D'après Jack Palmer White,
Lucie Valore Editions Les Gémeaux, Paris, 1952
Lucie Valore
La dame de Shalott interroge son miroir, tandis
que ses doigts courent sur le canevas.
Et la voici qui tisse,
jour et nuit diligente
Une toile enchantée aux couleurs chatoyantes...
Je ne puis m’empêcher d’évoquer Tennyson
et la Dame de Shalott quand je me trouve en présence de Lucie Valore.
Son île s’appelle Le Vésinet; le fleuve, c’est la Seine,
et, la cité aux remparts, Paris aux deux mille ans. Quant à sa
tour, ce n’est autre que son atelier, poste de vigie perché au
sommet d’une sorte de mât à l’un des angles de sa maisonnette. Ce mât,
on a dû le dresser là après coup, alors que déjà la maison avait été...
lancée.
La Bonne Lucie,
maison d'Utrillo telle qu'on peut la voir
aujourd'hui au Vésinet (2004)...
Et c’est à son poste de vigie qu’elle
scrute le miroir de son imagination et enferme le reflet du monde entre
les mailles de ses toiles.
— Vous voyez cette villa? interroge-t-elle.
Je jette un coup d’oeil à la fenêtre. Il y a en effet, à quelque distance
d’ici, une maison en cours de construction. Elle n’a pas de toit, pour
l’instant, mais je distingue les minuscules silhouettes des couvreurs,
qui s’affairent sur les traverses.
Or, voici, devant elle, sur un chevalet, un paysage et cette même villa:
c’est une toile achevée, et même signée.
— J’ai terminé le toit avant les couvreurs, dit-elle,
et, avec un sourire qui chercherait presque à s’excuser, elle ajoute:
— et puis j’ai planté les arbres avant les pépiniéristes.
Elle conclut enfin, avec une parfaite bonne foi:
— D'ici quelques années, cette maison sur ma toile
vaudra dix fois le modèle.
Dessin de Lucie
Valore (1951) Cliché shv.
Société d'Histoire du Vésinet,
2005 - www.histoire-vesinet.org