Jean-Paul Debeaupuis, SHV, 2005
Le Comte de Choulot, côté cour
Quelques jalons bibliographiques
pour servir à l'histoire de sa vie
Issu d'une ancienne famille nivernaise
anoblie en 1654, Paul de Lavenne, fils de Jacques
de Lavenne, seigneur de Choulot ancien officier au régiment de Limousin,
et de Publicie Millon, servit, on le sait, comme "garde du corps"
du roi Louis XVIII avec le grade de lieutenant de Cavalerie. Les Compagnies
des Gardes-du-Corps étaient un peu l'équivalent de notre Garde
républicaine. Il s'agissait d'une troupe d'élite et de prestige
réservée aux jeunes nobles. Lamartine y entra en 1814 tandis que Vigny,
malgré des demandes répétées, n'y fut jamais admis. Le jeune Choulot a pu, à cette époque, découvrir le bois du Vésinet où l'on défricha, en 1816, "une surface considérable de terrain" pour établir un champ de manœuvres destiné aux Gardes-du-Corps, en résidence à Paris et à Saint-Germain. [1]
Le 20 janvier 1817, Paul de Lavenne
épousait Elisabeth Anne Marie de Chabannes, son aînée de six ans, sœur
d'un compagnon d'armes aux Gardes-du-Corps, fille de Jean-Frédéric de
Chabannes, marquis de Curton et La Palice, comte de Rochefort, baron
de Madice. Ce grand seigneur avait fait une brillante carrière militaire
et diplomatique avant la Révolution puis en exil auprès du comte d'Artois
et en Vendée. Il servit comme aide de camp de Louis XVIII de 1813 à
1814. Tombé en disgrâce en 1815, il fut proposé pour le grade de maréchal
de camp mais son nom fut rayé par le Roi [30.10.1816]. Il écrivit contre
la Charte et la Restauration et s'exila à Londres puis à Bruxelles.
Partisan puis adversaire de Louis-Philippe, franc-maçon, il fut aussi
inventeur et écrivain. Quelles relations pouvait-il avoir avec son gendre
?
© Stéphane de Choulot
Paul de Lavenne de Choulot reçut en
1824 le titre de Comte, avec armoiries "d'azur aux deux lions
affrontés d'or soutenant un cœur de carnation surmonté d'une couronne
aussi d'or accostée de deux étoiles d'argent". On peut noter
à ce propos que sur les quelque 3000 familles nobles françaises subsistant,
les 4/5e ne sont pas titrées et parmi celles qui le sont, les 3/4 reçurent
leur titre de Louis XVIII ou Charles X qui distribuaient les lettres
patentes comme des décorations [2].
Paul de Lavenne avait quitté, quelques années plus tôt, la Maison
du Roi, pour entrer au service de Louis Henri Joseph de Bourbon,
prince de Condé, en qualité de capitaine général des Chasses.
La chasse étant l'activité principale du prince, on peut penser que
la charge était d'importance.
Dans la première édition de son dictionnaire, Larousse jugeait sévèrement
le prince de Condé:
Un homme absolument nul sous
tous les rapports, et qui même était dépourvu de bravoure personnelle. Pendant la Restauration, il vécut
écarté des affaires, dont l'éloignait son incapacité aussi bien
que sa paresse. La mort de son père l'avait fait prince de Condé.
Dernier rejeton d'une famille illustre, mais également étranger
aux soucis de la politique et à ses périls, il semblait vouloir
accoutumer à l'ombre ce nom qui allait s'éteindre, et qui avait
brillé d'un si vif éclat dans les derniers siècles de la monarchie.
Confiné dans sa petite cour de Saint-Leu ou de Chantilly, il
faisait de la chasse son unique occupation.
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Pierre Larousse
Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, 1875.
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Ce jugement à l'emporte-pièce fut quelque
peu tempéré dans les éditions suivantes !
En 1823, le prince confia à M. de Choulot le journal et les notes de
son fils, le duc d'Enghien (exécuté dans les fossés de Vincennes en
1804, sur l'ordre de Bonaparte, premier consul). Le comte s'appliquera
à les mettre en forme pour les publier en y ajoutant une biographie
du duc. Il ne trouvera le temps d'achever ce travail qu'en 1841 (voir
plus loin).
En 1824, le prince envoya le comte et
la comtesse de Choulot à Aix pour "prendre les eaux" mais
surtout pour escorter la baronne de Feuchères. La baronne, Sophie Dawes,
était une ancienne maîtresse du prince, à l'époque de l'exil de celui-ci
en Angleterre, en 1812. Le prince, toujours attaché à Sophie, devenue
entre temps baronne de Feuchères, souhaitait l'éloigner pour mettre
fin à un scandale.
Elle ne partit pas seule, mais
avec le comte et la comtesse de Choulot. C'était pour elle la
garantie de respectabilité dont elle avait bien besoin. En chemin,
elle put ainsi se féliciter d'être reçue à son passage à Fontainebleau
par marquis de Chabannes, parent de la comtesse de Choulot.
