Echos du Passé, Le Vésinet, revue municipale n°72, septembre 1985
Kaj Andrup Un international danois à L'USV
Né au Danemark, le 29 mai 1903, Kaj Andrup,
tout en poursuivant des études à l'école supérieure de commerce de Copenhague,
pratiquait le football à l'Akademisk Bold klub, l'un des principaux club
danois.
Après avoir été 18 fois international danois, Andrup signa au fameux club
allemand de Hambourg où il joua en équipe première de 1923 à 1926. A l'occasion
d'une tournée du Stade Français au Danemark, en 1926, il fut remarqué
par les dirigeants de ce club pour sa prestation lors d'une rencontre.
Il vint alors en France avec son ami Kaj Simonsen (qui se reconvertira
après une brillante carrière de footballeur dans le journalisme sportif),
international danois également. Ses talents de buteur firent merveille,
puisque le Stade Français gagna le championnat de Paris en 1927, puis
le championnat de France cette même année. Lors du dernier match, décisif,
Andrup marqua deux des trois buts de son équipe. Il est à noter que le
plus célèbre chroniqueur de football de l'époque, Gabriel Hanot, écrivait
alors: "Si Andrup était français, les portes de l'équipe de France
ne tarderaient pas à s'ouvrir devant lui".
Mais pour convenance personnelle - il avait une haute idée du statut de joueur amateur - Andrup préféra quitter le Stade Français, en compagnie de Simonsen, pour rejoindre les rangs de l'USV, un Club jeune, fondé en 1922, dont la section football était dirigée par deux personnalités de marque, l'Ecossais John McNair et l'Anglais Craxton.
Kaj Andrup (en bas au centre) avec l'équipe première de l'USV, 1929 (cliché archives K. Andrup).
La saison 1929-1930 fut exceptionnelle. Le stade de l'Asile (école Princesse au jourd'hui), où évoluait l'équipe, vibra aux exploits de ses nouvelles vedettes. L'arrivée de deux internationaux étrangers qui venaient jouer dans un club de division supérieure suscita l'intérêt de la presse sportive. De nombreux articles en témoignent.
...Et puis, les petits clubs, les nouvelles équipes n'ont-elles pas, grâce à la coupe de France, l'occasion de s'élever dès la première année au-dessus de la médiocrité. Voyez LE VESINET, par exemple qui, grâce au dévouement de sportsmen, sincères et avisés, est arrivé à mettre sur pied un « onze » rapide, pratiquant un football intelligent et réfléchi et dont la technique est bien supérieure à celle des autres équipes de sa division. Or, hier, Le Vésinet a battu le S.C.F. par 10 buts à 0 et se voit qualifié pour les tours à venir. Grâce à Andrup, Fontaine, Delingette, Falize, et aussi Simonsen [...] ce onze à qui il ne manque plus que l'homogénéité et l'habitude des grandes rencontres, doit aller fort loin dans la grande épreuve. Il sera suivi par les sportifs avec d'autant plus d'intérêt qu'il est uniquement composé d'amateurs, qui ne connaissent même pas le manque à gagner. Et c'est heureux !
Kaj Andrup en action sous les couleurs de l'USV (cliché archives K. Andrup)
Au tour suivant, une équipe parmi les 58 clubs en compétition, fut retenue par un journal sportif et présentée à ses lecteurs: l'US Vésinet !
..c'était aussi, avant-hier, le deuxième tour de la Coupe de France, qu'organise la Fédération avec le concours du Petit Parisien. Sur les 380 clubs engagés dans la plus importante des épreuves sportives nationales françaises, 298 étaient aux prises. Rien que sur le territoire de la Ligue de Paris, 58 équipes avaient l'ambition de se qualifier pour le troisième tour, qui groupera, le 4 novembre, 160 clubs. Lequel des 29 matches de la région parisienne convenait-il d'aller voir ? [...]. ... l'idée nous est venue d'aller rendre visite à l'US Vésinet, le club qui s'est hissé, l'an dernier, de la promotion de première division à la première division, qui mène dans le championnat de cette saison et qui donne à tous les sportifs l'impression d'être "le club qui vient". Le Vésinet, que préside le secrétaire général d'Excelsior, René Delange, assisté de deux Britanniques McNair, qui est le dévouement personnifié, et Craxton, dont la compétence technique est indiscutée, a reçu le renfort de quatre footballeurs de division d'honneur, tous quatre émigrés du Stade Français: Andrup, Simonsen, Fontaine et Falize. L'exemple est, je crois, unique de deux internationaux - car Andrup et Simonsen ont fait partie de l'équipe nationale danoise - et de deux joueurs en pleine forme quittant les équipes-vedettes pour descendre deux degrés au-dessous. D'ordinaire, les joueurs qui disparaissent du premier plan, comme Chayriguès, Jourdan, Mathieu, Rouchès, vont chercher dans les petits clubs le moyen de poursuivre une carrière sportive qui est terminée, pour eux, en division d'honneur. Eh bien ! l'US. Vésinet n'a pas fini, si elle continue sur sa voie actuelle, d'étonner le monde sportif. Il