Bulletin municipal, n°14, décembre 1969

Le nouveau Règlement d'Urbanisme communal (1970)
présenté par Paul Didier, maire adjoint

Rares sont les habitants de la Région Parisienne qui ne connaissent pas Le Vésinet. Souvent attirés par sa renommée, ils sont venus et ont apprécié ses sites calmes et verdoyants, ses ombrages, ses villas disséminées dans la verdure, ses villages où s'est rassemblée l'activité commerciale. Ou bien, le hasard leur a fait trouver cette oasis au sein de la banlieue tentaculaire, et ils n'ont pas manqué d'être frappés par le contraste avec les communes environnantes.
Photo PiersonC'est que le Vésinet fut la première agglomération dotée d'un plan d'urbanisme qui comportait déjà, dès avant son érection en Commune en 1875, les deux pièces maîtresses de toute oeuvre d'urbanisme : un plan, le plan de lotissement et un règlement, le cahier des charges d'Alphonse Pallu du 10 mai 1663. Et il a pu, ainsi, se développer dans le cadre qui lui avait été tracé par son Promoteur. D'autres Communes de la Région Parisienne connaissent des lotissements du même genre, telle Maisons-Laffitte. Le Vésinet est la seule où la commune coincide exactement avec le lotissement. Il en résulte une unité qui ne se retrouve nulle part ailleurs unité de conception, unité de développement, unité d'intérêts entre les habitants, tous soumis au même règlement et tous bénéficiaires des mêmes avantages.
Conçu comme un lieu de villégiature pour les Parisiens, cette destination s'est peu à peu transformée avec le développement du chemin de fer, puis de l'automobile et avec la poussée démographique et le phénomène de l'urbanisation qui ont débordé peu à peu Paris et sa plus proche banlieue, Le Vésinet, englobé maintenant dans le tissu urbain de la Région Parisienne, a perdu son caractère de résidence secondaire et est devenu un lieu d'habitation privilégié et recherché mais il a conservé son caractère d'agglomération formée de villas disséminées dans la verdure.
Ce ne fut pas toujours sans difficultés, car les créateurs du Vésinet n'avaient pas tout prévu. Mais chaque fois que la Ville a été menacée d'un développement contraire à l'esprit d'origine, la population a manifesté son attachement au Vésinet traditionnel et a réagi pour défendre et conserver son cadre et ses particularités.
Elle fut d'abord menacée par le morcellement des propriétés. C'est surtout pour s'en défendre que fut rédigé le Règlement de 1937 qui constate l'existence, en dehors des villages de trois zones :

  • La première catégorie, avec abords et environs des pelouses, coulées, lacs et rivières
  • La deuxième catégorie, dans les parties qui avaient conservé un caractère pittoresque
  • La troisième catégorie, dans les parties où le morcellement était déjà très accentué

Ce règlement a établi des normes différenciées pour le morcellement des propriétés dans ces trois zones. Il a commencé également à réglementer la construction, bien timidement, car c'était une nouveauté, mais il a défini, en particulier, les premiers gabarits.
Il apparaît également que les rédacteurs de ce document ont senti un peu confusément le second danger qui allait menacer Le Vésinet, la construction collective. C'est après 1950 que ce danger se concrétisa vraiment et que les insuffisances du Règlement de 1937 apparurent à leur tour. Ce règlement fut donc mis en révision le 7 juin 1962 [1].