A Chambéry, le comte de Boignes les hébergea quelque temps.
Arrivée à Aix à la fin de juillet, plutôt que de prendre les
eaux, elle préféra excursionner dans toute la région, découvrir
les sommets enneigés des Alpes, Genève et son lac ou aller rêver
de Lamartine, le jeune poète à la mode, devant les eaux sauvages
et romantiques de celui du Bourget. Tout cela, évidemment, aux
frais du prince. Ce voyage fut aussi pour elle l'occasion de
devenir plus intime avec les Choulot.
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Dominique
Paladilhe,
Le prince de Condé, histoire d'un crime, Pygmalion, Paris, 2005.
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Ce fut peut-être
le début d'une idylle qui devait se développer plus tard. C'est aussi
l'avis de Pierre Cornut-Gentille, auteur d'une biographie de la baronne
de Feuchère.
Paul
de Lavennes, comte de Choulot, avait trente ans. Il était entré
au service du prince le 1er août 1820, comme gentilhomme ordinaire
de sa chambre. En 1817, à l'âge de vingt-trois ans, il avait épousé
Elisabeth de Chabannes de La Palice, [...].
Tous deux s'étaient pris d'une vive affection pour la baronne
de Feuchères et, de tous les proches du duc de Bourbon, ils s'étaient
montrés les plus empressés à faire leur cour à la favorite pendant
son bref exil. En vérité, Paul de Choulot était tombé éperdument
amoureux de Sophie. Ils devinrent amants...
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Pierre
Cornut-Gentille,
La baronne de Feuchères (1790-1840)
Perrin, Paris, 2000.
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On fut de
retour à Paris en septembre, juste à temps pour assister aux obsèques
du roi Louis XVIII. Le trio avait du prendre plaisir à ce voyage car
dès le couronnement de Charles X passé, en juin 1825, on reprit la route.
Au cours de ce second périple qui les conduisit à travers l'Italie,
jusqu'à Naples, le comte de Choulot ne s'intéressa pas qu'aux parcs
et jardins. Il devint l'amant de la sémillante baronne et entretint
avec elle une liaison de plusieurs années. Divers témoignages attestent de cette relation parfois de façon ambiguë,
tels celui-ci, du baron de Surval, l'intendant du prince,
mentionné par plusieurs auteurs :
Une note de M. de Surval nous raconte cette étonnante
histoire. Note sur laquelle figure la mention "à brûler
après lecture". La voici: "Si vous ne l'avez pas encore
deviné, vous saurez que Ch. était l'amant de Madame de F. et
horreur! du consentement de sa femme qui même avait pris l'initiative
à ce sujet, retirant un jour son alliance de son doigt et la
passant à celui de la dame: "Ah! lui dit-elle, il vous
aime tant! Aimez-le aussi... Venez, je vous donne tous les droits."
Ce ménage à trois a duré plusieurs années, notamment pendant
le voyage de trois mois en Italie.
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Dominique
Paladilhe
ibid.
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Le Voyage en Italie fut effectivement
fort long. Commencé le 11 juin 1825, il avait initialement pour but
Florence. Mais on poursuivit jusqu'à Rome, puis Naples, un petit détour
par Venise au retour, et une halte à Genève. Le périple prit fin en
octobre. La note, quelque 21 000 livres, fut pour le duc de Bourbon.
Mais sa fortune était immense...
L'inséparable trio mena ainsi joyeuse vie aux frais du duc de Bourbon,
pendant plusieurs années, en dépit de brouilles passagères. L'influence
de la baronne sur la carrière de Choulot est aussi évoquée:
En
1827, elle obtint pour lui le poste de capitaine des chasses du
duc de Bourbon. Ce ne fut qu'en juillet 1830, et surtout pour
des raisons politiques (Choulot était ardemment légitimiste) que
l'harmonie du ménage à trois se rompit. Surval rapporte qu'après
la mort du duc de Bourbon, l'intimité s'est renouée pour quelque
temps. Et il ajoute "Quand Mme de Feuchères a été abandonnée
de tout le monde, ils l'ont abandonnée aussi."
Il reste que Paul de Choulot fut probablement le seul véritable
amour de Sophie Dawes.
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Pierre
Cornut-Gentille,
ibid.
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Les relations entre la baronne de Feuchères
et la comtesse de Choulot étaient assez bonnes pour qu'elles s'entendent
à unir leurs familles. Un mariage fut organisé entre Hugues Frédéric
de Chabannes-La Palice, frère de la comtesse et Mathilda Dawes, nièce
de la baronne. A l'occasion du mariage, en août 1827, Mathilde reçut
un million de francs du duc de Bourbon.
La liaison de Choulot avec Sophie Dawes se poursuivait cependant et
n'était guère discrète.
