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Emile Anthoine au Vésinet
pour une épreuve de 100 kilomètres de marche de fond

Le bulletin officiel de la Fédération française d'athlétisme daté du 18 octobre 1924 rend compte d'une réunion de la Commission de Marche (du 10 octobre 1924) à laquelle participaient MM. Blanc, Guillieux, Poincelet, Janvier... et à laquelle assistait Emile M. Anthoine.
A la suite de cette réunion, un communiqué visé par MM. Paul Bénazet, commissaire général à la Guerre; le Préfet de Police Henri Paté ; Michel Misoffe, le Gouverneur militaire de Paris ; le Président du Conseil général et le Président du Touring Club de France, fut publié au sujet d'une épreuve de 100 kilomètres par équipes.

    Le Circuit du Vésinet, sur lequel se disputera l'épreuve de 100 kilomètres par équipes, est définitivement arrêté comme suit : Boulevard Carnot, boulevard d'Angleterre, route de Croissy, boulevard d'Italie, boulevard d'Angleterre, route de Croissy, place de la République... (soit un circuit fermé de 3,873 km à couvrir 25 fois plus 3 km). Le droit d'engagement est fixé à cinq francs par équipe. Les engagements seront clos mardi 14 octobre, à 18 heures. Le départ sera donné le 18 octobre [1924] à minuit.[1]

Circuit de 3873 m dans les avenues du Vésinet.

La veille de l'épreuve, la presse accorda une couverture discrète à l'évènement organisé par la Ligue parisienne d'athlétisme et le jour suivant fut publié, tout aussi discrètement, le palmarès.

    Maintenant que la marche de vitesse a été biffée du programme olympique et du programme fédéral, on fera de la marche de grand fond et l'innovation est excellente. Aussi demain soir, à minuit précises, les concurrents prendront le départ pour une randonnée de 100 kilomètres. C'est près du Vesinet, sur un circuit de 3.873 mètres, que se disputera l'épreuve. Avant la guerre, Emile Anthoine avait affirmé de brillantes qualités dans ces randonnées. Le handicap des ans doit lui être léger et il pourrait bien ajouter une nouvelle victoire son palmarès.[2]

     

    Résultats de l'épreuve: [3]

    1. Cercle des Sports France (Anthoine, Monchamp, Migilarli, Verbecke) couvrant les 100 km en 12 heures 44'13".

    2. Marcheurs Français, première équipe (Orylevy, Guilleux, Lamary) en 13 heures 19'19".

    3. Marcheurs Français, seconde équipe (Fauconnier, Gaulouveau, Marcon) en 13 heures 27'17".

    Le Racing a abandonné.

Emile Anthoine (1882-1969)

Emile Anthoine est connu pour être le fondateur de la course sur route Paris-Strasbourg, épreuve de « marche de fond », faisant suite à la création le 26 août 1926 de la Fédération internationale de Marche dont il fut le président jusqu'à sa mort. La légende veut qu'en 1895, âgé de treize ans, il soit allé trouver Pierre de Coubertin pour lui demander d'agréer un club sportif qu'il venait de créer. Trop jeune, il ne fut pas alors pris au sérieux. Il n'en fut pas moins un des plus grands champions de l'athlétisme renaissant.

Après les Jeux Olympiques de Paris en mai-juillet 1924, Émile Anthoine milite pour la création d’une épreuve olympique de marche. Il est en faveur de l'instauration d'une épreuve de cent kilomètres en marche dite de fond car, selon lui, le marcheur athlétique n'adopte spontanément un style de déplacement naturel que sur de longues distances, au moins supérieures aux 50 km. Des conditions permettraient de mettre un terme aux éliminations controversées dues au non-respect de la technique assez peu naturelle de la marche dite de vitesse.[4]

Le futur vainqueur dans les rues du Vésinet ...

clichés Agence Rol – BNF.

 

Escorté par la jeunesse locale (à bicyclette), encore revêtu de son gilet (les nuits sont fraîches en octobre) ...

 

Emile Anthoine, 42 ans, s'apprête à franchir la ligne d'arrivée.

 

Après l'arrivée, le vainqueur pose pour les photographes.

Les quelques images ci-dessus conservent le souvenir de cette course de démonstration de 100 km, remportée par Emile Anthoine le 19 octobre 1924. Elles ont été prises au Vésinet dont on peut reconnaître certains détails et où se jugeait l'arrivée. Partis à minuit du Vésinet, les concurrents devaient boucler les cent kilomètres en moins d'une douzaine d'heures. Discrètement annoncé par la presse parisienne, l'épreuve ne déplaça pas les foules et le palmarès ne fit pas la une des journaux.
Rappelons que vingt ans plus tôt, Le Vésinet avait déjà été traversé par les concurrents de la Marche de l'Armée, épreuve de "seulement" 45 km réservée aux soldats de l'Armée française mais avec le "barda" et le fusil, compétition très controversée et pas renouvelée.

Anthoine aura partiellement gain de cause aux JO suivants, à Los Angeles, où furent courus les premiers 50 km marche, sur route, qui remplacèrent la traditionnelle épreuve de piste, souvent perturbée d’incidents multiples.

Emile Anthoine (1882-1969) en 1932

Personnage d'exception, Emile Anthoine reste le seul athlète à avoir détenu, en même temps, le record de France des 100 km de course et de marche, avec des performances (7h25 et 10h15) établies en 1902, qui le classeraient deuxième dans les deux spécialités aux Championnat de France en 2011.
Actif dans une trentaine de disciplines, il a battu comme marcheur ou comme coureur, 21 records du monde et 85 records de France. De 1911 à 1913, il fut Champion de France du 100 m, du 400, du 1500, du saut en hauteur, en longueur, du lancer du poids et du disque !!!

Il fut plus tard, président du Cercle des sports de France. Il habitait Colombes, dans les Hauts-de-Seine [5] et sa ville lui a rendu hommage.

Il est mort le 13 décembre 1969, dans sa 88e année. Un centre sportif sur le champ-de-Mars, à Paris, non loin de la Tour Eiffel (Métro Bir-Hakeim, ligne 6) porte son nom.

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    Notes et sources :

    [1] L'Athlétisme: bulletin officiel de la Fédération française d'athlétisme, 18 octobre 1924.

    [2] Ouest Eclair, 19 octobre1924 (Numéro 8402).

    [3] Ouest Eclair, 20 octobre 1924 (Numéro 8403).

    [4] En 1924, à la suite d'un incident d'arbitrage survenu au cours de l'épreuve de marche des Jeux Olympiques à Colombes, la Fédération Internationale d'Athlétisme Amateur ne reconnaissait plus la pratique de la marche comme sport olympique et supprimait championnats et records. En 1925, Emile Anthoine quittait la Fédération Française d'Athlétisme et créait la Fédération Française de Marche qui deviendrait l'Union Française de Marche en 1929 après sa reconnaissance officielle par le Haut-Commissariat aux Sports.

    [5] Il habitait au 49 rue des Gros-Grès.

     


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