Jean-Paul Debeaupuis, Société d'Histoire du Vésinet, 2021.

Marthe « Gaby » Mansuelle (1903-1987)

Marthe Debussy est née à Paris, le 13 mai 1903 au domicile de sa mère, une couturière de 30 ans célibataire, Emilie Eléonore Debussy, 89 rue d'Assas, Paris 6e. Marthe sera reconnue par son père, l'artiste lyrique bien connu à l'époque, Eugène Gabriel Mansuelle (1873-1938), dans un acte enregistré à la mairie du 18e arrondissement le 4 avril 1910.
Mansuelle père, qui a servi dans l'armée comme trompette, est d'abord garçon boucher, puis se lance en 1895 dans les beuglants et les cafés-concerts de quartier, notamment à la Gaîté-Rochechouart. Sa popularité est due notamment à son physique — un embonpoint dont il tire des effets comiques — à sa jovialité et à son contact avec le public populaire.
Suivant les traces de son père, Marthe se tourne vers le monde du spectacle. Elle sera la première Miss Paris sous le nom de scène de Gaby Mansuelle.
En 1921, elle rencontre l'artiste américain Chester Kiesling qui se produit au music-hall comme contorsionniste sous le pseudonyme du Grand-Kingston. Le couple s'installe au Vésinet où il convolera en justes noces une dizaine d'années plus tard, le 8 février 1932, en présence de Gabriel Mansuelle.
Marthe alias Gaby Mansuelle se produit au music-hall sous le nom d'Esmeralda, dans un numéro de danseuse espagnole, la reine des castagnettes. On l'a dite nièce de Claude Debussy mais si un lien de parenté existe, il est sans doute beaucoup moins proche. Son arrière grand père, seul Claude Debussy de cette lignée, était menuisier à Montrouge.

Sur les programmes de l'entre-deux guerres, Gaby alias Esmeralda voisine souvent avec son mari.

    Le contorsionniste Chester A. Kingston réussit à s'y reconnaître dans le mélange de ses bras, de ses jambes et de sa tête. A croire que l'étonnant acrobate disputait avec soi-même un farouche match de catch as catch can. Mais Chester A. Kingston retrouva la forme d'un homme ordinaire pour venir saluer le public qui applaudissait à tout rompre....

    ... Qu'admirer le plus de l'art, de la plastique ou du chatoyant costume de la danseuse Esmeralda dont l'exhibition fut un des grands succès de la soirée. La danse en elle-même est un art particulièrement spectaculaire. Que dire de son rayonnement quand elle est servie par des interprètes de la classe d'Esmeralda ? [1]

Peu après la Libération, le journal L'Humanité, rapporte à propos d'elle l'anecdote suivante :

    Esmeralda, la danseuse du « Paradise », avait connu Lafont [personnage de triste mémoire, policier de la Gestapo, sévissant rue Lauriston] lorsqu'il était gérant du mess de la Préfecture de police. Elle avait été sa " marraine" pendant le séjour de Lafont à la prison du Cherche-Midi, en juin 1940. Lafont ne l'oublia pas. En effet, par deux fois, il obtint des Allemands la libération de son mari américain Chester Kingston. [2]

Une telle proximité avec un des personnages les plus honnis de l'Occupation ne pouvait être ignorée. En septembre 1944, sur dénonciation, Marthe Mansuelle fut arrêtée et détenue quelques heures pour être interrogée sur ses « douteuses fréquentations ». Dans l'entrefilet qu'elle lui consacre, L'Aurore [3] mentionne même une visite de Lafont au domicile vésigondin de la danseuse évoquée au cours des interrogatoires :

    ...Il arriva chez elle au Vésinet dans une superbe voiture portant l'insigne CD et lui déclarant qu'il était devenu le grand chef de la police parisienne [sic] il l'assura de son concours chaque fois qu'elle en aurait besoin.

Combat, sur le même thème indique que « Lafont lui en eut une profonde reconnaissance et à plusieurs reprises lui rendit service. Le doute subsiste. Malgré l'insistance des enquêteurs Esmeralda n'a pas dit toute la vérité sur ses relations avec la Gestapo française. On espère que le prochain interrogatoire donnera un meilleur résultat. » [4] Marthe Mansuelle fut libérée peu après et ne fut pas autrement inquiétée.
La carrière d'Esméralda prit fin peu après. Quant à Chester, sa dernière apparition sur scène eut lieu au Cirque municipal d’Amiens en juillet 1947.
Marthe Mansuelle-Debussy, veuve Kiesling, est décédée à son domicile du Vésinet, le 31 octobre 1987 à l'âge de 84 ans, deux ans après son compagnon. Elle est inhumée au cimetière communal (section 14, 3509) auprès de lui.

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    Notes:

    [1] L'Ouest-Eclair, 2 juillet 1936 (n°14483).

    [2] L'Humanité n°38, 29 septembre 1944.

    [3] Le XIXe siècle [L'Aurore] 29 septembre 1944.

    [4] Combat, 29 septembre 1944. Henri Lafont sera fusillé au Fort de Montrouge le 26 décembre 1944.


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