La liaison de la baronne avec
le comte de Choulot était suffisamment sérieuse pour que, l'année
suivante [novembre 1826], elle se soit précipitée à son
chevet quand il eut un grave accident de chasse à Nanteuil.
Le blessé étant intransportable, elle resta à le veiller pendant
plusieurs mois, abandonnant le "dearest friend" [le
duc de Bourbon]. Choulot faillit mourir. On lui donna même les derniers sacrements.
Sophie demeura près de lui jusqu'à son rétablissement qui fut
long.
|
Dominique
Paladilhe
ibid.
|
Selon Cornut-Gentille, Sophie, folle
d'inquiétude, fit aménager pour Choulot un appartement au Palais-Bourbon
(sa résidence) et sollicita le concours des meilleurs médecins qui,
tous, se déclarèrent impuissants. Elle ne quittait guère le chevet du
malade. Chaque jour, elle adressait au duc de Bourbon, resté à Chantilly,
des bulletins de santé qui témoignent de sa détresse. Lors de ses rares
absences, Elisabeth de Choulot, fidèle messagère, lui donnait des nouvelles
du malade. De cet accident, le comte garda des
séquelles dont il sera fait état plus loin.
Au fil des mois les relations entre le prince et la baronne se détérioraient.
A force d'intrigues, elle avait fini par obtenir de lui un testament
qui lui laisserait une petite fortune, l'essentiel de l'héritage et
le nom illustre de Condé, allant au duc d'Aumale que le prince se proposait
d'adopter (formalité nécessaire à la transmission du nom). Puis survint
la révolution de Juillet 1830. "Le prince fut profondément troublé
par les nouveaux malheurs de sa famille, mais il ne jugea pas à propos
de la suivre dans l'exil, et il reconnut sans trop de difficulté son
neveu comme roi des Français". Ce raccourci caractéristique
des manuels d'histoire recèle une réalité plus confuse.
L'atmosphère de Saint-Leu demeurait
très agitée. On discutait fort sur l'attitude que devait adopter
le prince vis-à-vis du nouveau gouvernement. Bien sûr la baronne
et son entourage, comme l'abbé Briant, son très zélé secrétaire,
le général Lambot ou son neveu le baron de Flassans, prêchaient
le ralliement. En revanche, le baron de Préjean, le comte de
Choulot, M. de Quesnay, son ancien écuyer des commandements,
l'invitaient à se retirer.
Ce fut l'occasion de vives discussions et le ton montait parfois
de façon dramatique. On citait au prince l'exemple de son père.
"Monseigneur, disait Quesnay, vous êtes déshonoré si vous
restez en France. Est-ce qu'en 1793, le prince de Condé a pris
les conseils du duc d'Orléans?" Pendant ces débats, qui
faisaient cruellement souffrir le malheureux vieillard, l'emprise
tyrannique de Madame de Feuchères devint si forte, qu'elle finit
par gagner. Sans doute fut-ce par lassitude et pour avoir la
paix, que le prince se résigna à rester.
|
Dominique
Paladilhe
ibid.
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Louis Blanc, dans son Histoire de
Dix ans, (Tome II), attribue à Choulot la même réplique : "Est-ce
qu'en 1793, le prince de Condé quand il courut aux armes, prit les conseils
du duc d'Orléans ?"
Choulot resta lui aussi, sans doute par fidélité, tout en contestant
l'influence néfaste de la baronne et tentant peut-être de la contrecarrer.
Le 25 août, le prince lui laissa entendre qu'il allait se résoudre à
l'exil. On échafauda même des plans de fuite clandestine.
M. de Choulot avait appris que,
dans un petit village situé à deux lieues de St.-Leu, entre
la forêt de Montmorency et celle de Lille-Adam, une voiture
stationnait depuis quelques jours, par l'ordre de la baronne,
et que cette voiture devait, à un signal convenu, prendre la
route de l'Angleterre. Ce renseignement suggera à M. de Choulot
le plan que voici: Il y avait au château un vieux valet de chambre
nommé Leclerc, qui n'était pas sans ressembler au duc de Bourbon.
On devait faire revêtir au domestique l'habit du maître et le
conduire, dans la voiture même du prince, jusqu'au village en
question. Là, il serait monté dans la voiture préparée par madame
de Feuchères; et pendant qu'on l'aurait poursuivi sur la route
du Hâvre, le vrai duc de Bourbon se serait impunément dirigé
vers la Suisse.
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Louis
Blanc,
Histoire de Dix ans (1830-1840)
Tome II, Pagnerre, Paris, 1842.
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Le soir du 26 août, le prince qui se
trouvait à Saint-Leu envoya à Choulot, qui était à Chantilly, une lettre
pour lui demander d'arriver tôt le lendemain matin.
