L’Industriel de Saint-Germain-en-Laye 27 novembre 1869 et autres sources.

l'Archevèque de Reims visite l'asile impérial et le parc du Vésinet

Novembre 1869. Le cardinal Landriot, archevêque de Reims se rend à Rome pour prendre part au Concile du Vatican (premier du nom) convoqué par le Pape Pie IX. Il se tiendra du 8 décembre 1869 au 20 octobre 1870. Le prélat passe par Paris, étape obligée pour utiliser les transports ferroviaires. La visite au Vésinet est plus surprenante. Elle est pour M. Millard, directeur de l'Asile impérial et aussi pour l'abbé Maret, curé de Ste Marguerite, qui y trouvera l'occasion d'adresser une lettre en forme d'article au Bulletin du Diocèse de Reims. On en trouvera plus loin un large extrait.
On trouve le compte rendu de cette visite, sous la plume de F.-R. de Saint-Cerneuf dans L'Industriel de Saint-Germain-en-Laye (27 novembre 1869).

Article de M. de Saint-Cerneuf

    Samedi dernier a été un jour de fête pour le Vésinet. Mgr l'Archevêque de Reims honorait de sa visite M. Millard [1], directeur de l'Asile Impérial du Vésinet, compatriote et ami de Mgr Landriot [2] et Mme Millard. L'éminent prélat consacrait quelques instants à ses amis avant son départ pour Rome, et sa présence au Vésinet a été l'occasion d'une petite fête de famille.

    M. de Breuvery, maire de Saint-Germain se trouvait à l'Asile Impérial et a accompagné son Excellence dans la salle des convalescentes où se trouvaient réunis avec les sœurs de la Sagesse, une partie du personnel de l'établissement, M. l'aumônier et M. le curé du Vésinet. Trois convalescentes, après une cantate exécutée par toutes, ont adressé une allocution au prélat qui a répondu avec bonté, remerciant les convalescentes des prières qu'elles lui promettaient pour son heureux voyage, leur donnant quelques conseils pratiques comme sait les donner l'auteur de la Femme forte et de la Femme pieuse [3], et ne se regardant pas comme un étranger dans celle maison dont le directeur était son ami de plus de vingt ans, dont plusieurs religieuses avaient été autrefois ses diocésaines à La Rochelle, et des liens de respectueuse amitié l'unissant depuis huit ou dix ans, à M. l'abbé Maret, curé du Vésinet.

    Avant cette réunion à l'Asile, Mgr Landriot avait tenu à visiter l'église et le presbytère du Vésinet, où la population, prévenue à peine quelques instants auparavant, s'était unie aux enfants des écoles et des pensions pour contempler la douce et spirituelle figure du prélat, et recevoir avec quelques bonnes paroles une précieuse bénédiction. Son Excellence a fait une promenade autour du parc et des lacs du Vésinet et cette journée du 20 novembre 1869 pourra être inscrite dans les annales de cette paroisse naissante. Mgr Landriot a publié la semaine dernière un charmant volume qui ira augmenter la collection des œuvres du prélat, il a pour titre : Les péchés de la langue et la jalousie dans la vie des femmes. [4]

    Monseigneur Landriot (1816-1874)

     

    Comme les maréchaux, amiraux, ministres, ambassadeurs, et grands officiers de la couronne, les archevêques de Reims, non-cardinaux, sont dénommés Excellences, à cause de leur qualité de prélats du sacre, et cela de toute ancienneté. On sait que les cardinaux ont droit à la qualification d'Eminence, les archevêques et les évêques à celle de Grandeur.

Lettre de M. l'abbé Maret

    [...] C'était samedi dernier. Le prélat était descendu à l'Asile Impérial du Vésinet où l'accueil le plus amical lui était réservé chez M. le directeur de cet établissement, M. Millard, son ami de vingt ans. Monseigneur a bien voulu se souvenir aussi du curé de la paroisse, et a daigné faire une visite à l'église du Vésinet et au presbytère, où la population, prévenue seulement quelques instants auparavant de la faveur qui nous était accordée, s'est portée respectueusement au-devant du prélat pour recevoir sa bénédiction. Les enfants de nos écoles se sont groupés autour du pontife vénéré qui leur a laissé un souvenir de sa bienveillante visite en accordant un congé à toutes les pensions. Nous entendions les nombreux témoins de la bonté de Monseigneur, se dire les uns aux autres : « Mgr de Reims, c'est un père au milieu de ses enfants ».

