Jean-Paul Debeaupuis, SHV, mars-avril 2025. La Saga des Pierson Le 20 avril 1881, Etienne Pallu épouse Marguerite Pierson, la fille aînée d'un négociant importateur parisien, Louis François Pierson. L.F. Pierson, originaire de Lorraine où son père fut l'instituteur de petits villages de la Meuse, était un modeste employé de commerce lorsqu'il épousa en 1858, à Paris, Rose Adèle Suchet, une parisienne, fille d'un agent maritime et sa proche voisine dans la rue du Coq-Héron à Paris (1er) où il logeait. M. Suchet père aidera aux débuts des affaires de son gendre qui pourra bientôt se dire « négociant ».
Pierson et son épouse (séparée de bien), domiciliés au 21 rue d'Amsterdam à Paris, achètent ensemble en 1879, un vaste terrain (jardin d'agrément) au Vésinet, au 9-11 avenue des Pages avec une grande villa (la future Villa des Pages). La Dame Pierson apparaît au cadastre pour la case 606 et son mari, François Louis pour la case 607. L'acte de vente passé à l'étude de Maîtres Aumont-Thiéville & Bazin, notaires à Paris, le 23 mai 1879, fournit de la propriété la description suivante : 1°– un corps de bâtiment en forme de pavillon auquel on accède par un perron en pierres avec marquise, élevé au milieu d'un jardin et d'un parc, sur sous-sol, d'un rez-de-chaussée et de deux étages, le deuxième mansardé avec comble couvert en tuiles ; 2°– à gauche de la grille, un bâtiment en forme de chalet élevé sur terre-plein d'un rez-de-chaussée et d'un premier étage couvert en tuiles ; 3°– de l'autre côté et à droite, un bâtiment parallèle élevé comme le précédent. Dans ces deux bâtiments, écurie, remises et boxes ; 4°– au fond du parc, un petit corps de bâtiment à usage de basse-cour et pigeonnier. La propriété s'étend sur plus de 9300 m², avec un grand jardin, un parc planté d'arbres fruitiers et d'agrément, entourée de murs de tous côtés à l'exception de la partie donnant sur l'avenue des Pages, sur laquelle existe « un mur à hauteur d'appui avec grilles en fer. » Propriété des Pages en 1874 (détail d'un plan dans L'Education paternelle dressé par l'architecte Armand Buraud) … le tout d'une contenance de neuf mille trois cent soixante-six mètres quarante centimètres, entouré de murs de tous côtés à l'exception de la partie donnant sur l'avenue des Pages, sur laquelle existe un mur à hauteur d'appui avec grilles en fer, tenant par devant à l'avenue des Pages, au fond à l'avenue Transversale RD (future av. Horace-Vernet), d'un côté à droite à la Société Pallu, d'autre côté et à gauche à la même Société et à M. Caron. On apprend grâce à l'acte de propriété que le terrain fut acheté à MM. Pallu & Cie par Mme veuve Dubourdieu (née Eugénie Anaïs Trabaud) qui y fera édifier la maison (1865) pour l'habiter durant quelques années avec son fils, Philippe Clément, employé au ministère de l'Intérieur, futur sous-préfet d'Eure-et-Loir. Mme Anaïs Dubourdieu était la veuve d'un commissaire de la Marine, Paul-Clément-Bernard Dubourdieu, mort à Alger du choléra à 48 ans en 1854. [1] Elle cédera ensuite la propriété à un riche diplomate Équatorien de Guayaquil, Miguel de Luzarraga, connu comme collectionneur d'art [2]. Lui-même revendra cette maison de campagne à M. et Mme Hippolyte Baudelot en 1875. Lui, un pâtissier parisien demeurant à Paris, 44 rue des Écuries-d'Artois, et elle née Alexandrine Justine Regnauld, connue aussi sous le pseudonyme de Mme Cécile d'Orsay comme femme de Lettres. Monsieur Baudelot étant décédé peu après l'acquisition de la propriété, sa veuve voulut la revendre à son tour. Les acheteurs furent M. et Mme Pierson. La vente ainsi faite « moyennant le prix principal de soixante mille francs qui a été payé comptant » est signée le 23 mai 1879.