Le 27 août 1830, lorsque le comte se présenta,
tôt donc, au Château de Saint-Leu pour rencontrer le prince de Condé,
il fut parmi les premiers à apprendre sa mort tragique. Il compte parmi
les signataires du procès-verbal dressé par le maire de la commune de
Saint-Leu, puis celui du juge de paix, premières constatations de ce
qui apparut d'abord comme un suicide, puis comme un assassinat et qui
demeure une des énigmes de l'Histoire de France.
Moi, Pierre-Gervais Tailleur,
maire de la commune de Saint-Leu, assisté du sieur Leduc, mon
adjoint, et en présence de M. Guillaume-Vincent Saint-Hilaire,
propriétaire demeurant en la commune de Saint-Leu, et de M.
Alexandre Jean Denis Rouen-Desmallets, chevalier de la Légion
d'Honneur, demeurant à Taverny et ancien préfet, de M. Louis-Spiridion
Frain, comte de la Villegontier, pair de France, premier gentilhomme
de la chambre de S.A.R. monseigneur le prince de Condé, de M.
Paul de la Venue [sic], Comte de Choulot, capitaine général des chasses de S.A.R. et chevalier
de Saint-Louis, et de M. Charles Philippe Henri Louis, vicomte
de Belzunce, chevalier de la Légion d'Honneur, gentilhomme de
la chambre de S.A.R., et de M. Pierre Bonnie, chevalier noble
de Saint-Michel et de la Légion d'Honneur, premier chirurgien
de S.A.R., et de M. Charles Louis Lecomte, valet de chambre
de service de S.A.R., et de M. Louis Auguste Manoury, aussi
valet de chambre, de M. Louis Leclerc, aussi valet de chambre,
de M. Jean-Baptiste-Louis Letellier, médecin, demeurant à Saint-Leu....
|
Dominique
Paladilhe
ibid.
|
De très nombreux ouvrages ont été consacrés
à cette mort mystérieuse. Le procès verbal du maire, mentionné ci- dessus
n'est qu'un parmi beaucoup d'autres, dressés ce jour là, tous entachés
d'erreurs ou de négligence. Le comte de Choulot, qui se trouvait là,
en signa plusieurs en tant que témoin. L'enquête officielle finit par
conclure à un suicide, malgré les nombreux indices d'un crime qui pour
certains, ne faisait aucun doute.
... Les rumeurs qui couraient jusque là éclatèrent
au grand jour. Le prince ne s'était pas suicidé. Dès lors deux
factions se formèrent. Madame de Feuchères, sa famille et ses
amis soutinrent la thèse du suicide, tandis que ses ennemis
évoquèrent le crime. Parmi eux se trouvait le comte de Choulot
qui après avoir été l'amant de la baronne, s'était éloigné d'elle,
puis après la mort du prince, était entré dans l'opposition.
|
Dominique
Paladilhe
ibid.
|
Sophie Dawes, avec la complicité d'un
ancien gendarme, fut soupçonnée. Mais personne ne fût accusé ou poursuivi.
La raison de la convocation, pressante, de Choulot ce matin-là est restée
inconnue. Selon les légitimistes, le vieux prince devait remettre
au comte un nouveau testament, léguant sa considérable fortune aux descendants
des Bourbons, les enfants orphelins du duc de Berry. Il déshéritait
du même coup son filleul, le duc d'Aumale (quatrième fils du roi Louis-Philippe),
et Sophie Dawes, sa protégée, bénéficiaires de son testament d'alors.
Mais un tel document ne fut jamais produit. Et Choulot lui-même témoigna
qu'il ignorait la cause de cette convocation.
Les relations entre le couple Choulot et la baronne s'étaient détériorées.
Même si le comte et la comtesse ont vivement combattu l'hypothèse du
suicide, ils se sont toujours refusés à admettre que Sophie Dawes ait
pu jouer un rôle dans la mort du prince. Mais, comme les autres ils
ont pris leurs distances :
...
Les Choulot et les Chabannes ont pris leurs distances. Elle n'avait
pas même cherché à ménager les premiers auxquels elle avait fait
délivrer, dès avril 1831, une sommation de quitter l'appartement
qu'ils occupaient dans le pavillon de l'hôtel de Lassay dont elle
héritait. Auprès d'elle, il n'y a plus que sa mère qui, comme
elle, s'est convertie au catholicisme (probablement peu avant
1830) et qui s'est retirée dans le couvent des carmélites où elle
lui rend visite régulièrement.
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Pierre
Cornut-Gentille,
ibid.
|
A la fin de sa vie, Sophie Dawes entretiendra
une correspondance régulière avec la plus jeune sœur d'Elisabeth de
Choulot, Louise de Chabanne entrée au couvent, qui l'aidera dans sa lutte
contre le cancer qui l'emportera en 1840.
Les héritiers naturels, la famille de Rohan négligée dans un cas comme
dans l'autre, attaquèrent le testament. Le procès fit la une des journaux,
et inquiéta beaucoup le nouveau régime.
