Habitants célèbres du Vésinet > Jeanne Thil > Jeanne Thil, artiste-peintre (1887-1968) Une grande voyageuse [1] [...] Venue à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris où elle fut l'élève de Ferdinand Humbert et de Charles Fouqueray, elle travailla parallèlement à l'Ecole des Arts Décoratifs. Une nomination de professeur de dessin de la Ville de Paris, un grand prix à l'Ecole des Arts Décoratifs, le prix Chenavard, une médaille d'argent en 1920 au Salon des Artistes Français, la désignèrent promptement pour une bourse de voyage qui allait lui permettre de s'avancer dans sa véritable voie. Dès lors, les œuvres se succédèrent. Jeanne Thil dans son atelier A l'Exposition Coloniale de 1931, on demanda à Mlle Thil, outre plusieurs tableaux au Palais des Beaux-Arts, trois grandes évocations de la Vigne, des Forêts, de l'Elevage, une vaste frise et une carte décorative pour le Palais Tunisien, un diorama de la Haute-Volta et deux panneaux sur Dakar au Palais de l'Afrique Occidentale. Mlle Thil, de 1925 à 1932, a participé à nos expositions françaises, à Madrid, Barcelone, Bruxelles, Rome, Tunis, Tokyo, et l'Etat a acquis plusieurs de ses œuvres. [...] Les circonstances ont amené Mlle Thil à représenter les bourgeois de Calais avec la bonne reine suppliant le dur souverain anglais, ou les fastes du régiment Royal-Picardie. Elle s'en est acquittée fort intelligemment, ne considérant pas les commandes comme des pensums, s'y attachant, y voyant un prétexte tout pictural à faire s'ébrouer des chevaux, à faire briller et chatoyer des armures et des uniformes, à mêler des voilures ou des drapeaux à des ciels tumultueux et ces compositions, d'où toute froideur académique est exclue, lui font honneur et lui ont servi d'expériences. Mais son véritable tempérament n'est pas révélé par elles. J'en vois l'expression plus complète et plus profonde dans ses œuvres espagnoles et exotiques. Un Zuloaga n'aurait qu'éloges pour les Paysans de Ségovie, l'Arco d'Avila, ou les Gardiens de taureaux au bord du Guadalquivir. L'Espagne farouche et inactuelle, c'est-à-dire résistant au progrès de l'uniformisation dans la laideur, est là dite largement, dans de belles gammes ardentes, par des plans amplement juxtaposés ; rien de mesquin, de fignolé, d'étriqué, rien de ce que le mot « féminin » suggère souvent de défavorable, en ce dessin par volumes colorés, d'une grande énergie, en cette définition du caractère des êtres et des sites. Et des toiles comme la Caravane à Kairouan, les panneaux décoratifs de la Vigne, des Forêts, des Fruits, prouvent une admirable pénétration des types et des attitudes islamiques. Mais c'est toujours dans le souci de la composition orchestrée, mêlant les êtres au paysage et au ciel, inféodant la créature à la race et celle-ci au sol, ainsi que le voulait et le faisait Puvis de Chavannes. Jeanne Thil - Oasis de Gabès Huile sur toile 65x54 cm ; vendue 12 000 €, Drouot - Richelieu mars 2013. [...] Il arrive donc à Mlle Jeanne Thil de dépasser le simple prestige décoratif, dans ces régions où le décoratif et la vie contemplative ne font qu'un, où tout homme est une statue en marche, où la beauté formelle est liée au moindre geste et c'est bien pourquoi elle a la passion des blancheurs sous l'azur. Elle est allée récemment la satisfaire en Grèce, d'où elle a rapporté d'autres belles choses. Elle est née pour la synthèse murale, pour les tons riches et les formes amples. En ce temps de misérable petite « école des quatre pommes », de ruelles montmartroises rabâchées, de nus d'ateliers anémiques et plats, de potagers banlieusards, sans style, sans imagination, sans goût, où l'on s'épuise à trouver « des qualités de peintre » et des mérites de palette dont la mesquinerie eût fait rire les maîtres, ils sont de plus en plus rares, les artistes capables de se mesurer avec une muraille, de la remplir, d'y jeter avec autant de science que d'enthousiasme des ciels, des horizons, des cavaleries, des animaux, des vaisseaux, des foules, dans la joie des volumes denses, des colorations éclatantes, des magiques pénombres, de ce lyrisme enfin qui n'a rien de « littéraire » mais élève son chant au milieu de la nature elle-même.
Affiches pour la Compagnie générale transatlantique (dont Jeanne Thil a aussi décoré plusieurs navires de 1927 à 1962)
Jeanne Thil et Le Vésinet Dans le témoignage de Jeanne Thil recueilli par Mme Granet pour Défense de la France (D.F.) en novembre 1946, on apprend qu'elle avait été mise en relation avec les groupes de résistants dès « fin 1940 ou début 1941 » par une consœur artiste-peintre Eliane Rouget. Elle fit dès lors circuler divers tracts et journaux clandestins. Par son frère Louis, qui la loge dans sa maison du Vésinet, elle dispose de ressources financières largement consacrées aux actions résistantes. Beaucoup de faux papiers (d'identité, des certificats de travail, des fiches de démobilisation, etc.) seront ainsi obtenus (Réseau Valmy) et une quarantaine de parachutistes, pour l'OCM, acheminés vers la liberté. « Pendant toute l'Occupation, chez Mlle Thil (38 avenue Corot) se sont effectuées les liaisons entre diverses organisations : le réseau de Vernon, Résistance, D.F., O.C.M. » peut-on lire dans ce compte-rendu de témoignage. Durant de nombreuses années, Jeanne Thil a trouvé au Vésinet le lieu propice au repos entre ses nombreux voyages. Elle s'y était attachée et y a achevé sa vie. Elle y est morte le 16 mars 1968 et repose depuis lors dans le cimetière municipal.
Après quelques brefs échanges qu'on ne qualifiera pas de négociations, la Mairie ne pouvant ou ne souhaitant pas accéder à ces demandes, le projet fut abandonné. M. Olland se tourna alors vers Calais, la ville où Jeanne Thil a vu le jour – au hasard des affectations de son père, Philippe Thil (1854-1926) officier artilleur. Le monument funéraire de la famille Thil dans le cimetière municipal du Vésinet (Cliché SHV) La Ville de Calais prendra également à sa charge l'entretien de la tombe de Jeanne Thil, au Vésinet, pour un coût de 70 € annuels. Les 170 œuvres composant le legs sont estimées à 500 000 Euros. On peut en admirer d'autres par exemple dans la salle des mariages de l'hôtel de ville du Touquet, Un Mariage au XVe siècle, ou dans un amphithéâtre de la faculté des lettres de Lille, La Fresque des Doyens qui n'est d'ailleurs pas une fresque mais une toile marouflée. [3] **** Notes et sources : [1] Le portrait ci-dessus est largement emprunté à Camille Mauclair, L'Art et les artistes, Armand Dayot éd., Paris, 1933. [2] Archives municipales et Fonds de la SHV. [3] La Voix du Nord, mai-juin 2016.
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