L'année suivante, le 20 avril 1881, la fille aînée de M. et Mme L.F. Pierson est la première à trouver un mari, et pas n'importe qui : Etienne Pallu. Celui-ci, qui a perdu son père quelques mois plus tôt (le 4 novembre 1880), est alors le directeur en titre de la Société des Terrains & Eaux du Vésinet. Il sera bientôt en charge également des marbres onyx car le 15 janvier 1886, la production d'objets décoratifs sera fusionnée à celle de l'exploitation de la forêt du Vésinet dans la nouvelle société MM. Pallu & Cie, Etienne Pallu en étant le directeur-gérant, avec pour objet « Défrichement et mise en valeur de la forêt du Vésinet et d'une partie de la forêt de Saint-Germain, exploitation des marbres onyx d'Algérie et de bronzes ». Le 30 octobre 1888, M. Pierson marie sa seconde fille Louise (28 ans) à un publiciste, ex-diplomate Espagnol (rencontré parmi les résidents du Vésinet !). Ancien attaché au ministère de l'Intérieur d'Espagne et fils d'un banquier de Madrid, Guillaume Fernand Stanislas Bauer (32 ans) est surtout connu sous le nom de Fernand Bauer de Hermoso comme « un homme du monde accompli ». Un temps secrétaire particulier de l'ambassadeur d'Espagne à Paris, correspondant parisien occasionnel de journaux madrilènes comme La Epoca ou il Tiempo, il a longtemps collaboré au Clairon et au Gaulois. Il écrit aussi des billets sous le nom de F. de Villemont dans Le Monde Illustré, une chronique très suivie « Autour de la Vélocipédie ». Il est chevalier de la Légion d'Honneur. Le soir du samedi 8 février 1890, Etienne Pallu meurt à 36 ans, après quelques jours de maladie. Il avait reçu le 15 janvier précédent la croix de chevalier de la Légion d'Honneur des mains du contre-amiral Pallu de la Barrière, major général de la Marine, son parent. Cette médaille récompensait le succès des produits de l'exploitation des marbres onyx d'Algérie, présentés par la Compagnie Pallu à l'exposition universelle de 1889, récompensés par une médaille d'or et une médaille d'argent. Marguerite Pallu, se retrouve veuve à 30 ans avec trois enfants en bas-âge. Elle préférera s'éloigner du Vésinet et, dès le 1er juillet 1891, elle se remariera avec Albert Dubucquoy, un fonctionnaire, rédacteur principal à la préfecture de la Seine, il sera plus tard chef de bureau à la mairie du 11e arrondissement. Le 21 février 1891, à Paris M. et Mme Pierson marient leur fils aîné, Paul-Louis avec une toute jeune anglaise de 20 ans, Martha Morlock. Née à Londres en 1871, elle est la fille d'un personnage cosmopolite Karl-Gustav Morlock, natif du grand duché de Bade, grand voyageur et pour l'heure propriétaire directeur de deux hôtels parisiens de la Place Vendôme : L'Hôtel Bristol et l'Hôtel du Rhin, ce dernier servant aussi de domicile à une partie de la famille durant la saison hivernale. Paul-Louis Pierson, représentant de commerce selon son acte de mariage, devient avec sa jeune femme propriétaire d'une agréable villégiature au Vésinet (cadeau de son beau-père ?) à laquelle on donnera le nom de Villa Bristol, 27 boulevard du Midi (actuel boulevard du Président-Roosevelt). Mais le bonheur du jeune couple sera de courte durée. Paul-Louis meurt subitement dans sa résidence du Vésinet, le 30 juin 1892, âgé de 29 ans. Il rejoindra son jeune frère dans la sépulture familiale. Les palaces de la famille Morlock, place Vendôme (carte postale).
