Texte de la fin du XIXe siècle

Louis XIII agrandit la forêt

par l'acquisition des bois des seigneurs de Croissy, de Chatou et de la Borde

Sous le règne de Louis XIII, la forêt domaniale du Vésinet s'accrut considérablement par des achats successifs faits aux seigneurs des communes voisines. Des seigneurs de Chatou et de La Borde, 335 arpents 92 perches de bois, dit un auteur, sans en indiquer le lieu et en donnant deux dates bien différentes. Le même auteur dit que cette vente fut faite le 16 février 1606 (ce serait sous Henri IV) puis il indique après la date de 1612, sous Louis XIII.

Le roi Louis XIII peint par Ph. de Champaigne

Un plan qui se trouve aux archives départementales donne une indication qui peut se rapporter à cette vente, sans cependant la confirmer officiellement et sans date. Sur ce plan, on lit sur les bois qui se trouvent compris entre un tracé partant de la route actuelle de Sartrouville sur le territoire de Montesson, passant à la jonction de l'avenue du Belloy et de la route de La Borde, et joignant la route de Montesson, puis faisant un angle pour rejoindre l'avenue de la Princesse et la suivre jusqu'au passage à niveau, remontant le long du chemin de fer jusqu'au pont de l'avenue Horace-Vernet, et limitée vers l'ouest par le grand lac, on lit "bois de la Trahison, appelé forêt de Cornillon, que M. Portail a vendu au roi Louis XIII".
Une autre indication au même plan spécifie les emplacements particuliers de ces deux bois, bien distinctement, en indiquant le bois de la Trahison sur les terrains compris entre l'avenue du Belloy, l'avenue du Grand-Veneur, la propriété de M. Pallu et la route de Chatou, et plus particulièrement la partie comprise entre la route de Chatou, l'avenue Horace Vernet et celle des Pages, jusqu'à leur jonction au rond-point du Grand-Veneur.
Quant au bois de Cornillon, le même plan indique, en face de celui de la Trahison, de l'autre côté de la route de Chatou, sur le village même, la futaie ancienne, "bois de Cornillon".

De ces indications précises, il ressort donc bien que la forêt fut et s'appela toujours forêt du Vésinet, comme dès son origine, nous en trouvons la trace, et que ce ne sont que des parties de bois, des endroits spéciaux qui portèrent les noms de Cornillon, de Trahison, nous en avons les preuves, et d'Echaufour, que nous retrouverons peut-être un jour [1]. Et si l'on a appliqué parfois ces noms particuliers à la forêt elle-même, c'est qu'on prenait la partie pour le tout et fort improprement. Ici, le plan n'indique que la vente de bois par le seigneur de Chatou, Portail. Le plan et ses indications peuvent n'être pas la confirmation de la vente faite et rapportée par l'auteur en question ; ce seraient deux ventes différentes.

