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Paul Abadie, architecte

Paul Abadie est né à Paris le 9 novembre 1812. Il est le fils de Paul Abadie, un célèbre architecte bordelais installé à Angoulême et auteur dans cette ville du Palais de Justice, de la Préfecture et du portail de l'église St-André.
Paul Abadie junior fit ses études aux collèges d'Angoulème et de Bordeaux. A vingt ans, il revint à Paris, entra dans l'atelier d'Achille Leclère (1832) puis à l'École des Beaux-Arts pour y étudier l'architecture de 1835 à 1839 date à laquelle il fut admis au concours du Grand Prix de Rome.
Nommé, en 1841, surnuméraire aux travaux de construction du palais des archives (agence des Archives du Royaume) sous la direction d'Édouard Dubois et de Charles Lelong, puis auditeur au conseil des bâtiments civils où il resta jusqu'à 1845, Abadie participa à la redécouverte du Moyen Âge, notamment par les tournées qu'il fit à partir de 1844 en tant qu'attaché à la Commission des monuments historiques. En même temps qu'il élaborait à ce titre ses premiers projets de restauration, il fut nommé second inspecteur en 1845, des travaux de Notre-Dame de Paris, dirigés par Jean-Baptiste Lassus et Eugène Viollet-le-Duc.
En 1849, à la suite de la création du service chargé des édifices diocésains, Abadie fut nommé architecte pour les diocèses de Périgueux, Angoulême et Cahors. A Augoulême, il construisit les églises Saint-Martial, Saint-Ausone, la chapelle du lycée et le très bel hôtel de ville qui s'éleva sur l'emplacement de l'ancien château, dont le donjon avait été conservé et restauré.

Hôtel de Ville d'Angoulème

Hôtel de Ville d'Angoulême
construit de 1858 à 1865,
sur l'emplacement du château
des comtes d'Angoulême

On doit à Paul Abadie plus d'une quarantaine de projets ou travaux de restauration, principalement sur les églises romanes de Charente à Montmoreau, (1845-1857), Châteauneuf-sur-Charente (1846-1850 et 1858-1861), Saint-Michel, (1848-1853), de Dordogne à Brantôme (1847-1854) ou plus tard en Gironde à Loupiac (1847-1859) etc.

En 1853, François Léonce Reynaud, frère de l'encyclopédiste Jean Reynaud, Inspecteur général des édifices diocésains de 1853 à 1856, écrivit à son sujet:

M. Abadie est l'un des architectes les plus distingués sous tous les rapports que j'ai rencontrés dans le cours de mon inspection. C'est un homme fort intelligent, un esprit sage et un artiste de grande valeur. Ses projets sont sérieusement étudiés, ses travaux sont parfaitement conduits, sa comptabilité peut être prise pour modèle. C'est après avoir inspecté, avec l'intérêt qu'ils méritent, les travaux exécutés par M. Abadie dans les diocèses d'Angoulême et de Périgueux et après avoir passé cinq jours avec lui que je me suis formé cette opinion.
Je vous proposerai, M. le ministre, d'adresser à M. Abadie des témoignages de votre satisfaction en attendant l'époque, sans doute peu éloignée, où vous récompenserez, plus dignement encore ses excellents services par une décoration que je jugerai, dès à présent, parfaitement méritée, mais que je n'ose encore demander"
.

[compte-rendu du personnel, extrait]

En juin 1853, le préfet de la Charente le proposa pour la croix de la légion d'honneur. Le ministère des cultes s'y opposa, d'autant que le comité des inspecteurs généraux préférait pousser un autre candidat: Danjoy. La direction des cultes notait à ce sujet :

Au point de vue du service, la nomination de M. Abadie serait déplorable. Si nous avions trois ou quatre architectes comme lui, il faudrait fermer la porte. Il dépasse tous ses crédits, pèse sur notre budget diocésain, notre budget paroissial. Ainsi, en 1854, M. Abadie a dépensé à Angoulême 82 000 fr. au lieu de 35 000. À Périgueux, il a dépassé son crédit de 12 000 fr. Il nous coûte cher en frais de voyage : 4 630 fr. pour 1853 et 1854.
Je crois qu'il doit faire tourmenter M. Magne et ses deux évêques. Pourquoi ne demande-t-il pas au ministère d'État ? C'est, du reste, un homme capable et honnête mais il nous cause les plus grands embarras en excitant les appétits dans les diocèses et en dépassant les crédits
.

Il fut néanmoins nommé en 1856, bien que Contencin l'estimât trop jeune, alors que "des architectes d'un mérite consacré et d'une grande expérience attendent encore" . Il était, en effet, recommandé par le ministre des finances.
À Bordeaux, avant d'être nommé en 1862 architecte diocésain pour la cathédrale, il prit part à un important programme de restauration conçu pour manifester le renouveau catholique du diocèse (clocher de Saint-Michel, 1857-1869; façade de Sainte-Croix, 1859-1865).