En raison de sa proximité avec la famille Pallu ou par intérêt personnel pour la chose publique, L.F. Pierson était entré au Conseil municipal du Vésinet dès l'élection de janvier 1881 sur la liste des Républicains conduite par le maire sortant, ancien adjoint d'Alphonse Pallu, Jean Laurent. Il est réélu avec la même liste (en 7e position) en mai 1884. Le 5 août suivant, il fait adopter une proposition de protestation contre un article du Figaro qui cite Le Vésinet parmi les communes qu'alimentent l'eau de la Seine. Or, l'eau distribuée au Vésinet étant alors « de l'eau de source absolument pure et distincte de l'eau du fleuve » une insertion dans les journaux, signée du Maire, devra faire reconnaître la qualité de l'eau. Faut-il voir dans cette intervention, la main du responsable de la Compagnie des Eaux ? A Paris, LF et Adèle Pierson ont quitté leur appartement du 21 rue d'Amsterdam pour le 13 de la rue Vivienne, à deux pas de la Bourse. Au Vésinet, après avoir été domiciliés, pour des raisons de commodité, à la Villa Marguerite (1890-92), ils occupent désormais une propriété très boisée (dont il ne reste à peu près rien de nos jours) au 28 avenue Kléber. Ils ont, semble-t-il, renoncé à quitter tout à fait Le Vésinet où leur gendre, Fernand Bauer de Hermoso, taquine le nouveau maire, Charles Drevet, sur la question des vélocipèdes dont la circulation désordonnée pose problème. Né à Paris (10e) le 20 janvier 1874 Jules Marc Henry Pierson, le dernier fils de la famille, arrive à l'âge de la conscription. Employé de commerce dans les affaires paternelles, Henry profite du Conseil de révision pour s'engager (11 novembre 1892) pour une durée de 4 ans. Affecté au 72e Régiment d'Infanterie, il y fait ses classes, est nommé caporal (1893) mais se fait réformer (commission spéciale d'Amiens, 8 janvier 1894) pour « hernie inguinale droite et mono-orchidie.» La mesure de réforme sera confirmée par la même commission le 19 novembre 1895 pour « ectopie testiculaire droite ». Henry rentre dans ses foyers. Le 21 janvier 1905, alors qu'il est en visite chez sa tante, à Paris, rue Dufresnoy, Fernand Bauer de Hermoso, victime d'une crise cardiaque, meurt subitement à 47 ans. Son acte de décès précise qu'il est domicilié au 12 allée du Lévrier au Vésinet. Une rature remplace la mention « sans profession » par celle de « chevalier de la Légion d'Honneur ». Ses obsèques sont célébrées le matin du 26 janvier à Paris en l'église Saint-Philippe du Roule et l'inhumation, au cimetière du Vésinet l'après-midi, rassemble une assistance nombreuse. Louise Pierson, jeune encore, se trouve veuve. On ne lui connaît pas d'enfants. Elle se remarie le 1er septembre 1906 avec Roger Drevet, un proche ami du couple Bauer de Hermoso, fils de l'ancien maire du Vésinet, alors disparu et ardent promoteur du sport cycliste. Roger a 17 ans de moins que Louise et vit encore avec sa mère, au 12 avenue Rembrandt, « de ses rentes ».