Un premier projet fut établi en mars 1964. Après avoir énoncé d'excellents principes, ce projet s'en écartait malheureusement dans leur application. Il fut repoussé par la population à l'occasion des élections municipales de 1965 qui se jouèrent sur ce thème. Le nouveau projet conserve les principes du projet de 1964, mais il les applique plus strictement dans le sens de la conservation du caractère qui avait été donné au Vésinet par A. Pallu. Les rédacteurs du nouveau projet de règlement se sont trouvés affrontés à un certain nombre de difficultés.
Depuis l'élaboration du Règlement de 1937, l'Administration a établi un Règlement-Type [2] et a demandé à la Ville de s'y conformer. Il est bien évident que ce Règlement-Type est mal adapté au caractère particulier de la Commune. Alors que les rédacteurs du Règlement de 1937 avaient pu rédiger leur document en toute liberté et y introduire intégralement les dispositions du Cahier des Charges de 1863, le Règlement-Type ne se prête pas à cet amalgame.
L'Administration a donc suggéré à la Commune de se contenter d'un règlement tiré du Règlement-Type et de conserver le cahier des charges en tant que document contractuel. La Ville s'y est opposée, car cela aurait signifié un recul par rapport au Règlement de 1937. A cette époque, les rédacteurs avaient bien vu ce problème en écrivant: "Enfin, l'on ne saurait trop insister sur ce point, le cahier des charges n'avait pas force de loi. Les violations de ses dispositions cependant déjà insuffisantes, violations qui étaient trop nombreuses, ne pouvaient pas faire l'objet d'un acte d'autorité de la Municipalité, mais seulement d'une action judiciaire". En incluant littéralement les dispositions du Cahier des Charges dans leur Règlement, ils avaient voulu fondre un document de droit privé dans un ensemble de dispositions de droit public. Il serait regrettable de vouloir revenir en arrière. La Ville a donc tenu à n'avoir qu'un document. Les dispositions du Cahier des Charges qui ne trouvaient pas leur place dans le Règlement-type ont été reprises dans un titre V après adaptation aux conditions des temps présents.
Cette manière de procéder n'a rien d'anormal. Les règlements généraux édictent en effet un certain nombre de dispositions auxquelles les règlements particuliers doivent se plier. Mais, sauf disposition contraire formelle de la Loi, le règlement particulier peut fort bien renforcer le règlement général, soit en édictant des règles plus strictes, soit en y ajoutant des règles particulières. C'est ce principe qu'appliquent journellement les arrêtés préfectoraux et les arrêtés municipaux.
Le Règlement de 1937 introduisait l'obligation du permis de construire. Cette matière est maintenant réglementée sur le plan national et le Code de l'Urbanisme, dans son article 84 a expressément substitué la réglementation nationale en la matière, à toutes les réglementations antérieures. Bien entendu, cela ne dispense pas les constructeurs et les fonctionnaires chargés de l'instruction des demandes de permis, de respecter et de faire respecter les réglementations locales en matière de construction.
Le projet actuel ne parle donc plus de l'obligation du permis de construire, mais conserve l'obligation de recourir aux services d'un Architecte.
Sur le plan national, il n'existe pas de permis de diviser, il n'existe que le permis de lotir. La notion de lotissement a varié au gré des interprétations des textes en l'absence d'une définition réglementaire précise. L'usage s'était établi, du moins au Vésinet, de demander une autorisation pour toute division, Les Services Départementaux abandonnent désormais cette pratique à la faveur d'une définition plus restrictive des lotissements. En raison de l'importance de ce problème dans le contexte du Vésinet, il a paru nécessaire de soumettre toute division à l'autorisation du Maire pour permettre d'en vérifier la conformité avec le Règlement et pour éviter toute surprise désagréable aux acheteurs ignorants de la réglementation locale.
Enfin, il n'existe aucune réglementation de la mise en copropriété. Si cette pratique présente une utilité incontestable, en particulier pour permettre une utilisation satisfaisante de terrain dont la division n'est pas possible ou pas souhaitable, elle ne doit pas constituer un moyen de tourner la réglementation relative aux divisions. Certains incidents récents ont montré la nécessité de réglementer cette matière et d'en surveiller la mise en oeuvre.
Le règlement de 1937, en l'absence de directives, avait institué un zonage par rues [3]. Ce zonage présentait l'avantage d'assurer l'unité d'aspect des rues, Il était, par contre, une cause de difficultés et de complications aux intersections de rues appartenant à des catégories différentes. Le nouveau règlement impose un zonage par îlot. Il a donc fallu modifier le principe même du zonage et Il devenait impossible de conserver intégralement le précédent zonage. Le nouveau plan s'est cependant efforcé dans la mesure du possible de limiter les changements de catégories. L'ancienne 4e catégorie comprenait l'ensemble des zones commerciales. Sa superficie dépasse nettement les besoins du Vésinet en surfaces à affecter au commerce. Il en résulte que le commerce s'est cantonné en fait à certaines parties de ces îlots et que, là où la construction collective n'a pas chassé les habitations individuelles, il est resté des zones pavillonnaires avec des espaces boisés.
Cet état de fait a conduit, pour répondre aux voeux des habitants de ces zones préservées, à répartir l'ancienne 4e catégorie en trois sous-secteurs:

