adieu plein de reconnaissance affectueuse; nos mémoires s'uniront pour garder impérissablement votre nom et votre souvenir.
P. Gourmelen, journaliste de la presse locale [coupure de presse, journal non précisé] du 12 avril 1935.
Le nom du Docteur, auquel doit être intimement lié celui de Mme Raffegeau, restera pour les habitants de la commune de St-Germain, le symbole du désintéressement, de la bonté, de la philanthropie.[...] Sur la route de St-Germain-sur-Moine à Gesté, on se trouve, au milieu du bourg, en présence d’un bâtiment clair, gris et blanc, de conception moderne, percé de nombreuses baies. Un perron de quelques marches conduit à une porte toujours ouverte. A gauche du perron, une plaque de marbre porte en lettres d’or "Fondation Raffegeau". Dans la salle d'attente, au mur un portrait de Madame et Monsieur Raffegeau [...] Deux salles portent les noms de salle Ste-Cécile et salle St-Donatien… »
[1] D'après les notes de M. le curé Jean Blouin
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