y a encore des trous dans son équipe: Simonsen blessé, ne reprendra l'entraînement qu'à la fin du mois; Di Pietro, l'ancien coureur de 300 mètres, n'est pas assez régulier ni acharné pour faire un bon demi-centre; l'aile droite tout entière manque d'envergure et de classe. Mais, à l'exemple de l'impétueux Andrup, toujours aussi réalisateur que la saison dernière, — dimanche, il marqua 6 des 10 buts contre le Sporting Club Français, — les équipiers se sont mis à jouer en grands footballeurs. On peut affirmer que Lé Vésinet — le "Vésin", ou encore "le village", comme disent ses habitants, — ne serait pas surclassé en promotion de division d'honneur. En division d'honneur, peut-être aurait-il son mot à dire. N'allons pas trop vite cependant ! Le Vésinet a besoin qu'on lui fasse crédit deux ans. Nous verrons alors où il en sera. Il est parfois des clubs qui donnent les plus belles espérances et qui passent comme météores. D'ailleurs, Le Vésinet aura l'occasion de révéler son jeune talent dans les matches de Coupe et ses rencontres avec des clubs de division d'honneur, tels que le FC Rouen, Le Havre AC, Amiens ou le RC Roubaix. L'équipe, solide au point de vue athlétique, a pour ambition de jouer non pas à l'emporte-pièce, en courant et en brusquant l'adversaire, mais en construisant son football, en perfectionnant sa technique et en pratiquant des tactiques raisonnées. Elle s'entraîne tous les jeudis soir, elle est composée de joueurs qui sont bons camarades et qui veulent arriver.
Le club possède un terrain charmant, adossé à un parc aux hautes
frondaisons et où, dimanche, les moucherons s'ébattaient au soleil,
cependant que les fils de la vierge s'accrochaient en écharpe au
corps des joueurs courant à la poursuite du ballon. Les dirigeants
projettent la construction d'une tribune, qui fera de ce petit stade
municipal un terrain bon pour la promotion d'honneur et acceptable
pour la division d'honneur. Au prix du mètre carré, ce stade représente
à peu près un demi-million de francs. Si toutes les municipalités
de banlieue consacraient aux stades seulement le cinquième de cette
somme !"
Gabriel Hanot
A la suite d'une nouvelle victoire du Vésinet à laquelle Andrup avait pris une part prépondérante : "nous voilà à égalité 2 à 2 et à la 35 minute du jeu, Andrup dribble les arrières et se trouve seul devant les buts. Andrup seul devant les buts veut dire une chose: Vésinet 3, COSMO 2 ! Dans la surface de réparation Andrup, prêt à marquer reçoit un croche-pied et un penalty est sifflé en sa faveur". Score final 4 à 2 pour Le Vésinet. Le journaliste poursuivait en donnant la composition de l'équipe victorieuse. "Pour que les générations à venir puissent se rappeler, nous citons ici l'équipe, et cette équipe, nous la saluons: Morand, Fontaine, Larre, Poirier, Falize, Di Pietro, Mahé, Simonen, Andrup, Cleize, Delingette." L'article se terminait sur la soirée qui suivit cette victoire célébrée "convenablement" [...] et après avoir mangé chacun deux oeufs sur le plat avec un peu de thé, très faible, nous sommes allés nous coucher vers 9 heures — ou peu s'en faut —".
L'international Kaj Andrup croqué par la presse danoise (1926)
... et française (1929)
Après son brillant passage au Vésinet, Andrup poursuivit sa carrière comme "pro" cette fois, au Sporting Club Français, dès la création du professionnalisme dans notre pays. Au déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, il s'engagea comme volontaire à titre étranger, fut fait prisonnier s'évada et participa aux opérations de la France Libre jusqu'à la Libération. Après la guerre, il entraîna les clubs de Nancy, et de Strasbourg, avant d'être chargé de 1948 à 1951, à l'instigation de la Fédération Française de Football, d'une mission de développement du football en Tunisie comme entraîneur fédéral. Il mit à profit son expérience de sportif de haut niveau, en donnant de nombreux articles techniques sur le football dans la presse (le shoot; conseils aux footballeurs tunisiens : économisez vos efforts ! ; l'arbitrage en football ; marquage et démarquage...)
Kaj Andrup, abandonna quelques années plus tard son activité d'animateur sportif pour entrer dans un grand groupe industriel, dans lequel son diplôme acquis parallèlement à ses débuts de footballeur, lui permit de faire carrière jusqu'à sa retraite en 1965. Aujourd'hui, Kaj Andrup, qui a eu 82 ans en mai dernier [1], et dont le fils réside au Vésinet, suit toujours de très près tout ce qui touche au football. Nous le remercions, à l'occasion de cet article, d'avoir bien voulu nous confier les extraits de presse qui jalonnent sa carrière sportive et qu'il a rassemblés et conservés précieusement.
Patrick Vaseilles
[1] Kaj Andrup est décédé 3 ans plus tard, en 1988.
Société d'Histoire du Vésinet, 2005 - www.histoire-vesinet.org