Bulletin de la Société d'excursions des amateurs de photographie , 1897-1899

Une excursion au Vésinet, le dimanche 15 novembre 1896

Étaient présents : MM. Charrel, Drouet, Fédit, Comte des Fossez, Goddé, E. Huillard, Lupy, Mercier, Mouton, Ody, Peyrol, Reeb, A. Rolland, G. Rolland, Rouchonnat, en tout quinze intrépides, vu l'état de l'atmosphère des jours précédents. [1, 2]

Partie de Paris à 8 heures 30, la petite troupe, à son arrivée au Vésinet à 9 heures, se met de suite en marche par les pelouses de la gare, la rivière anglaise, et atteint bientôt le Lac Inférieur où un gué assez pittoresque permet à la plupart des Excursionnistes de braquer leurs appareils et de prendre quelques clichés intéressants.


Un gué assez pittoresque ... qui sera le sujet d'innombrables cartes postales !

Les rives de ce même lac et son déversoir tentent encore plusieurs amateurs. Un petit crochet dans les cultures maraîchères de Croissy, qui se trouvent sur la frontière du Vésinet, donne occasion à une partie de la troupe de prendre des instantanés de travailleurs champêtres tirant la carotte.


Les travailleurs champêtres de Croissy

Une averse de courte durée vient refroidir pour quelques instants l'ardeur des opérateurs; mais bientôt le ciel s'éclaircit, et c'est par une lumière assez favorable qu'ayant remonté le petit cours d'eau qui se jette dans le Lac Inférieur on parvient à une série de cascades sous bois qui offrent des sujets charmants à certains d'entre nous ; le chemin se poursuit le long de la rivière où s'arrêtent encore quelques opérateurs.

 
Les barrages, les dalles, les cascatelles de M. Chabot.

Mais il faut songer à l'heure du déjeuner : le retour au Restaurant de la Gare s'effectue par un soleil superbe ; le repas des plus gais redonne des forces et du courage aux Excursionnistes. C'est par un temps relativement beau que l'on traverse la ville pour arriver au Lac Supérieur où des ruines factices qui dissimulent des réservoirs forment un ensemble intéressant.

Le réservoir, conçu comme une ruine (factice), plusieurs fois modifié, agrandi, surélevé...

La rivière sortant de ce lac présente plusieurs cascades devant lesquelles s'arrêtent des amateurs, et vient se jeter dans le Grand Lac qu'entourait autrefois l'Hippodrome du Vésinet. La grotte, mal éclairée à cette heure de la journée, offre moins d'intérêt que les rives de ce lac autour duquel se braquent de nombreux objectifs.
Un peloton se détache pour explorer la propriété de M. G..., qui donne le rare spectacle d'une construction neuve, style Renaissance, en ruines [3]. Quelques clichés en sont pris, et, le jour baissant, l'on regagne la Gare du Pecq pendant que le gros de la troupe va prendre le même train au Vésinet.

La propriété de M. G..., gigantesque « folie » inachevée.

En somme, journée charmante pour la saison et favorisée par un temps assez clément qui a permis à un grand nombre d'Amateurs d'exercer leurs talents, tout en admirant les sites si peu connus qui abondent au Vésinet.

    C.

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A titre de complément, voici le modèle d'appareil photographique, recommandé par la Société française de photographie (1895), l'appareil dit « La Mignonne » qui pouvait équiper certains des excursionnistes.

« La légèreté de l'appareil désigné sous le nom de la Mignonne permet de l'employer à la main ou en bandouillère, même pour le format 18 x 24 qui ne pèse que 1,200 kg. La planchette évidée où se trouve encastrée une double crémaillère, sur laquelle se meut l'avant de la chambre pour la mise au point, se relève lorsque le soufflet est replié, et l'appareil ainsi fermé présente une épaisseur de 52 mm. » Présentation faite par M. Brichaut, à la séance du 5 avril 1895 de la SFP.

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    Notes et sources :

      

    [1] Compte-rendu présenté à la séance du 23 février 1897 de la Société d'excursions des amateurs de photographie par M. Antoine Charrel, lui-même Vésigondin, domicilié 12, allée du Lac Inférieur. Membre de diverses sociétés photographiques (Photo-club de Paris; Union des sociétés photographiques de France), plusieurs fois récompensé.

      

    [2] Les épreuves sur papier et des projections de diapositives tirées de l'excursion au Vésinet firent l'objet de concours et d'une exposition, parmi d'autres sujets. Les Jurys décernèrent une Médaille de Bronze à M. Goddé, pour ses projections de l'éxcursion au Vésinet. les tirages sur papier ne furent pas récompensés (janvier 1897). Le Cercle des Patineurs au Vésinet fut visité au mois de mars suivant mais cette sortie ne fit pas l'objet d'un compte-rendu ni d'un concours. On n'a pas trouvé trace des clichés évoqués dans ce texte. Il est illustré par des photographies ou des cartes postales de la même période (collection SHV).

      

    [3] François Nicolas Omer Grandjean, négociant en grains, domicilié avenue du Belloy, avait fait construire, en 1882, cette gigantesque folie sur un des multiples terrains qu'il avait acquis au Pecq, à Montesson, à Chatou, avant la création de la commune du Vésinet. En raison de difficultés financières, le chantier fut arrêté et le bâtiment resta en l'état durant plus de vingt ans. Entre 1885 et 1891, on trouve sa trace dans de nombreux actes (vente forcée de terrains, procès multiples, jusqu'en cassation). Enfin, en 1904, le Château Granjean fut démoli.


Société d'Histoire du Vésinet, 2016 - www.histoire-vesinet.org