Le 5 octobre 1905 à St-Rémy-en-l'Eau (Oise) Henry se marie avec la fille d'un peintre en bâtiments d'Argenteuil : Louis Fulgence Zarisky et de sa femme née Léopoldine Dubois. Même si leur patronyme évoque vaguement les steppes d'Asie, ils sont Picards depuis plusieurs générations. Le couple habitera Pantin où Henri réside déjà avenue d'Aubervilliers. Il est représentant de commerce et après quelques années, il sera chef du service commercial à la Société Anonyme des Établissements Malicet et Blin, à Pantin (société fabricant des roulements à billes). Marguerite Pierson, la veuve d'Etienne Pallu, la mère des seuls descendants d'Alphonse Pallu, disparaît à 50 ans. On ne trouve pas d'annonce du décès dans la presse, chose pourtant courante à cette époque, et le choix d'être incinérée, en revanche, ne l'est pas et n'est pas sans interroger. Domiciliée Place Voltaire, elle est décédé au 200 Faubourg Saint-Denis, entre la gare du Nord et la gare de Lyon dans l'établissement hospitalier dit « Maison Dubois » du nom de son fondateur. [3] En mars 1911, les obsèques du baron Angot des Rotours (1828-1911), ancien magistrat, – frère de Madame Alphonse Pallu, il fait alors office de doyen de la famille – seront l'occasion de remettre à l'honneur le nom de « Pallu des Réaux » ignoré par l'état-civil, inusité d'Alphonse et d'Etienne Pallu et donc inconnu jusque là au Vésinet. Après ce moment de mars 1911, les trois enfants d'Etienne Pallu le porteront fidèlement dans les évènements mondains, à défaut de le voir mentionné dans les actes officiels. A l'automne 1912, c'est Louis François Pierson, leur autre grand-père qui va quitter la scène. Il meurt le 14 novembre 1912 dans sa maison de l'avenue Kleber, au Vésinet. Son fils Henry Pierson et son gendre Roger Drevet contre-signent l'acte de décès avec Jules Barrault (le père du grand homme de théâtre, Jean-Louis Barrault) alors adjoint au maire et officier d'état-civil. Il est inhumé dans la chapelle familiale où reposent déjà deux de ses fils, Charles et Paul-Louis. Son épouse, Adèle ne les rejoindra qu'en 1931, à plus de 90 ans.
Août 1914. La guerre est déclarée, la mobilisation générale est proclamée ... La Loire, lentement, encercle les bancs d'or Et coule entre les prés où les bêtes pâturent Ruminant doucement dans le jour qui s'endort. Le vent du soir étend son fraichissant murmure, La barque des pêcheurs ride le flot songeur Et l'on entend au loin le battement des rames. La brume descendant sur le vent chuchoteur Eteint les derniers bruits dans sa légère trame. L'Horizon faiblissant s'estompe ; la nuit vient L'Orient s'obscurcit et l'ombre, comme un rêve, Envahit les contours d'un soir virgilien Et la lune, là-bas, triste et ronde se lève … Le frère cadet de Marcel, René Pallu des Réaux, qui se trouve en Tunisie au moment de la mobilisation, est promu Lieutenant de Réserve par décret présidentiel (JO du 20 août 1914) ; le 19 septembre, il est affecté au 60e régiment d'artillerie de campagne (60e RAC). Parti aux Armées le 27 septembre, il est évacué pour raison de santé le 9 février 1915 et proposé peu après pour une radiation des cadres en raison d'une « insuffisance aortique ». Le diagnostic ayant été confirmé par une contre-visite, la radiation est ordonnée par le général commandant militaire de Tunis le 4 mai 1915 et René est rendu à la vie civile. Son insuffisance cardiaque lui vaudra une pension permanente de 50%, pour le reste de sa vie. Ancien élève de l'École Coloniale d'Agriculture de Tunis, René Pallu s'installera au Maroc où, ingénieur agricole colonial, il deviendra directeur du domaine d'El-Ghézazra près de Casablanca. Marié ... mais sans descendance il mourra « des suites des suites d'une maladie contractée aux armées » le 14 janvier 1939 à Casablanca où il sera inhumé. Albert Dubucqoy, leur beau-père, fait officier du Mérite agricole en 1913, chef de bureau principal à la préfecture de la Seine, aurait dû faire valoir ses droits à la retraite le 1er avril 1915, mais il choisit de rester provisoirement en fonctions jusqu'au 1er août 1918, en raison de la Guerre. Il est nommé chef de bureau honoraire le 12 août 1918 et il reçoit la croix de la Légion d'Honneur en janvier 1922. Le cousin des frères Pallu des Réaux, Henry Pierson est lui aussi mobilisé en septembre 1914 et affecté à la 22e section de C.G.A. mais rapidement détaché au titre de la sécurité des établissements Malicet et Blin, 103 avenue de la République à Aubervilliers en qualité d'ingénieur (circulaire ministérielle du 4 juillet 1915). Après plusieurs changements d'affectations dans divers régiments mais maintenu en détachement à Aubervilliers, il sera définitivement libéré de toute obligation militaire (décision ministérielle du 8 décembre 1918). Son beau-frère, Georges Zarisky, a moins de chance. Il tombe dès le 15 septembre 1915 « tué à l'ennemi » dans la forêt d'Argonne.
