Henri Place est né le 7 avril 1812, à Paris, de Samuel-Henri Place, artiste dessinateur (1773-1860) et de Geneviève Séjan (1780-1832) son épouse, issue d'une dynastie d'organistes renommés au XVIIIe siècle. Jean-Abraham Place, le grand-père, arpenteur-géomètre d'origine suisse, était arrivé en France en 1794 avec sa femme et son fils Samuel pour dresser les plans du cadastre général de notre pays. Les parents d'Henri Place, mariés en l'église St-Roch, le 4 février 1807, eurent deux enfants: Philippine (morte à vingt ans) et Henri. Le couple gérait une Institution d'Education de jeunes filles, 106, rue de Vaugirard. La propriété était située sur le territoire de la paroisse St-Sulpice, la paroisse des Séjan. Dans l'établissement tenu par sa femme, Samuel Place enseignait le dessin. A vingt deux ans, Henri
Place, étudiant en droit, épousait Isaure Le Blanc, née à Florence, fille
du Secrétaire d'Etat de la grande duchesse de Toscane (Elisa Bonaparte).
La belle Isaure fut-elle séduite par la perspective d'une carrière de
juriste ou bien plutôt l'amour naquit-il d'un goût réciproque pour le
dessin et la peinture? Monsieur Le Blanc père comptait parmi ses amis
et protégés le peintre Jean-Auguste Dominique Ingres à qui il commanda
plusieurs toiles, notamment en 1823 son portrait et celui de son épouse,
aujourd'hui conservés au Metropolitan Museum à New-York. Le peintre
est alors en pleine ascension sociale. Le Ministre Thiers le nomme Directeur
de l'Académie Française de Rome et il fonde à Paris le Musée
des Copies de l'Ecole des Beaux-Arts. Henri Place quant à lui, compte
parmi les élèves du peintre Eugène Isabey que l'on dit organiste amateur
et avec qui il entretient les meilleures relations. Par sa mère, Place est aussi lié au milieu des organistes. Son goût naturel pour l'orgue le rapproche de Aristide Cavaillé-Coll, facteur d'orgue réputé. Sa première caution financière sera un prêt de 18 000 francs, le 5 février 1841 pour la reconstruction des orgues de St-Roch (mais aussi pour compenser des retards de paiement du Gouvernement concernant des perfectionnements apportés par le facteur à la construction du grand orgue de l'église royale de St-Denis au moyen d'une machinerie inventée par l'anglais Charles Spackmann-Barker). Pour garantir la somme, Henri Place suggère à Cavaillé-Coll une convention, afin de commercialiser l'invention et d'en tirer quelques profits. Cavaillé-Coll souscrira six ans plus tard auprès du banquier Henri Place, une nouvelle obligation de 263 000 francs pour financer la construction simultanée de plusieurs orgues dans ses ateliers de la rue de Laval. Le banquier mélomane, soucieux d'entretenir l'amitié de son maître Isabey, obtient de Cavaillé-Coll qu'un orgue soit installé dans l'atelier du peintre 5, rue Frochot. Il s'agit d'un instrument à deux claviers. La caution est avantageuse pour les deux parties en présence en raison des retombées publicitaires qu'elle engendre. En 1852, Cavaillé-Coll cédera l'instrument au Temple de Bolbec en précisant: "Cet orgue possède un très joli buffet orné de deux tourelles de tuyaux et divisé en trois compartiments. Le buffet est peint, verni, et décoré d’un tableau dans la partie centrale représentant une église". Les peintres Isabey et Place se sont permis d'ôter les tuyaux postiches du jeu de Montre qui occupaient la partie centrale, pour y substituer une toile, représentant une église. Place est naturellement disposé pour le dessin et la peinture, héritage qu'il tient de son père et son grand-père. "L'artiste" Henri Place évolue dans le sillage des peintres protégés de Monsieur Thiers, du Roi Louis-Philippe et de toute la famille d'Orléans. Les Salons se multiplient autour de noms prestigieux: Eugène Delacroix, Baron Gérard, Ary Scheffer, Horace Vernet, Eugène Isabey. Place expose aux Artistes Français, en 1840, 1846 et 1848 grâce à la fréquentation des Ingres, Gérard, Isabey, et autres Scheffer. Séduit par la vogue réaliste, il est attiré par la lumière des paysages et se rend souvent sur les côtes normandes avec ses pinceaux et son ami Isabey. Durant ses séjours en Normandie il fixe des paysages de mer tels Les Falaises de Douvres (1849) toile conservée au Musée Baron Gérard, à Bayeux. Les Falaises de Douvres, Henri Place (1849) Le 30 décembre 1854, il est fait chevalier de la Légion d'honneur en récompense de ses qualités artistiques de peintre de genre. M. Henri Place est un contre-amiral en peinture. Ses marines sentent l'eau salée. Il connaît à fond le ciel de l'Océan dans ses bons jours comme dans ses mauvais jours. Par la disette où nous sommes des peintres de marines, il faut applaudir vivement M. Henri Place ... même quand son maître M. Isabey est là ! [L'Artiste, 1849] M. Henri Place est
un artiste amateur et, chose plus inattendue, riche à millions, il attache son nom à une maison de banque parisienne, jouissant à la Bourse, près de MM. de la Finance d'une considération solide
et très étendue. Henri Place se distingue
donc par une double voire une triple personnalité: peinture, musique ...
et affaires financières. Après ce premier échec,
Henri Place l'ex-banquier (il se déclare rentier) tel Phoenix renaît
de ses cendres et remonte Compagnie après Compagnie, achète des parts
dans des institutions bancaires. A Varengeville-sur-Mer, près de Dieppe
sur la côte d'Opale, il fait l'acquisition d'une Maison en 1859 (aujourd'hui Le Bois des Moutiers).
Il y installe un orgue pour son ami Eugène
Isabey qui possède à quelques dizaines de mètres une résidence d'été avec
ateliers de peintre et hautes verrières parfaitement orientées vers le
nord et baignés de lumière. Les propriétés, bordées de pelouses et entourées
d'arbres d'essences les plus variées, descendent vers la mer en pentes
plus ou moins accusées. Le climat de la région doit bénéficier à Madame
Isabey dont la santé est déficiente. Place peint Les Falaises d'Etretat (1862).
Le décès de Madame Isabey, survenu la même année met fin à cette
période heureuse. De plus, des difficultés dans le négoce et les affaires
financières se font jour de nouveau! La maison de Varengeville est revendue
en 1863. En 1873, une nouvelle Société voit le jour: les Huitrières
du Portugal. Place transfère en France, à Marenne, à Courseulles,
à Saint-Vaast la culture ostréicole qu'il aura largement contribué à développer.
Enfin en 1878, Place acquiert une propriété, (aujourd'hui la villa
Montmorency), rue Donizetti à Auteuil (1878) sur un terrain appartenant
à la société des chemins de fer. C'est là que, plus ou moins ruiné, il
se retire pour peindre. Une deuxième faillite déclarée en 1880 s'éteint
avec lui le 9 septembre 1880. L'édition de 1876 du Grand Dictionnaire Larousse du XIXe siècle (Tome 12) consacre à Henri Place, une entrée entachée de beaucoup d'erreurs. La postérité ne retient de lui que ses trop rares tableaux :
Sources: Loïc Métrope, A St-sulpice, les grandes orgues mythiques de M. Cavaillé-Coll ou les
liens financiers de proximité.
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