D'après E. Darty, Le Petit journal, 15 janvier 1934.
Le Plan d'Aménagement du Vésinet
A 17 kilomètres de Paris, sur la ligne de chemin de fer de Paris à Saint-Germain, la cité du Vésinet, qui occupe l'emplacement d'une ancienne forêt apparaît toute différente des autres agglomérations de la banlieue parisienne. Avec ses avenues, ses pelouses et ses coulées, ses lacs artificiels que relient des rivières cascadant parmi les rochers, Le Vésinet, îlot de verdure aux portes de Paris, a le charme d'un véritable Eden, dont l'admirable décor en fait la plus agréable villégiature.
Le Conseil municipal venant d'adopter le plan d'embellissement et d'aménagement que la loi du 14 mars 1919 impose aux communes de plus de 10.000, habitants, il nous a paru utile de demander au maire, M. Cloppet [1], de nous exposer les grandes lignes de ce plan [2].
Un peu d'histoire
En 778, nous dit-il, le Vésinet faisait partie d'une immense forêt. Sous Henri IV, le bois du Vésinet devint lieu de chasse et de promenade. En 1721, le maréchal de Noailles la défricha en partie ; y établit des fermes pour les laboureurs, des maisons pour les jardiniers et les vignerons, tout ce personnel comprenant 80 personnes pour lesquelles il fit construire une chapelle. En 1751, transformation en garenne avec établissement d'une faisanderie dans la partie orientale. Sous Louis XVI, une partie de la garenne royale est défrichée pour être livrée à la culture du tabac. A la Révolution, la forêt, devenue propriété nationale, est partagée entre Montesson, Chatou, Croissy et Le Pecq. Par acte passé le 20 novembre 1856, confirmé par un sénatus-consulte des 24 et 25 juin 1857, la forêt cesse de faire partie du domaine de l'Etat et la Société Alphonse Pallu devient propriétaire du bois contenant 436 hectares 50 ares 46 centiares. L'aménagement et le lotissement du Vésinet va commencer. Un cahier des charges règle les conditions de vente des terrains. Dès les premières ventes les routes sont construites, des canalisations d'eau installées dans toutes les voies. Des coulées et des pelouses ainsi que cinq lacs artificiels, reliés par des rivières, donnent au domaine une beauté dont la renommée attire bientôt de nombreux visiteurs.
Embarcadère des Iris [sic]
Le Petit Journal, 1934
En 1875, le lotissement du Vésinet est érigé en commune par les lois du 31 mai et du 8 juin 1875 qui donnent acte à la société Pallu des engagements pris par elle pour assurer l'existence de la nouvelle commune conformément aux dispositions du cahier des charges. Depuis cette date, la commune du Vésinet n'a fait que s'accroître. Le gaz et l'électricité y ont été installés, et toutes les municipalités qui se sont succédé ont eu à cœur de contribuer à l'embellissement du parc qui leur a été confié.
Nouvelles prescriptions aux propriétaires
— Ainsi, la ville du Vésinet n'a pas attendu les dispositions d'une loi pour se préoccuper de son embellissement. Le plan voté serait-il destiné à remplacer ou plus simplement à modifier le cahier des charges ?
— Ni l'un ni l'autre. Le plan que vient d'adopter le Conseil municipal a été établi en incorporant les clauses du cahier des charges, acceptées par tous les propriétaires et, par conséquent, intangibles ; les prescriptions nouvelles seront, de ce fait, soumises aux formalités d'enquête.
Monsieur Cloppet, maire du Vésinet
Il complète un cahier des charges devenu insuffisant, en s'inspirant des dangers qui nous menacent si nous ne réglementons pas les constructions et le morcellement. Il n'avait pas, comme le demandait le législateur, à décider de l' « extension » du Vésinet, celle-ci étant actuellement « complètement organisée », mais il est apparu, à la commission comme à moi-même, que la zone de non-ædificandi que prévoit le cahier des charges aux abords des pelouses, devait être étendue partout... Que deviendrait, par exemple le caractère du Vésinet si les propriétaires riverains d'une avenue s'avisaient d'encaisser celle-ci entre deux murs de rue de banlieue ?
Nous avons donc vu, pour le présent, mais aussi pour l'avenir, en permettant si besoin est l'élargissement devenu nécessaire des avenues, en utilisant les terrains réservés.
La commission chargée de l'élaboration de ce plan a travaillé d'arrache-pied pendant un an : elle comprenait MM. Jonemann et Colombey [3], conseillers municipaux ; M. Jarry, président du Syndicat d'initiative ; MM. Schiffer et d'Escrivan. Mais elle a fait appel à des compétences : MM. Bonnier, Prost et Royer architectes, membres de la commission supérieure du plan d'aménagement de la région parisienne ; M. Vera, architecte-paysagiste ; Vigneron, architecte-voyer communal.
Pour accomplir un travail judicieux, elle a classé la ville en 4 catégories de terrains :
1. Ceux situés aux abords immédiats des pelouses, coulées, lacs et rivières ;
2. Ceux ayant conservé un caractère de pittoresque ou dans lesquels le morcellement et la construction peuvent encore être réglementés ;
3. Ceux n'ayant pas de caractère pittoresque ou dans lesquels le morcellement est très accentué ;
4. Le village du Vésinet et les parties de parc réservées au commerce, suivant l'art. 7 du cahier des charges.
Suivant la catégorie, les terrains morcelés doivent avoir une façade minima de 25, 18 et 12 mètres pour une superficie minima de 1.000, 700 ou 400 mètres carrés. Dans le mois de leur acquisition, les terrains doivent être clôturés. L'article 4 établit des zones de non œdificandi à l'exception de la construction de belvédères, kiosques, berceaux, réservoirs ne pouvant nuire au site.