La cour cessa bientôt d'être
inquiète de tout le bruit qu'on faisait autour d'elle: une chose
la tourmentait, cependant. Elle n'ignorait pas qu'il y avait,
depuis longtemps, dans la maison de Condé, un secret dont deux
personnes étaient toujours dépositaires. Ce secret avait été
confié par le duc de Bourbon, lors dc son séjour à Londres,
à sir William Gordon, écuyer du prince régent, et au duc de
la Châtre. Après leur mort, M. de Choulot avait reçu les confidences
du prince, à la suite d'une chûte de cheval réputée dangereuse. [...] On n'a jamais su et on ne sait encore rien de
ce secret sinon qu'il est important et redoutable.
|
Louis
Blanc,
ibid.
|
Si L. Blanc ne fait pas allusion à la
liaison entre Choulot et la baronne, D. Palardilhe ne mentionne pas
le "secret important et redoutable" dont Choulot fut
peut-être le dépositaire. Peut-être n'est-il plus si important ni redoutable
aujourd'hui. Choulot en tous cas ne l'a pas trahi [3].
Le procès se termina le 22 février 1832. Les plaignants furent déboutés,
le testament en faveur du duc d'Aumale et de la baronne de Feuchères
fut validé. La succession du prince de Condé était close. Le comte de
Choulot quant à lui, s'en était allé rejoindre la duchesse de Berry.
Après la révolution de juillet 1830,
une grande partie de la famille royale, celle du roi Charles X, avait
émigré en Angleterre. En Juin 1831, la duchesse de Berry, épouse du
second fils de Charles X, assassiné en 1820, quittait l'Angleterre,
nourrissant le projet de revenir en France pour attiser la révolte et
permettre l'accession de son fils, le duc de Bordeaux (alors âgé de
11 ans) au trône. Elle gagna Rotterdam, l'Allemagne, le Tyrol, Gènes
pour finalement s'installer à Massa, en Toscane où elle prépara un débarquement
en France. De nombreux légitimistes, séduits par ce projet de
nouvelle Restauration la rejoignirent alors.
En avril 1832, tandis que les préparatifs de débarquement en France
se précisaient, Paul de Choulot était à Massa:
Deutz était loin d'avoir auprès
de la mère du duc de Bordeaux l'influence dont il s'est vanté
depuis. Mais il avait accompagné de Londres en Italie Mmes de
Bourmont; il avait vu la princesse en passant à Massa pour se
rendre à Rome; il l'avait revue, après le voyage à Rome, et,
grâce aux recommandations du Saint-Père, il avait été chargé
de remettre des missives importantes à la reine d'Espagne et
à don Miguel. Il avait donc été naturellement initié de la sorte
à de graves secrets, dont la révélation devait peu coûter à
son âme perfide et lâche. Il est vrai que lorsqu'au mois d'avril
il avait quitté Massa, M. de Choulot l'avait contraint à s'arrêter
à une lieue environ de la ville, dans une vallée plantée d'oliviers,
et lui avait fait prêter là un serment solennel et redoutable.
Mais que valent les serments? L'honneur les rend superflus,
la bassesse les viole.
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Louis
Blanc,
Histoire de dix ans (1830-1840)
Tome IV, Paris, 1844.
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Méfiant ou perspicace, Choulot avait
raison de ne pas lui faire confiance. Deutz trahira le parti légitimiste,
par correspondance, pendant près de cinq mois.
Tandis que Marie-Caroline débarque en France, (elle s'est proclamée
régente pour le compte de son fils Henri V), le comte de Choulot est
envoyé pour une ambassade difficile et lointaine. C'est là, semble-t'il,
le rôle principal qu'il tint auprès de la duchesse (c'est à dire, le
plus souvent, loin d'elle).
Il [M. de Saint-Priest] pensait avec raison que, puisqu'on
renonçait à demander à l'étranger des secours de troupes, il
était au moins inutile d'entretenir avec les Puissances des
relations diplomatiques quelconques. Mais cette opinion n'était
celle ni du roi de Sardaigne ni du maréchal de Bourmont. Un
fils du maréchal fut donc envoyé au prince d'Orange, et M. de
Choulot à l'empereur de Russie.
[...]
Quant à M. de Choulot, il ne dut qu'à son énergique persistance
d'être admis auprès de l'empereur de Russie. Les plus minutieuses
précautions avaient été prises pour dérober au corps diplomatique
le secret de cette entrevue. L'empereur accueillit d'abord M.
de Choulot avec quelque froideur; mais quand il sut quelles
étaient les idées et les ressources de la duchesse de Berri,
il se montra moins réservé, promit l'appui moral qu'on lui demandait,
et s'ouvrit librement de ses griefs contre Louis-Philippe, ajoutant
qu'il avait les mains liées par la timidité du cabinet de Berlin,
non moins que par les oscillations de l'Autriche...
