Si, pendant quatre cents ans, et après avoir été
pillés, ruinés et brûlés par les Northmans,
les territoires qui environnent la forêt du
Vésinet avaient pu s'élever et grandir à force de
peines et de travail, un jour allait suffire pour
bouleverser toutes ces années de patient sacrifice
et de tranquillité relative.
Les guerres incessantes entre les rois de France
et ceux d'Angleterre allaient bientôt se réveiller
avec toute l'ardeur et tout l'acharnement qu'y
mettent les gens qui défendent leur sol et ceux
qui veulent s'en emparer. En effet, en 1346,
l'Anglais vient de rentrer en campagne contre
Philippe VI, et pendant que le roi Edouard gagne
la bataille de Crécy, son fils, le prince Noir,
attaque Saint-Germain et les environs. Il pille
Rueil, Nanterre, brûle Chatou, Croissy, et porte
la flamme et le feu partout dans les environs de
Paris.
La forêt du Vésinet devient le lieu de terribles
rencontres. De Saint-Germain, les Anglais tentent
leurs coups de main sur Paris; c'est là qu'ils
reviennent comme à un point de départ naturel;
aussi ressaisiront-ils plus d'une fois ce lieu
pendant toute la guerre de Cent Ans.
A la suite de cette première invasion des
Anglais, tous les villages des environs n'existent
pour ainsi dire plus et il leur faudra attendre la
fin des guerres anglaises pour se relever et
sortir de leurs cendres fumantes. Les Anglais
abandonnent un moment notre territoire ; mais le
funeste prince Noir, qui vient de laisser de si
tristes souvenirs de son premier passage à travers
la capitainerie de Saint-Germain, reparaît bientôt
après à la bataille de Poitiers, en 1366. Pendant
ces vingt-cinq ans, nous n'avons pas de traces de
l'histoire de la forêt ni des communes qui
l'entourent. Tout paraît avoir disparu sur le
passage du cruel Anglais : les communes, les
seigneuries, les abbayes.
Cependant, refoulés par Charles V,
les Anglais disparaissent un moment. Les moineries
se relèvent les premières et les châteaux les
suivent bientôt.
En 1360, une cure est fondée à Montesson, qui
devient de ce fait complètement indépendante de
Chatou et, quelques années après, un prieuré y
est élevé en 1370.
A Chatou, le nouveau seigneur est Gilles Malet, en
1379. Charles V, qui vient habiter Saint-Germain et en
relève le château, aide au développement de la
forêt du Vésinet et des communes attenantes. Les
droits des communes sont restitués, et Montesson a
comme charge, le guet aux portes du château de
Saint-Germain, en retour du droit de pacage et
pâturage sur la forêt du Vésinet, dépendant du
domaine royal. Le capitaine des châteaux et forêts
de Saint-Germain est, à cette époque, Jean de
Meudon.
En 1381, les habitants de Montesson plaident pour
obtenir d'être déchargés du guet au château de
Saint-Germain, ce qu'ils n'obtiennent pas plus du
nouveau roi Charles VI que de son
prédécesseur.
La forêt du Vésinet, qui, pendant toutes ces
époques troublées, ne cesse d'être parcourue et de
servir de passage à toutes les intrigues, à toutes
les tentatives, va de nouveau, en 1391, jouer un
rôle dans les événements qui accompagnèrent le
meurtre du connétable de Clisson. Charles VI
donnait une fête en son hôtel de Saint-Pol, à
Paris, et Clisson se retirait dans la nuit,
accompagné de quelques hommes d'armes, quand il
est assailli par une troupe de bandits armés de
toutes pièces, au milieu desquels il reconnaît son
ennemi, Pierre de Craon, qui les excite à
l'assassinat. Quoique se défendant vaillamment, le
connétable tombe percé de coups. Le roi, prévenu,
accourt et jure à son fidèle ami de punir de mort
les coupables. II rentre à Saint-Germain et fait
assembler un grand conseil au château pour juger
Pierre de Craon. Mais celui-ci s'est sauvé en
Bretagne et se met sous la protection des Anglais.
Ses complices, entre autres les sires de la
Rivière et de Nogent, par un nouveau coup
d'audace, veulent empêcher la justice de se faire.