  • le sous-secteur dense
  • le sous-secteur de transition
  • le sous-secteur d'habitations basses avec jardins

Bien entendu, le commerce reste autorisé dans ces trois sous-secteurs, En résumé le présent projet de Règlement a été établi avec un double sens parfois contradictoire.
 — celui de conserver, autant que possible, à la demande de l'Administration, les dispositions du Règlement-Type,
 — celui de respecter, pour répondre aux voeux de la population, les intentions exprimées ou tacites du Fondateur du Vésinet. Ses rédacteurs espèrent qu'il sera bien accueilli par l'Administration et seraient heureux d'avoir pu, ainsi, contribuer à sauvegarder un site de la Région Parisienne qui mérite que soient un peu bousculées, s'il le faut, quelques habitudes pour que soit maintenue une oeuvre qui continue à être citée comme un modèle d'urbanisme.[4]

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Notes:

[1] Le règlement du Vésinet (projet d'aménagement, d'embellissement et d'extension de la Commune), déclaré d'utilité publique par Décret du 29 juillet 1937, avait été mis en révision par arrêté du Commissaire à la Construction et à l'Urbanisme pour la Région Parisienne, en date du 7 juin 1962 (Journal Officiel du 3 juillet 1962). Cette décision était justifiée, car le règlement de 1937 n'avait pas prévu le développement de la construction survenu depuis la dernière guerre, en corollaire de l'expansion de la Région Parisienne et de l'accroissement de sa population. L'usage l'avait révélé insuffisant, bien qu'à son époque il ait été un modèle du genre.

[2] Un nouveau texte approuvé par le Conseil Municipal (délibération du 29 juin 1966) fut transmis à la Direction Départementale de la Construction. Il fit l'objet d'un contre-projet de l'Administration calqué sur le règlement-type du Ministère. La Commission Municipale d'Urbanisme, aidée par les représentations des Associations locales les plus intéressées au problème — Syndicat d'Initiative, Association de Sauvegarde, Syndicat des Propriétaires — se remit au travail. Un nouveau texte fut proposé, assez voisin du premier, et un Plan d'Urbanisme fut établi. Il respectait intégralement les trois premières catégories du plan de 1937. Il introduisait dans la quatrième catégorie un sous-secteur d'habitations basses avec jardins pour préserver les îlots où prédominaient encore les arbres et les habitations individuelles. Ces documents, approuvés par le Conseil Municipal (délibération du 13 janvier 1967) furent transmis à nouveau à Versailles. Mais la Direction Départementale maintint son point de vue : le nouveau règlement devait procéder directement du règlement-type, ce qui était incompatible avec le maintien de certaines règles auxquelles le Vésinet devait son caractère particulier.

[3] La Commission a longuement hésité à abandonner cette classification traditionnelle, car cela entraînait inéluctablement des changements de classification pour un certain nombre de propriétés. Mais l'Administration a été intraitable. L'Architecte Urbaniste lié par contrat avec la Ville, a donc établi un nouveau plan dans lequel on a cherché à modifier le moins possible la classification des propriétés des trois premières catégories, tout en évitant, malgré tout, de présenter un plan trop morcelé et trop compliqué. Quant à la quatrième catégorie, sur les suggestions de l'Administration, elle a été divisée en trois sous-secteurs afin de serrer de plus près la situation réelle des îlots.

[4] Adopté par le Conseil Municipal (délibération du 7 avril 1970), ce Plan d'Urbanisme sera finalement approuvé par le Préfet des Yvelines le 8 Juillet 1970. On peut noter que le Conseil municipal avait obtenu durant cette année 1970 un autre succès important: l'inscription sur l’Inventaire des Sites pittoresques du Département des Yvelines del’ensemble du secteur résidentiel d’habitations individuelles de la commune. (Arrêté du 10 juillet 1970)


Société d'Histoire du Vésinet, 2007 - www.histoire-vesinet.org