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Louis
Blanc,
Histoire de dix ans (1830-1840)
Tome III, Paris, 1843.
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Au retour de cette ambassade moscovite
(ou d'une autre plus tard) Choulot passa par Prague où une partie de
la cour de Charles X s'était réfugiée, et où se trouvaient les enfants
de Marie-Caroline. On a dit que le comte, infatigable voyageur, avait
rejoint la duchesse à Nantes dans le réduit où elle passa les derniers
mois de sa folle équipée, entre juin et novembre 1832. C'est au cours
de cette période que fut conçue l'enfant de la Vendée, objet
de scandale. Certains ont avancé que Choulot aurait pu en être le père. Louis Blanc, qui a raconté minutieusement l'épopée vendéenne, ne fait
réapparaître Choulot que plus tard, tandis que Marie-Caroline, trahie
par Deutz, capturée à Nantes, est maintenue au secret au Château de
Blaye, sous la garde du général Bugeaud.
Marie-Caroline n'avait plus d'autre
chance de salut qu'une évasion habilement préparée. L'idée en
vint à quelques-uns de ses partisans, et M. de Choulot fut désigné,
à son insu, comme le chef de la conspiration. Il s'était rendu
digne de ce périlleux honneur par sa hardiesse dans le dévoûment,
par les sacrifices de tout genre qu'il avait faits à la cause
de la légitimité, et notamment par les fréquents voyages qu'il
avait entrepris pour cette cause et où il avait compromis une
partie de sa fortune. Il était alors à Paris, et il revenait
de Prague, d'où il rapportait, pour la duchesse de Berry, des
lettres, des portraits et des paroles de consolation.
Désespérant de pénétrer par la ruse dans la citadelle de Blaye,
il s'adressa d'abord au Ministre de la guerre, ne cachant rien
de ce qu'il avait fait pour la duchesse de Berry lorsqu'elle
était encore libre et armée. "Vous vous êtes conduit en
vrai chevalier français" dit à M. de Choulot le maréchal
Soult; mais il ajouta que, pour être admis auprès de la princesse,
une autorisation du roi lui-même ne serait pas suffisante; que
c'était là une question d'Etat, et que les ministres avaient
à en délibérer. Le lendemain, M. de Choulot apprit que sa demande
était repoussée. il ne se rebuta point, écrivit au roi une lettre
dans laquelle il redoublait d'instances, et confiant dans les
ressources de son audace, il partit pour Blaye. Il se présente
au général Bugeaud, invoque auprès de lui des motifs d'humanité,
des motifs d'honneur, et parvient enfin à se faire ouvrir les
portes de la prison.
|
Louis
Blanc,
ibid., Tome IV.
|
Nouvel exemple de l'opiniâtreté, du
dévouement et du courage de ce voyageur infatigable, négociateur
habile, serviteur fidèle et zélé. On notera l'allusion aux sacrifices
qu'il s'imposait en prenant à sa charge les frais de ses voyages. Dans
toutes ses apparitions au fil des pages de l'Histoire de dix ans, Choulot est toujours dépeint de façon positive, l'auteur insistant
d'une manière ou d'une autre sur le dévouement, l'opiniâtreté, le courage,
le désintéressement du personnage. Et puis, on imagine le comte, contemplant
durant des heures par la portière de sa berline (huit jours pour atteindre
Prague, trois à quatre semaines pour Moscou, selon les aléas de la météo),
sans autre occupation que de s'émerveiller des beautés de la nature,
ôtant ce bouquet d'arbre, pour profiter de l'horizon, déplaçant ce torrent
pour guider le regard...
Parvenant, contre toute attente, à se faire admettre dans la prison,
le comte rencontra Marie-Caroline durant une dizaine de minutes. Il
put enfin lui remettre les lettres et les objets qu'il rapportait de
Prague. Le général Bugeaud, chargé de la garde de la duchesse, rapporte lui-même cet épisode dans ses Mémoires :
Un certain comte de Choulot ayant fait le voyage de Prague et apportant avec lui le portrait des deux enfants de la duchesse de Berry, me demanda une audience pour me remettre les deux miniatures. Je la lui accordai. Sa conversation dénotait la franchise; il me dit à plusieurs reprises qu'il ne doutait pas que la duchesse de Berry ne fût mariée et grosse, que la plupart des légitimistes le croyaient comme lui, et que la presse en le niant faisait beaucoup de mal à la Duchesse, ajoutant que s'il pouvait la voir, il lui dirait de ne pas écouter les mauvais conseils dont elle était entourée, de se prêter à toutes les constatations et à toutes les garanties qu'exigerait le Gouvernement pour la mettre en liberté.[...] Je consentis à la lui laisser voir tête à tête, pendant dix minutes, à condition qu'il se laisserait fouiller minutieusement. Il accéda à la condition et il entretint la Duchesse pendant dix minutes, montre à la main.
|
Maréchal Bugeaud,
d'après sa correspondance intime
et des documents inédits, 1881.