Quoi qu'il en soit, la vente des bois de 1612 fut faite au roi, par clause et condition de conserver aux habitants de Chatou et de Montesson les droits d'usage, de pacage et de pâturage qu'ils possédaient primitivement, comme nous l'avons vu.
Sur ce même plan des archives, qui date de 1764, se trouve indiquée une langue de terre dénommée les anciennes pâtures, et qui est évidemment la partie sur laquelle les habitants des communes voisines avaient les droits de pâturage. Cette langue de terre se trouve comprise entre la ligne tracée au-dessous de l'avenue du Belloy et entre la limite actuelle de la commune du Vésinet, derrière les boulevards de l'Est et du Nord, et l'allée du Lac-Supérieur, et s'étendant de la route de Chatou à gauche, à l'avenue des Courlis à droite comme limite.
Une quittance du 12 septembre 1614 nous apprend que les habitants de Montesson payaient une redevance de 26 livres 5 sols pour le droit de faire paître leurs troupeaux dans la garenne du roi, dans les bois qui avoisinent Montesson. Si les habitants jouissaient du droit de pacage, et si leur seigneur, en cédant au roi une partie de ses bois, leur faisait conserver un privilège, ils en tenaient compte au souverain, qui s'en faisait un revenu.
Quelques années plus tard, en 1634, Louis XIII agrandit encore la forêt du Vésinet, vers la partie du sud, par l'acquisition de 363 arpents 43 perches de bois du seigneur de Croissy, Ce seigneur de Croissy, dit un autre auteur, est le Sieur Jacques Robineau, qui vend au roi 440 arpents de bois dépendant de sa seigneurie. Enfin, le plan de 1764 porte comme indication "444 arpents, vendus par le seigneur de Croissy au roi Louis XIII en 1634". La date répétée au plan et chez un des auteurs, étant la même, prouve que c'est la seule et même vente, et qu'il n'y a de différence que dans l'estimation des terres. C'est un écart entre les historiens et le plan des archives d'environ 75 à 80 hectares. Les bois que vendit le seigneur de Croissy s'étendaient au-dessus du territoire actuel de Croissy, entre la Seine à gauche et la route de Croissy à droite, et jusqu'au lac Inférieur, vers l'ouest.
Par suite de ces diverses acquisitions, qui se montent à 397 hectares 51 ares 36 centiares, la forêt du Vésinet possédait, à cette époque de 1634, une surface de 542 hectares 67 ares 48 centiares, y compris les 145 hectares dont elle se composait à l'arrivée de Henri IV. C'est-à-dire qu'elle n'était pas beaucoup plus importante que n'est la commune actuelle du Vésinet, et que si toute la partie sud qui borde la Seine et appartient aujourd'hui à Croissy était jointe au Vésinet, sa surface serait ce qu'elle était il y a 250 ans, sauf grandes variations dans le bornage.
En 1635, le grand-maître des eaux et forêts, capitaine des chasses du château de Saint-Germain et dépendances, était le duc de Saint-Simon.
Le seigneur de La Borde était à la même époque, Claude Dodieu deuxième du nom et si des terres furent en partie cédées conjointement avec le seigneur de Chatou, Portail, ce fut Claude Dodieu qui en fut le vendeur. [2]

Sous Richelieu, dit un écrivain moderne, en face du Château-Neuf et sur la lisière du bois du Vésinet, il existait une petite maison en chaume, avec un jardin clos de grandes aubépines, qui s'étendait au devant de la maison. Au delà était une prairie qui allait jusqu'à la Seine. Et, ajoute cet auteur, la maison du garde pourrait bien être cette maisonnette.
Cet écrivain ne dit pas vers quelle partie se trouvait cette maison, si c'était à droite ou à gauche du rond-point Royal [3].
Tout nous fait supposer que c'est à gauche, au lieu qu'indiquent divers plans de 1740,1764,1779 et 1782, sur l'emplacement occupé aujourd'hui par les terrains compris entre la route de Sartrouville, le chemin de fer, la route de La Borde et le rond-point du Pecq. "Non loin de là était le lieu du chêne de Roland", continue cet écrivain. "A cette époque, il ne restait plus que la souche de cet arbre. Elle formait, presque à fleur de terre, comme une table, dans les fissures de laquelle croissaient des mousses et des joubarbes. A l'entour s'étendait une petite clairière toute semée de thym et d'argentine. Dans un fourré, on voit encore une grosse pierre qu'on appelle la Table de la Trahison. Cet endroit était encore, à cette époque, le but de promenade de tous ceux qui venaient dans la forêt. Le layon de Chatou y aboutissait directement".
Ainsi, sous Louis XIII, le souvenir du crime de Ganelon de Hauteville était encore bien vivant.

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    Note

    [1] Le Bois d'Echaufour est figuré sur un des plans de Nicolas De Fer daté de 1705 - Environs de Paris, publié dans "L'Atlas curieux" ou le Monde réprésenté dans des cartes générales, orné par des plans et descriptions des villes capitales, Chez I.F. Bernar, gendre de l'auteur, 1725.

    [2] Une demande fut adressée à Louis XIV par le prieur curé, « d'un dédommagement convenable pour la quantité de cinq cents arpens de terre environ... Que le roi deffunct » [Louis XIII] a achetés « pour augmenter la plaine, le garennier du Vésinet, ... et laissa venir les terres achettez en bruières » . Le seigneur curé et et les habitants se plaignirent du grand nombre dans le voisinage des lapins ». Cette pièce, qui est postérieure à 1665, porte comme date de lieu « Croissi-la-Garenne ».

    [3] Cette appellation de rond-point royal peut porter à confusion. Il s'agit ici de la Place Royale devenue rond-point du Pecq et aujourd'hui place de la République. L'actuel rond-point Royal (dit du cerf), ancienne étoile royale voisinait aussi avec une maison de garde.


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