D'après Ch. Maillard de Broys, "Édouard de Naurois, sa vie et ses oeuvres. Le Vésinet. Auteuil". Paris, 1877.

La fondation Edouard de Naurois au Vésinet

On vient de dire que M. de Naurois voulut consacrer à une œuvre de bienfaisance une propriété qu'il venait d'acquérir dans le parc du Vésinet (Seine-et-Oise) [1]. Cette localité, qui possède déjà plusieurs établissements de charité, était, par sa situation hygiénique, admirablement propre à seconder les desseins généreux de cet ami des orphelins. Il nous semble opportun, en donnant une vue de l'église Sainte-Marguerite du Vésinet, de dire quelques mots sommaires sur l'origine et les accroissements successifs de cette paroisse.

Le Vésinet, l'église Sainte Marguerite

Avant 1858, le Vésinet n'était qu'une forêt qui fut transformée en un lieu de plaisance et de villégiature par la société Pallu et Compagnie, fondée le 24 mai 1856; cette compagnie donna en échange à l'Etat les bois qui séparent Saint-Germain en Laye de Marly-le-Roi. C'est à la même époque qu'une portion du territoire fut réservée et consacrée à un établissement de bienfaisance : Bientôt s'éleva l'Asile national du Vésinet pour les femmes convalescentes sortant des hôpitaux de Paris, en même temps qu'un établissement semblable pour les hommes était édifié à Vincennes. C'était vers 1860. Le bois du Vésinet fut transformé, un parc fut créé, des allées furent tracées, bientôt soixante kilomètres de routes carrossables partagèrent cette solitude ; une prise d'eau fut résolue dans la Seine en face de Port-Marly, et le 19 juillet 1860, les machines étaient placées pour donner de l'eau dans toutes les propriétés, entretenir de petites rivières et cinq lacs creusés par la main des hommes, mais où la nature a la plus grande part. Près de 90 kilomètres de tuyaux circulent aujourd'hui donnant de l'eau dans toute la contrée, et plus de six cents villas gracieusement placées sur tous les points du Vésinet, la plupart habitées même durant la saison d'hiver, font de ce pays une des localités les plus agréables des environs de Paris. Les moyens de communication avec la capitale et Saint-Germain sont très-multipliés chaque jour. Et le trait d'union de cette colonie naissante, destinée peut-être à devenir un grand centre de population, est une église, dont la première pierre fut solennellement posée en 1862, par Mgr Mabile, évêque de Versailles. Elle fut consacrée plus solennellement encore par le même prélat le 2 juillet 1865. Un an après, la paroisse était organisée et reconnue par le gouvernement (3 août 1866), et la commune érigée le 31 mai 1875.
L'église du Vésinet, placée sous le vocable de Sainte Marguerite, vierge et martyre, est un édifice gothique d'une structure particulière et curieuse. On y remarque quelques bons tableaux, notamment une Sainte Famille peinte sur bois, un autel en onyx, une chaire à prêcher, de style gothique, ornée d'onyx, des vitraux dont plusieurs sont des chefs-d'œuvre sortis de la maison Lobin, de Tours, entre autres une Sainte Marguerite, copie du Guerchin, un Saint Léon le Grand, une Immaculée Conception, Saint Jean Baptiste, Saint Joseph, Saint Etienne, Saint François de Sales, Saint Alphonse de Liguori, etc., et des peintures à fresque qui produisent le plus gracieux effet, et qui présentent à la porte d'entrée les écussons des six évêques de Versailles et ceux de la famille Pallu des Rotours et du curé fondateur, prélat de la maison du Pape.

L'Orphelinat des Alsaciennes-Lorraines

C'est dans cette délicieuse campagne du Vésinet, à une petite distance de l'église, à l'ombre des grands arbres, que M. de Naurois a construit une habitation saine et confortable où sont recueillies de jeunes Alsaciennes-Lorraines, rendues orphelines par la funeste guerre de 1870-71. Le local, solidement édifié, dans une position admirable, donne asile, en ce moment, à vingt-quatre jeunes filles, sous la direction intelligente et dévouée de trois sœurs de Saint-Charles de Nancy. Ces enfants sont charmantes avec leur costume national, qu'on a eu la bonne pensée de leur conserver comme vêtement d'uniforme, et leurs mines prospères disent assez quels bons soins elles reçoivent au Vésinet, où elles doivent rester jusqu'à 21 ans.