Marie-Andrée Pallu des Réaux, la seule petite fille de LF Pierson, n'est pas la dernière à profiter de ce que l'on appelle – à tort ou à raison – les années folles et à mettre à l'honneur sa nouvelle locution patronymique dans les gazettes et les chroniques mondaines. Son premier mari, Paul George Emler (le père de son seul enfant) dont elle a divorcé en 1909 s'est reconvertit dans le journalisme et occasionnellement en acteur de cinéma sous le pseudonyme de Raymond Narlay. Son second mari, le dentiste américain Franck W. Williams dont elle a divorcé également en 1919, « refait sa vie » avenue Hoche, à deux pas de l'Arc de Triomphe, avec une nouvelle compagne. Marie-Andrée convole en troisièmes noces avec Alexandre Brailowsky, « le pianiste russe bien connu ». Le mariage est célébré dans l'intimité à l'église orthodoxe de la rue Georges-Bizet, Paris (17e) le 4 septembre 1920. La presse s'en fera largement l'écho, mais après un délai d'une semaine. Alexandre Brailowsky, pianiste virtuose spécialiste de Liszt et de Chopin, est né à Kiev en 1896. Il sera naturalisé français en 1926. Pendant une dizaine d'années de vie commune, Alexandre et Marie-Andrée parcourent l'Europe d'une salle de concert à l'autre. Paul Jacques Etienne Emler (dit Jacques Emler), le fils de Marie-Andrée et George Emler alias Raymond Narlay, est né à Paris (8e) le 16 février 1904. Trop jeune pour participer à la Guerre, il est pilote breveté en 1923 et fait son service militaire dans l'aviation où il acquiert une expérience de « pilote aviateur ». Après 5 ans de services actifs dont deux majorés pour avoir servi sur les théâtres d'opérations extérieures (guerre du Rif), qui lui vaudront la Croix de Guerre des TOE avec trois citations et la Médaille Coloniale, Jacques Emler entame, en 1927, une carrière de pilote de ligne pour la Compagnie Générale Aéropostale. Avant de partir s'installer à Dakar (Sénégal) il a épousé à Paris (16e) Berthe Fanny Albala. Née à Bursa en Turquie d'un père turc et d'une mère tunisienne, tous deux instituteurs, celle-ci est venue s'installer en France après la mort de son père. Elle exerce avec sa mère, le métier d'institutrice dans les écoles du 16e arrondissement. Mme Albala-Khiat, la mère, avait dirigé l'école des filles de l'Alliance israélite universelle de Bagdad, ce qui lui avait valu les Palmes académiques en 1912. Pilote de ligne de tout premier ordre. Depuis 1927 assure un service très régulier sur les divers secteurs de la ligne Toulouse-Dakar s'imposant par sa maîtrise et son sang-froid. Spécialisé dans les vols de nuit sur le tronçon Port Etienne - Dakar, surmonte magnifiquement toutes les traîtrises du désert et les difficultés du vol de nuit dans les vents de sable. Parvient toujours à livrer son courrier au jour et à l'heure prévus. Totalise plus de 3.700 heures de vol dont plus de 1.000 sur le parcours particulièrement pénible Port Etienne - Dakar... A partir d'août 1929, il assure la liaison aérienne Casablanca-Dakar. Le 9 mai 1933 Jacques Emler est aux commandes d'un avion Laté 28-1 (n°904 F-AJIX) avec Alfred Guyomar, son opérateur radio et quatre passagers (René Riguelle, chef de section à Dakar rentrant en France pour un congé, Ernest Valette, le Dr Supervie et sa femme) lorsque l'avion s'écrase à Viladrau sur la Sierra de Montseny en Espagne [5]. Les six occupants périssent dans l'accident. Le rapport de Raymond Danel, expert de l'Aéropostale, est rédigé en ces termes : En provenance de Casablanca, l'avion avait redécollé de Barcelone pour Toulouse. Il s'écrasa puis s'embrasa par suite de l'éclatement du réservoir