    La fanfare du Vésinet réunie à la hâte par son habile chef, M. Mansion, a fait entendre à cette occasion les plus douces symphonies de son répertoire. Monseigneur a remercié aussi ces Messieurs de leur délicate attention. Après une promenade autour de nos lacs et de notre parc, Mgr Landriot est rentré à l'Asile impérial, où l'attendaient les sœurs de la Sagesse et les trois ou quatre cents convalescentes qui composent cet Asile. Après quelques chants en l'honneur de Son Excellence, l'une des convalescentes a prononcé, au nom de toutes ses compagnes, un compliment dans lequel elle exprimait le bonheur que leur procurait la visite épiscopale, elle faisait des vœux pour l'heureux voyage du prélat et lui promettait de prier chaque jour le Seigneur à cette intention. Monseigneur a répondu avec son cœur, a remercié les convalescentes de leurs souhaits, les a encouragées dans la voie du bien, a dit qu'il ne se regardait pas comme un étranger dans cette maison et que les plus douces relations existaient depuis longtemps entre lui et l'honorable directeur et sa famille, les bonnes sœurs de la Sagesse, dont plusieurs avaient habité La Rochelle, et M. le curé du Vésinet ; enfin, votre bien-aimé pontife, que nous regardions un peu comme le nôtre, nous a donné à tous une de ses plus précieuses bénédictions ; en sorte que la journée du 20 novembre 1869, dont les heures se sont trop tôt écoulées, a été pour le Vésinet une fête de famille ; son souvenir sera conservé dans les annales de ma paroisse naissante... [5]

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    Notes et sources :

    [1] M. Millard, issu d'une très ancienne famille de la bourgeoisie bourguignonne (échevins aux XVe et XVIe siècles) succéda au vicomte de Lastic à la direction de l'Asile Impérial en 1867. Bonapartiste militant et beau-frère de M. Pinard, ancien ministre de l'empire, il fut remplacé par M. Eriau en novembre 1870 mais après la mort subite de Eriau en 1874, M. Millard retrouva son poste jusqu'en 1879. Voyant sa révocation, réclamée de longue date par les Républicains, se profiler, il préféra démissionner. C'est peut-être son manque de zèle à démonter l'épi de faîtage à la gloire de l'empire dès la chute du régime qui permit aux aigles impériales en plomb doré de demeurer en place ... jusqu'en 1923. M. Deloche, ancien préfet des Basses-Pyrénées, lui succédera [Le Petit Parisien, 30 avril 1879].

     

    [2] Jean-Baptiste François Anne Thomas Landriot était né à Couches près d'Autun, en Saône-et-Loire en 1816. Ordonné prêtre le 25 mai 1839 au séminaire d'Autun, il devint, après quelques années passées à la cathédrale, successivement supérieur du séminaire en 1842, vicaire-général en 1850, évêque de La Rochelle le 8 avril 1856, et enfin archevêque de Reims le 30 décembre 1866. Il fut intronisé le 8 mai 1867. À Reims, Mgr Landriot gouverna peu de temps le diocèse, tenu éloigné par les travaux du Concile du Vatican puis par la maladie. Pendant la Guerre franco-prussienne de 1870, il eut à intervenir plusieurs fois auprès des autorités d'occupation, notamment après l'exécution de l'abbé Miroy et parvint à atténuer les mesures de rigueur prises par les Allemands victorieux. Au Concile du Vatican, il jugea inopportune la définition de l'infaillibilité pontificale. Il est mort à Reims le 8 juin 1874.

     

    [3] Éloquent prédicateur (Le Christ de la tradition, Carême prêché aux Tuileries en 1864), il fut aussi un écrivain de renom. Outre ses œuvres pastorales recueillies dans les Œuvres de Mgr Landriot (7 vols., Paris, 1864-74), il écrivit un nombre considérable d'ouvrages parmi lesquels : le Christ et la tradition, le Symbolisme, les Béatitudes évangéliques, l'Eucharistie, la Prière chrétienne, Promenade autour de mon jardin.

     

    [4] Ce prélat semblait particulièrement préoccupé par le salut de la gent féminine puisqu'on lui doit aussi la Femme forte, la Femme pieuse, les Conférences aux dames du monde, les Péchés de la langue et la jalousie dans la vie des femmes.

     

    [5] Bulletin du Diocèse de Reims: Revue religieuse historique et littéraire. Reims (Marne). Extraits d'une lettre de M. l'abbé Maret, curé du Vésinet, datée du 29 novembre 1869.


Société d'Histoire du Vésinet, 2020 • www.histoire-vesinet.org