D'après "Le Comte Réal, ancien Jacobin" dans Revue de l'histoire de Versailles et de Seine-et-Oise - 1935.

La Forêt de Vézinet au temps des fourches patibulaires

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Nul ne pensait alors à la Révolution, dans l'époque galante de la royauté de Louis XV, alors que François-Prix Réal [1] pourchassait dans le bois de Vézinet les braconniers, les coupeurs de bois vert, les ramasseurs des fruits de la forêt et les villageois qui laissaient pâturer leurs bestiaux dans les friches royales.
Sous Louis XVI, l'agitation commença lorsque les impôts furent augmentés alors que les ressources de chacun diminuaient et que les récoltes étaient insuffisantes. Excités par la misère, les habitants des villages en bordure des capitaineries de chasses, où pullulaient les bêtes fauves et les lapins destructeurs de grains, devinrent menaçants. Les gardes des plaisirs du roi subirent le contrecoup de l'animadversion générale ; ils furent les boucs émissaires, chargés des imprécations populaires pour leur impuissance à limiter les dégâts des bêtes puantes. [2]

Mais, au moment où nous sommes [au milieu du XVIIIe siècle], les gardes étaient encore craints, sinon respectés, par ces villageois, maraîchers de profession, mais la plupart, braconniers par vocation. Dans ce temps, la forêt de Vézinet fut infestée par des misérables qui attaquaient les passants en plein jour, en dépit des rondes de gardes à pied ou de la maréchaussée. Souvent Réal avait entendu siffler des balles qui n'étaient pas destinées aux bêtes fauves.

Représentation de fourche patibulaire,

Aquarelle du XVIIIe siècle.

La pendaison aux fourches patibulaires [3], moyen horrible mais impressionnant de coercition, avait été abandonnée au début du règne de Louis XVI. Ce châtiment avait donné lieu à de tels scandales qu'on avait cessé, sans l'abolir expressément, de le pratiquer dans l'Ile-de-France. Les justices seigneuriales — lisez gibets — chômaient, mais le souvenir de telle exécution se conservait par tradition orale.
A Chatou on racontait à la veillée comment un certain Nicolas Marchand, cordonnier et bandit de grand chemin, ayant été reconnu coupable d'attaques à main armée dans le bois de Vézinet, avait été condamné par la prévôté de la Chambre criminelle du Châtelet de Paris, à avoir les bras, jambes, cuisses et reins rompus vifs par l'exécuteur de la haute justice, à la descente du pont de Chatou. Cela fait, il avait été mis sur une roue, la face tournée vers le ciel et y demeura tant et si longtemps qu'il plut à Dieu de lui conserver la vie.
Son corps avait ensuite été exposé, toujours sur ladite roue, sur le grand chemin de Paris, à l'entrée du village. Les maraîchers de Croissy, de Montesson et de Chatou qui passaient sur le pont pour porter à Paris les légumes et les fruits du terroir, se signaient.

Les crimes commis dans la forêt de Vésinet, n'étaient pas toujours le fait des bandits de grands-chemins. Dans un courrier adressé par le lieutenant général de Police à son ministre, M. de Maurepas, on peut lire : Nous avons eu un boucher d'assassiné jeudi dernier [23 août 1742] dans les bois de Vézinet, en revenant du marché de Poissy. J'ai envoyé sur le lieu pour tâcher de découvrir comment l'action s'étoit passée. Je n'ai pu rien apprendre de bien précis ; mais, quant à présent, le soupçon tombe sur deux autres bouchers de Paris avec lesquels il étoit parti de Poissy et qui, sur les cris qu'il a faits après avoir été blessé de trois balles dans la tête, dont il est mort, se sont sauvés dans le bois, ayant vu du monde accourir. [4] Ces bouchers rivaux ou spoliés furent-ils poursuivis ? Les enquêtes d'alors étaient souvent succinctes. Mais ceux qui se faisaient prendre connaissaient une fin terrible !
A Croissy, avenue des Tilleuls dominant la Seine, on peut encore voir les socles sur lesquels on dressait les "Bois de Justice" des Seigneurs de Croissy.

Vestiges de la Justice de la Seigneurie de Croissy.

Site réaménagé en 1899 par l'architecte Tropley-Bailly. Le cliché date du début du XXe siècle.

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    Notes et sources :

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    [1] Garde-chasse, François-Prix REAL fut remarqué par Henri de Bertin, seigneur de Chatou, ancien contrôleur des Finances et lieutenant général de police. Son fils Pierre-François REAL, homme politique et juriste, jacobin durant la Révolution, sera fait Comte d'Empire.

    [2] Cette question des dégâts imputables au gibier de la chasse royale constituera un des principaux griefs des Cahiers de Doléances des villages de Chatou, Croissy et Montesson en 1789.

    [3] Gibet de Haute Justice, les fourches patibulaires servaient à pendre les condamnés qui restaient ensuite ainsi exposés, peu à peu dévorés par les corneilles.

    [4] Lettres de M. de Marville, lieutenant général de police, au ministre Maurepas (1742-1747), publiées par A. de Boislisle, 1896-1905.


Société d'Histoire du Vésinet, 2014 - www.histoire-vesinet.org