Edouard de Naurois au milieu des petites orphelines (1877)

La maison est très-bien conditionnée. La cuisine et le réfectoire sont au sous-sol. Au dessus, la classe, spacieuse, bien propre, bien aérée, bien éclairée; en face, un ouvroir, où les enfants apprennent à travailler aux différents genres de coutures, depuis midi jusqu'au soir, avec intermittence de récréations, bien entendu. Au premier étage, se trouvent les dortoirs, d'une admirable propreté, tout coquets de blancheur, parfaitement agencés pour communiquer dans un appartement spécial pour la toilette, communément appelé lavabo. Au-dessus de chaque lit, un écriteau porte les noms et qualités des personnes charitables qui en sont les fondatrices [2].
Plus haut, et au côté, sont les appartements réservés aux bonnes religieuses.
Grâce à l'habileté et à l'énergie de l'architecte, M. Eugène Petit, la maison, commencée seulement au mois de mai 1875, était habitable au mois de décembre de la même année. C'est à cette époque que les sœurs de Saint-Charles en prirent possession avec leurs intéressantes élèves. Peu nombreuses jusqu'à ce jour, les religieuses augmenteront avec les orphelines confiées à leurs soins maternels.

L'inauguration de l'Orphelinat eut lieu le dimanche 5 décembre 1875, en présence de M. le comte d'Haussonville, président de la Société de protection des Alsaciens-Lorrains. A deux heures, la Maréchale de Mac-Mahon, comme elle avait bien voulu le promettre, vint à l'Orphelinat. Reçue par M. le comte d'Haussonville, elle visita l'établissement dans tous ses détails, et exprima toute sa satisfaction. Les petites filles étaient rangées sur l'escalier intérieur, revêtues de leur costume national.
Après la bénédiction donnée par M. l'abbé Chauvel, vicaire -général honoraire, curé-doyen de Saint-Germain-en-Laye, délégué par Mgr l'évêque de Versailles, et en l'absence de Mgr Léon Maret, prélat romain, premier curé du Vésinet, alors à Rome en service auprès du Saint-Père, la Maréchale parcourut toutes les dépendances de l'asile, et ne remonta en voiture pour retourner à Versailles qu'après une visite complète et minutieuse.

 

Deux représentations de l'Inauguration de l'Orphelinat Alsacien-Lorrain du Vésinet - Arrivée de la Maréchale de MacMahon

Parmi l'assistance, très-nombreuse, malgré la rigueur de la saison, se trouvaient, outre M. le comte d'Haussonville et M. de Naurois, fondateur de l'Asile, M. le vicomte d'Haussonville fils, député ; M. le préfet de Seine-et-Oise et Mme Limbourg; M. Pallu, maire du Vésinet, et Mme Pallu; MM. Rumpler, Maunebarguer, de Billy, Guynemer, Hepp, membres du Comité, etc., etc.
Pendant cette cérémonie d'inauguration, la musique du 103e de ligne exécuta les principaux morceaux de son répertoire.
Après le départ des invités, les grilles du parc restèrent ouvertes, et toute la population du Vésinet et des environs put visiter, dans toutes ses parties, cet établissement de bienfaisance, fondé par la Société de protection des Alsaciens-Lorrains et qui porte au-dessus de l'entrée principale le nom du généreux donateur : M. ÉDOUARD DE NAUROIS.

    Notes :

    [1] Dans ce texte « hagiographique » sur la vie et l'Oeuvre de Edouard de Naurois, il était impensable de faire allusion au rôle de la Comtesse de Chabrillan alias Mogador dans la décision de M. de Naurois de consacrer le terrain du Vésinet (additionné d'une somme importante) à la fondation d'un établissement de bienfaisance. Naurois s'était engagé auprès du Comte d'Haussonville à ne jamais dévoiler le rôle de la sulfureuse artiste et femme de lettre.

    [2] Les 15 premiers « lits » d'une valeur de 8000 frs chacun, ont été financés par MM. le duc d'Aumale, le comte de Greffulhe, la comtesse de Chambrun, Mme Orphée Erard, MM. de Talleyrand-Périgord et Chalais, de Bourdon de Vatry, de Valbezen, le marquis de Reigecourt, et enfin M. Fardoux qui a fondé six lits à, son nom, la somme dont il a disposé en faveur de la Société des Alsaciens-Lorrains, s'élevant à près de 120.000 frs.

     


Société d'Histoire du Vésinet, 2013 - www.histoire-vesinet.org