d'essence. Le pilote entré dans une formation orageuse, surpris sans visibilité extérieure, par de violents remous, est revenu à la lumière en glissade au-dessus d'un cirque de montagnes élevées. Pour éviter la rencontre brutale, il fit par deux fois des manœuvres hardies qui évitèrent le choc. Mais au cours de la dernière, l'appareil passa sur le dos ; il s'en suivit le flambage des mats et la rupture des ailes ; le fuselage s'effondra dans le ravin, plein moteur et le contact brutal avec le sol amena l'incendie. Plaque funéraire sur la tombe de la famille EMLER au cimetière du Vésinet (shv, 2001) où reposent le pilote tragiquement disparu, sa mère Marie-Andrée Braïlowsky, sa femme Berthe et la plupart de leurs enfants ... ... Le 16 mai, le corps de Jacques Emler est ramené à Paris. Un office religieux est célébré à l'église St-Philippe-du-Roule avant l'inhumation au cimetière du Vésinet, auprès de sa mère. **** Notes et sources : [1] Le moment où Mme Dubourdieu achète le terrain et met en chantier la villa coïncide avec le moment où son fils est créé baron héréditaire par réversion du titre conféré à son grand-oncle (lettres patentes du 20 août 1864). Sa décision de revendre la maison huit ans plus tard coïncide avec le mariage de ce même fils (3 juin 1873) avec Mlle Delphi des Gouëites et leur départ en province. [2] Miguel Luzarraga y Rico, né à Guayaquil en 1834 et mort dans la même ville en 1911, est apparenté à une riche famille de négociants Equatoriens. Parfois présenté comme « comte de Luzarraga », il fut attaché d'ambassade à Paris (autour de 1866), il est mentionné avec sa femme et sa fille dans les chroniques de la vie parisienne. On le présente comme « riche » collectionneur d'arts et peut-être mécène. Il fut victime à Paris de vols domestiques et fut amené à témoigner dans un procès (1874). Sa situation d'étranger et de tuteur de sujets espagnols a compliqué la levée d'hypothèque lors de la vente de la villa de l'avenue des Pages, ce qui explique la trace de cette vente dans la Gazette des Tribunaux. [3] Fondé par le baron Dubois, chirurgien, l'établissement deviendra l'Hôpital Fernand-Widal en 1959. [4] Agent d'assurance avant la Guerre, Paul George Emler est réformé pour endocardite chronique. Engagé volontaire en 1914, il est blessé en 1915 aux Éparges (Meuse) et sera pensionné pour les suites de ses blessures (enseveli lors d'un éclatement de torpille, il a subi une commotion cérébrale). Il restera sourd de l'oreille droite. Plusieurs fois renvoyé dans ses foyers durant les hostilités, il est libéré des obligations militaires en 1919. Il se reconvertit dans le journalisme. A partir de 1926, il se produit dans quelques films (muets) sous le pseudonyme de Raymond Narlay et « franchit la barrière du parlant ». Il tiendra des rôles, modestes mais parfois salués par la critique, dans quelques films dont certains, dirigés par des metteurs en scène connus, ont été des succès. Entre 1931 et 1947, il fait quelques apparitions au théâtre. [5] Une note officielle résumant les résultats de l'enquête sur cet accident sera publiée en 1934 par Paul Perrin, député de Paris, dans son rapport de mission en Afrique. Elle n'empêcha pas les commentaires et critiques sur les qualités et les défauts du Latécoère 28, monoplan haubané, en cause dans l'accident. Lancée en 1937, une souscription nationale permit d'édifier à Toulouse un monument à la mémoire des morts de la ligne Toulouse-Santiago du Chili. Beaucoup d'autres monuments semblables furent édifiés ensuite, sur les trois continents.
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