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Bugeaud reconnait avoir été berné par ce visiteur sans foi ni loi, sans honneur. Mais il minimise l'importance de cette visite sans conséquences. Les récits qu'en feront d'autres témoins ne disent pas autre chose. La visite était courageuse, osée, mais sans espoir pour la captive.
Avant de prendre congé de la
prisonnière, M. de Choulot, qui avait formé le projet de la
sauver, lui demanda un objet qui pût être un signe de reconnaissance
entre les mains de la personne qu'il aurait, peut-être, plus
tard à lui envoyer. Alors, la duchesse de Berri ouvrant un tiroir,
lui dit: "Tenez, voici les "joyaux de la couronne"
et elle lui montrait, parmi quelques objets de fort peu de prix,
une chaînette formant anneau. M. de Choulot prit la chaînette,
et sortit.
|
Louis
Blanc,
ibid., Tome IV.
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La comtesse de Hautefort, qui partageait la captivité de Marie-Caroline, fut très impressionnée par cette irruption du comte de Choulot qu'elle rapporte dans ses mémoires.
9 avril. Un légitimiste courageux et dévoué a trouvé moyen d'entretenir hier Madame sans témoins pendant dix minutes. C'est un fait incroyable quand on ne l'a pas vu et que l'on sait la réclusion inouïe où nous vivons. M. de Choulot est aussi adroit que hardi, et il a persuadé au général Bugeaud de lui accorder cette faveur sans exemple pour remettre à S. A. R. les portraits de ses enfants. Mais ayant moins ménagé le gouverneur de Blaye à sa sortie qu'en y entrant, celui-ci ne tarda pas à regretter ce qu'il appelait sa "trop grande condescendance", et cette aventure faillit être fâcheuse pour le serviteur fidèle qui avait tout bravé pour arriver jusqu'à la princesse. Peu s'en fallut qu'il ne fût jeté du haut des remparts.
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Journal de la comtesse d'hautefort
revue historique de la révolution française, 1915.
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Mais elle avoue craindre que cette visite n'ait exaspéré les gardiens, et ne soit un prétexte pour refuser celle de M. de Chateaubriand que la duchesse de Berri sollicitait. "Tout fait ombrage à notre gouverneur de plus en plus" ajoute-t-elle. [De nombreuses années plus tard, la famille de Hautefort confiera à Choulot le tracé du parc de son château, en Dordogne].
Choulot était là en messager et conspirateur chargé de préparer une éventuelle évasion. Mais les geôliers de la duchesse voyaient en sa visite une occasion à saisir :
Après une courte apparition dans la chambre de sa prisonnière, le général
revint auprès de M. de Choulot, et, par un manque de tact inconcevable,
il l'interrogea sur la grossesse de la duchesse de Berry. M.
de Choulot répondit, comme on devait s'y attendre, qu'il n'était
point venu dans la citadelle pour faire des constatations de
ce genre et qu'il n'avait rien remarqué. A ces mots, la figure
du général s'enflamme. Il ne cherchait que des témoignages dont
les légitimistes n'eussent pas droit de suspecter la sincérité
il avait compté sur celui de M. de Choulot. Trompé dans son
attente, il eut peine à retenir sa colère, et il envoya son
aide-de-camp, M. de Saint-Arnauld, chez la princesse, pour la
prier de se faire voir à M. de Choulot, debout et marchant.
Quelque offensante que fût cette proposition, la duchesse de
Berry n'osa pas la repousser. L'épreuve n'eut pas lieu, cependant,
grâce à la fermeté de M. de Choulot; mais il eut à soutenir,
de la part du général, et surtout de la part de l'aide-de-camp
des reproches d'une extrême vivacité. Il s'en émut faiblement,
et regagna Paris en toute hâte, impatient de réaliser son projet.
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Louis
Blanc,
ibid., Tome IV.
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Bien conscient que faire évader la duchesse
de Berry, soit par force, soit par artifice, était absolument impossible,
Choulot songea alors à obtenir sa libération de Louis-Philippe en personne.
Dès son retour à Paris, il écrivit au roi pour solliciter une audiance
qu'il obtint rapidement. On note que Choulot circule librement, en France
comme à l'étranger. Il est un légitimiste convaincu et affirmé mais
il n'est pas compté au nombre des complices de Marie-Caroline proscrits,
pourchassés ou arrêtés après les tentatives de soulèvements de Vendée.
Le roi lui fit faire antichambre longtemps, lui faisant proposer une
entrevue avec la reine que Choulot refusa. Finalement, Choulot fut introduit
auprès de Louis-Philippe.
Louis-Philippe se décide enfin
à affronter une entrevue qui aurait dû être pour lui si pleine
d'émotions.