Ils entourent avec de nombreux partisans le
château de Saint-Germain. Ils se répandent dans la
forêt du Vésinet et font garder toutes les routes
qui conduisent à Paris, arrêtant et enlevant tous
ceux que le roi a appelés à son Conseil pour les
juger.
Charles V est prisonnier, l'affaire est
abandonnée, et les coupables se retirent un
moment. La guerre de Cent Ans, qui allait
reprendre, les fit échapper au châtiment.
L'importance des communes de Chatou, Croissy,
Montesson, la route et la communication
indispensables entre Saint-Germain et Paris par le
Vésinet, avaient rendu nécessaire l'établissement
de ponts sur la Seine mais on n'a pas de trace de
cette installation. Seul Lebeuf raconte qu'en
1399, le pont de Chatou étant détruit, comme on
avait besoin de franchir le fleuve, on envoya
chercher le bac qui se trouvait à Aupec par un
sergent, qui l'amena à Chatou.
Le pont qui avait donc existé avant cette époque,
avait été détruit, peut-être par le prince Noir,
peut-être plus tard, par des causes inconnues. Les
religieuses de Malnoue, qui avaient eu de Philippe
Ier le privilège du bac et la redevance du péage à
Chatou, l'avaient probablement fait construire et
l'exploitaient.
Les Anglais, qui reparaissent en 1419, après les
victoires d'Azincourt et de Rouen, se répandent de
nouveau sur le territoire du Vésinet. En effet,
simultanément, Meulan, Poissy, Saint-Germain
tombent sous leurs coups. Les villages et les
seigneuries sont de nouveau pillés et ravagés, et
les vainqueurs font un copieux butin au château
fort de Charles V. Pendant que le roi Henri V
d'Angleterre occupe tout ce territoire français et
habite Paris, où lui succède son fils Henri VI, en
1422, on n'a mention que du seigneur de Chatou,
Collard de Mailly, en 1423.
La seconde période d'occupation anglaise ne
paraît pas avoir été plus fructueuse au Vésinet et
à ses environs que la première, d'après le peu de
renseignements qu'on possède. L'époque de
délivrance apparaît après Jeanne d'Arc, en 1435.
Les Anglais, chassés des environs de Paris,
abandonnent Saint-Germain et les terres du
Vésinet, de Chatou et autres, qui sont enfin
délivrées de la présence des ennemis.
Une troisième fois, la dernière, les Anglais
devaient occuper notre territoire en 1438. Les deux premières invasions avaient été amenées
par les luttes des rois et suscitées par les
querelles et les disputes des nobles. Les prêtres,
jaloux sans doute de ce beau travail de ruines et
de misères, avant même que l'Anglais ne fût chassé
du sol, voulurent avoir eux aussi, leur part de
honte.
Au moment où l'on ne s'y attendait point, les
troupes du roi d'Angleterre reparaissent, et le
château et tout le territoire environnant
Saint-Germain retombent dans leurs mains. C'est
Carbonnet, religieux de Sainte-Geneviève et prieur
de Nanterre, qui a volé les clefs de la
forteresse. Il en a fait de fausses ; il les vend
aux Anglais moyennant 300 saluts d'or, après avoir
trompé la confiance du capitaine du château.
Voleur, faussaire, traître ! Le moine avait été
plus fort que les seigneurs.
Charles VII, ne voulant pas reprendre le château
par la force, le rachète aux Anglais et en nomme
capitaine Richard de Marbury, celui-là même qui
commandait à Gisors pour le roi d'Angleterre et
qu'il venait de lui enlever (1448).
Traître contre traître !
Mais l'Anglais avait fui, et après cent ans de
pillages et d'incendies, ravagées, brûlées, les
chaumières allaient se recouvrir, les seigneuries
relever leurs tours, les prieurés redresser leurs
murs, et tous tâcher de revivre et de s'enrichir.
Quelques écrivains pensent que l'on peut rapporter
la dénomination de forêt d'Echaufour qu'on
donna parfois à la forêt du Vésinet, aux
échauffourées successives qu'y firent les Anglais.
Cette explication du mot Échaufour est
donnée ici pour ce qu'elle vaut : comme simple
citation.