Les constructions de pavillons de concierge, écuries, remises, garages et serres sont soumises à l'obligation d'une façade extérieure décorative, à une largeur sur clôture et une profondeur maxima de 6 mètres, à une hauteur de 7 mètres maxima, si la toiture est sous comble, à la Mansard, à 6 mètres, si elle est en terrasse.
Dans les terrains des trois premières catégories, il ne peut être construit que des maisons d'habitation en dur et leurs dépendances ; leur surface ne peut couvrir plus de 60% de celle du terrain (80% pour la quatrième catégorie), les travaux devant être obligatoirement dirigés par un architecte.
En cas de constructions multiples, dans une même propriété, aucune de celles-ci ne pourra excéder plus de 25 mètres sur chaque face.
Toute construction nouvelle devra se trouver à au moins 12 mètres de l'autre. Les vues directes sont régies par le code civil.
Hauteur des maisons ? Dans les trois premières catégories, la hauteur maximum est limitée à 12,50 m à compter du niveau du trottoir — une hauteur supplémentaire de 0,50 m est tolérée pour les souches de cheminée.
Des dérogations aux dispositions qui précèdent ne pourront être accordées que pour les constructions d'utilité publique.
Il est absolument interdit d'exploiter dans la commune, des usines, manufactures, carrières, plâtrières, fours à chaux ou à plâtre, sablières ; seuls sont autorisés les commerces et métiers utiles aux besoins domestiques de la ville.
L'art. 23 fait obligation à tout propriétaire de se brancher à ses frais sur l'égout, et l'art. 27, de recevoir les visites ou enquêtes des agents de l'administration.
L'adoption de ce plan ajoute M. Cloppet entraînera la prise d'un arrêté fixant la classification des terrains, le morcellement des propriétés et la clôture des dites et l'application d'un règlement sanitaire établi conformément aux prescriptions de ce plan.
Autres projets
Puis, nous parlant de certains projets, il poursuivit :
— Au sujet des égouts, un premier réseau a été établi en 1877 pour l'enlèvement des eaux bordant la voie ferrée ; en 1896 ce réseau a été prolongé jusqu'à la gare du Pecq. Sur ces émissaires on a construit depuis de nouvelles canalisations pluviales destinées à assainir certains fonds. Nous espérons exécuter prochainement un nouveau projet complémentaire d'égouts en système séparatif. Ces canalisations se déverseraient dans un collecteur, actuellement à l'étude, destiné à l'assainissement d'une partie du département de la Seine et du département de la Seine-et-Oise.
Notre service d'enlèvement des ordures ménagères s'effectue actuellement par tombereaux, mais des études sont en cours en vue d'améliorer ce service, par entente intercommunale, pour le traitement de ces ordures.
Notre cimetière, installé en 1876 sur le territoire de Chatou n'est encore utilisé que pour moitié.
Le Vésinet possède dans le centre, une école de filles, une de garçons et une école maternelle, au Rond-Point, une école mixte. Des études sont faites, actuellement, pour construire une nouvelle école de cinq classes, dont deux maternelles, dans le quartier du Petit-Montesson. Enfin, au point de vue hygiène et assistance, nous ne sommes pas trop mal partagés, d'autant plus que le Vésinet est un îlot particulièrement salubre. Toutefois, les services communaux suivent de très près les questions d'hygiène.
Nous possédons un dispensaire à proximité de la mairie, où sont données des consultations gratuites pour les nourrissons et des séances de vaccination.
Dans les locaux municipaux fonctionnent une crèche et un fourneau alimentaire, qui donnent la plus entière satisfaction, ainsi que notre établissement de bains-douches.
L'inspection médicale des enfants des écoles fonctionne depuis un an et donne d'excellents résultats.
Enfin, d'autres questions appellent notre attention, et si nous avions les ressources nécessaires, nous pourrions faire beaucoup.
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Notes et sources :
[1] Pour Henri Cloppet, cet interview constitue une sorte de testament politique. Il meurt subitement le 21 mars 1934, quelques semaines après avoir obtenu le classement du Site du Vésinet. La Commune lui fera des obsèques officielles.
[2] Le Plan d'Aménagement, Embellissement et Extension du Vésinet et son Règlement des servitudes seront déclarés d'Utilité publique par un décret 29 juillet 1937, signé par le Président de la République Albert Lebrun.
[3] Né à Epernay (Marne) en 1888, fils d'un épicier sculpteur, Rolland Colombey devenu architecte a construit au Vésinet avec son confrère Jean Lauthe, quelques maisons de styles Arts Déco ou Art Moderne qui comptent parmi les plus beaux exemples de ces styles plutôt décriés lors de leur apparition au Vésinet. Conseiller municipal élu sur la liste de Henri Cloppet en 1929, il représenta la municipalité dans la commission qui préparait le classement du Site en 1934. Non réélu en 1935, il poursuivit néanmoins sa tâche dans la commission préparant le règlement d'urbanisme (1937) cette fois comme secrétaire général du Syndicat d'Initiative, fonction qu'il occupa jusqu'à sa mort prématurée en 1941, à 53 ans.
Société d'Histoire du Vésinet,
2017- www.histoire-vesinet.org