Source principale: Dictionnaire des fondeurs de bronze d'art, France 1890-1950, Élisabeth Lebon. - Perth : Marjon éd., 2003. Les Rudier, une famille de bronze Alexis Rudier apparaît pour la première
fois dans le Bottin commercial de 1875, rue Charlot à Paris, puis à partir
de 1880, au 45, rue de Saintonge, adresse qui restera celle de l'entreprise
jusqu'au déménagement à Malakoff en 1934. A la mort d'Alexis, en 1897,
sa veuve reprend l'affaire, assistée de son fils Eugène, né en 1879, à Paris. Mouleur et fondeur en or, argent et cuivre. Spécialité pour orfèvre, joailliers, bijoutiers et bronzes d'art. Modèles sur plâtre et cire. Fonte or argent tous les jours. La signature d'Alexis a du reste été conservée. . Rodin (assis) et Eugène Rudier (debout au premier plan) en 1917. Collection Robert Descharnes (tous droits réservés) En 1904, s'ajoute au descriptif de l'entreprise Moulages artistiques. Rudier travaille alors depuis deux ans pour
Rodin. Il continue également à travailler pour des orfèvres puis pour
Maillol. Selon Dina Vierny, la collaboration de Rudier et Maillol a été
des plus heureuses, traversée ça et là par quelques violents orages :
Rudier, étant autoritaire et possessif, voulait être le seul fondeur de
Maillol. Vve Alexis — Eugène Rudier fils (officier d'académie) succ. Cependant, la signature apposée sur les
bronzes reste, et restera toujours, au nom du père : « Alexis Rudier ». La prestigieuse signature : « Alexis Rudier. Fondeur. Paris. » En 1918, Eugène Rudier établit sa villégiature au Vésinet. Il y acquiert
un grand terrain, un parc boisé avenue Centrale (correspondant aux 84
et 86, de l'actuelle avenue Georges Clemenceau). La maison existe toujours.
Il disposera dans le parc au milieu des arbres quelques unes des plus
célèbres statues sorties de ses moules : le Saint-Jean-Baptiste et l'Ombre de Rodin, le Beethoven et l'Héraklès de
Bourdelle, la Vénus de Maillol et, coulé en plomb sur cinq mètres
de haut, le Faune de Paul Dardé, ...au point qu'une revue d'Art consacra à ce « musée de sculpture en plein air au Vésinet », abritant des reproductions d'œuvres de Rodin, Maillol et Renoir, un article illustré. [2] Ayant travaillé une quinzaine d'années seulement pour Rodin (en se voyant fréquemment retirer l'exécution des patines que le sculpteur préférait confier à Limet) et trente-cinq ans pour le Musée Rodin, Eugène fonda une grande partie de son immense réputation sur la clientèle du maître de Meudon, alors qu'il fournit bien plus de fontes posthumes que de bronzes ayant reçu l'assentiment de l'artiste. Toutefois, Rudier, après le décès de Rodin, emploira Jean Limet qui faisait office auprès du sculpteur de conseiller technique pour les fontes et de patineur hors pair. Limet travaillera jusqu'à sa mort, survenue en 1941, pour Eugène Rudier, surveillant et patinant tout spécialement les fontes posthumes du maître. Alberto Giacometti dans le parc d'Eugène Rudier au Vésinet, en 1950, posant dans la sculpture Les Bourgeois de Calais de Rodin. © Fondation Giacometti. Les ateliers de la rue de Saintonge sont
abandonnés vers 1935-1936. L'atelier a été transféré dans la proche banlieue
sud, à Malakoff. Dans un bâtiment voisin de la fonderie spécialement aménagé,
Rudier a installé sa collection privée de sculptures, mais aussi de tableaux
et de dessins. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Eugène a acquis une telle réputation et des amis si puissants (Arno Breker est un client à titre personnel, mais il passe aussi commande pour le Reich : Rudier fondra à sa demande une monumentale Porte de l'Enfer de Rodin) qu'il échappe à l'interdiction d'utiliser du bronze pour les ornements, bas-reliefs et statues. Une fois encore, il profite donc d'une période extrêmement difficile pour ses concurrents et parvient à en sortir en position hégémonique. Jusqu'à la fin des années 1940, il fond toujours le bronze, le plomb, l'or, l'argent et l'aluminium. Il pratiqua exclusivement la fonte au sable. La date à partir de laquelle il pratiqua la numérotation des épreuves, rapportée ou non au nombre total de tirages, n'a pu être fixée; on peut penser qu'il adopta cette pratique, comme la plupart de ses concurrents, au cours de la première décennie du XXe siècle. Elle ne fut en tout cas pas systématique : il semble que Rudier ait établi avec les artistes comme avec les collectionneurs des relations basées en grande partie sur la confiance mutuelle. L'Ombre de Rodin Monument funéraire de Eugène Rudier Cimetière du Vésinet, shv 2005 Vers 1950, Rudier qui se préoccupait depuis
quelque temps de sa sépulture et avait demandé l'autorisation de surmonter
sa tombe de La Grande Ombre de Rodin, qui figurait dans sa propriété.
Le maire Jean-Marie Louvel, d'abord réticent, finit par donner son accord en échange d'un buste de Marianne de Paul Belmondo. La disparition d'Eugène Rudier laissa
les importants clients qu'étaient le musée Rodin et Lucien Maillol sans
fondeur. Soucieux de pouvoir continuer ses tirages avec l'équipe qui avait
reçu l'assentiment de son père, Lucien Maillol chercha à la préserver.
Appuyé par le musée Rodin, il incita alors Georges Rudier neveu désavoué
d'Eugène qui s'était installé en région parisienne pour y lancer une fonderie
de bronzes industriels et ornementaux, à reprendre les hommes ainsi qu'une
partie des machines, afin que l'équipe talentueuse ne se disperse pas. **** Notes et sources : [1] Paul Moreau-Vauthier, "Le maître fondeur Eugène Rudier", L'Art et les artistes, mars 1936, pp. 203-209. [2] Art et Industrie, 1er trimestre 1949. [3] Joan Vita Miller et Gary Marotta, "Rodin : The B. Gerald Cantor Collection", Metropolitan Museum of Art, New York, 1986. [4] Jean Bouret, "La dame de bronze et le monsieur de métal", Arts, 5 janvier 1951. [5] Dina Vierny et Bertrand Lorquin, Maillol, la passion du bronze, Paris, fondation Dina Vierny musée Maillol, 1995. [6] Adolphine Eugénie Lamothe (1872-1957) qui partagea sa vie au Vésinet puis à Malakoff et fut son exécutrice testamentaire.
Voir aussi : Dictionnaire des fondeurs de bronze d'art, en France de 1890 à 1950.
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