En, 1869, Paul Abadie, qui avait alors fondé sa réputation, fut nommé conseiller des bâtiments civils et officier de la Légion d'honneur sur proposition du ministre de la Maison de l'Empereur. Cette même année, il fit partie des dix candidats qui se disputèrent le grand prix d'architecture de 100 000 francs, finalement décerné à Louis Joseph Duc.
Il devint en 1872 inspecteur général des édifices diocésains. Le 7 juillet 1874, il fut nommé architecte diocésain de Paris, en remplacement de Viollet-le-Duc, démissionnaire. Au mois de janvier 1875, il succédait à Jacques Emile Gilbert comme membre de l'Académie des Beaux-Arts.
En même temps qu'il restaurait, Abadie projetait ou construisait une cinquantaine de bâtiments, principalement des églises, comme Saint-Martial d'Angoulême (1849-1856), Notre-Dame de Bergerac (Dordogne, 1851-1866), Saint-Ausone d'Angoulême (1856-1868), Sainte-Marie de Bordeaux (1860-1886), Saint-Ferdinand de Bordeaux (1862-1867) ou le Sacré-Cœur d'Agen (Lot-et-Garonne, à partir de 1876), mais aussi des habitations (maison urbaine à Angoulême, rue Paul-Abadie, avant 1856), des tombeaux et plusieurs édifices publics civils. Le plus important de ces derniers est l'hôtel de ville d'Angoulême (1854-1869) qui inclut des vestiges de l'ancien château comtal (XIIIe-XVe siècle) et qui se réfère aux hôtels de ville des communes médiévales.
En 1874, Abadie remportait le concours pour le Sacré-Cœur de Montmartre à Paris, église dont la construction devait répondre à un vœu émis au moment de la défaite de 1870-1871.

C'est à cette époque qu'il fit l'acquisition d'un terrain à l'angle de l'avenue Centrale, n°1 (actuelle av. Georges Clemenceau) et de l'avenue des Princes, n°6 (actuelle rue François Arago), sur le territoire de la commune de Chatou, dans la nouvelle colonie du Vésinet, juste à la limite de celle-ci. Il marqua de son empreinte la ville Chatou: à la demande de l’Abbé Borreau, il restaura l’église Notre Dame, éventrée en 1870-71 par les bombardements français en provenance du Mont Valérien, tandis que Chatou était occupée par les prussiens. En 1882, inspecteur général des édifices diocésains, il fut l’inspirateur de la façade néogothique de l'église, construite par l’architecte Bardon. En 1972, le nom de Paul Abadie sera donné au chemin des Glaises ou Allée du Grand Bray, à Chatou.
En 1875, le 31 mai, Paul Abadie devint un habitant du Vésinet (on ne disait pas encore vésigondin). Deux semaines plus tard les travaux d'édification du Sacré-Coeur commencèrent.

Sacré Coeur en chantier

Montmartre.
Rue du Chevalier de La Barre -
Basilique du Sacré-Coeur en chantier
Août 1899.

Cote : BNF - Est. Va 32

 

La première pierre fut posée le 16 juin 1875 en présence du président de la République, le maréchal de Mac-Mahon. Mais la basilique ne sera consacrée qu'en 1919, bien après la mort de l'architecte, survenue le 3 août 1884, sur le quai de la gare de Chatou. Il faudra attendre 2020 pour classer l'édifice « Monument historique ».

"Restaurateur et architecte controversé, Abadie a bénéficié depuis les années 1980 du nouveau regard porté sur son époque, retrouvant ainsi une plus juste place. On a réévalué notamment sa participation au mouvement du rationalisme néo-médiéval, en reconnaissant son originalité par rapport à Viollet-le-Duc.

Abadie apparaît désormais comme un architecte moins doctrinaire que ce dernier, plus ambigu, ayant su, le moment venu, composer avec l'éclectisme de son temps. On lui reconnaît également une part importante dans la définition de quelques-uns des types architecturaux les plus notables de son époque : les combinaisons variées qu'il a proposées pour ses édifices paroissiaux ont contribué à fixer le type de l'église néo-médiévale de la seconde moitié du XIXe siècle ; l'ordonnance de la maison de la rue Paul-Abadie à Angoulême a ouvert la voie de façon très précoce aux façades exprimant la distribution, formule qui deviendra la règle à la fin du siècle ; le modèle du Sacré-Cœur de Montmartre a influencé plusieurs grandes basiliques votives ou de pèlerinage (par exemple la basilique de Koekelberg à Bruxelles, 1919-1960, par Albert van Huffel, ou la basilique Sainte-Thérèse de Lisieux, 1928-1954, par Louis-Marie Cordonnier).

Il a aussi inspiré un certain nombre d'églises, notamment à Paris (Saint-Esprit, 1938-1935, par Paul Tournon ; Saint-Pierre-de-Chaillot, 1931-1938, par Émile Bois; Sainte-Odile, 1934-1946, par Jacques Barge).

Encyclopædia Universalis, 2004.

Paul Abadie


Sources:

  • Grand dictionnaire Larousse Universel du XIXe siècle, Paris 1876.
  • Encyclopaedia Universalis, Tome 8, Paris, 1974.
  • Répertoire des architectes diocésains du XIXe siècle, par Jean-Michel Leniaud; édition en ligne de l'Ecole des Chartes.
  • L'œuvre d'architecture de Paul Abadie (1812-1884). Situation culturelle et inventaire", in Bulletin d'histoire de l'art français, 1982.
  • Sur l'Histoire de la basilique, lire La basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, de Patrick Sbalchiero, Editions Artège, Paris, 2020.

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