M. de Choulot commença sur un ton respectueux et calme; mais
s'animant peu à peu, il déclara au roi que l'homme qu'il voyait
devant lui était lié à la branche aînée par des sentiments indestructibles
d'amour et de fidélité. "C'est là, répondit le roi, un
langage que peut entendre un monarque citoyen." M. de Choulot
tenait entre ses mains, en parlant, des cannes, qu'il avait
coutume de porter pour se soutenir, depuis une chute qu'il avait
faite à la chasse. il remarqua que le roi fixait sur ces cannes
un regard qui trahissait d'étranges alarmes et il se désarma
en souriant.
Revenant alors au sujet de sa visite, il exposa au roi de quel
intérêt il était pour lui de ne pas laisser la duchesse de Berri
dans une situation de nature à avoir des suites terribles; il
lui peignit la princesse succombant à des maux dont la cause,
ignorée de l'Europe, s'associerait aux plus noirs soupçons.
Louis-Philippe ne parut pas inaccessible aux craintes qu'on
cherchait à éveiller dans son âme; il reconnut que la duchesse
de Berri venant à mourir en prison, on pourrait tirer contre
lui de ce fatal événement le même parti qu'on avait tiré de
la mort du duc de Bourbon. Mais se prêter à l'évasion de la
duchesse lui paraissait contraire aux plus chers intérêts de
sa race. "Il faut, dit-il à plusieurs reprises, il faut
des garantis à mon gouvernement". Il se montra, néanmoins,
disposé à laisser agir M. de Choulot sans mettre obstacle à
ses desseins. Seulement, il lui demanda de rester à Paris pendant
quelques jours et d'attendre.
Durant tout le cours de cet entretien, une pensée avait manifestement
dominé le roi: le souvenir du duc de Bourbon, dont il avait
en quelque sorte devant lui le représentant. Aussi revint-il
souvent sur les accusations dont la mort de ce prince avait
fourni le texte aux passions de parti. Il s'écria même: "Eh,
mon Dieu! cette malheureuse succession, nous n'en avons pas
encore touché un sou! "
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Louis
Blanc,
ibid., Tome IV.
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Ainsi donc, le comte de Choulot s'aidait
de cannes (au pluriel) pour marcher. L'accident de chasse de Nanteuil,
dont il a été fait mention plus haut, était déjà vieux de six ans et
le comte, qui n'avait pas quarante ans devait encore s'aider de cannes.
Il faut donc admettre que tous ces voyages n'étaient pas ceux d'un fringant
cavalier mais d'un homme partiellement infirme.
Dans une note à propos de l'audience accordée à Choulot par Louis-Philippe,
Louis Blanc signale: "On assure que M. de Choulot se propose
de publier ce qui s'est passé en cette occasion plus complétement que
ne nous a permis de le faire une discrétion dont nous avons dû respecter
les motifs. On est alors en 1843. Il ne semble pas qu'un tel ouvrage
ait jamais été publié. Un manuscrit existe-t'il quelque part ?
Choulot attendit donc à Paris mais rien ne vint. Marie-Caroline dut
attendre dans sa prison, la naissance de l'enfant de la Vendée avant de retrouver un semblant de liberté. En attendant, elle voulait
que Châteaubriand se rende à Prague pour voir ses enfants et, si possible,
les soustraie aux influences néfastes, selon elle, de leurs précepteurs,
choisis par Charles X. Là se situe l'allusion au comte de Choulot dans
les Mémoires d'Outre-Tombe, tant de fois signalée. Dans une lettre qu'elle
adresse à l'auteur des Martyrs, elle écrit :
Par mes divers rapports avec
l'Empereur de Russie, je sais qu'il a fort bien accueilli à
diverses reprises des propositions de mariage de mon fils avec
la princesse Olga. M. de Choulot vous donnera les renseignements
les plus précis sur les personnes qui se trouvent à Prague.
Je désire le plus possible qu'on ignore votre départ ou que
du moins l'on ne sache point que vous êtes porteur d'une lettre
de moi, pour ne pas faire découvrir mon seul moyen de correspondance
qui est si précieux quoique fort rare.
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R.
de Chateaubriand,
Mémoires d'Outre-Tombe,
Livre 37, Ch. II.
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L'ambassade de Châteaubriand n'aboutira
pas. A Prague, il découvrira les déchirements qui opposent les divers
courants du parti légitimiste exacerbés par la déconvenue
de l'affaire de Vendée, partagés entre les Carlistes, les Dauphinistes,
les Henriquinquistes.
Entre temps la duchesse de Berry, fut libérée de Blaye mais expulsée
sous escorte jusqu'en Italie, où elle se retrouva quelque peu "encombrante".
Charles X prétendait que, d'après la loi française, elle ne pouvait
rester tutrice puisque remariée, à un étranger de surcroît. Il excluait
que la princesse se rendît à Prague avant d'avoir réglé la question
de son mariage, tant à l'égard du père de son mari qu'à l'égard du roi
de Naples son frère. Elle ne viendrait embrasser ses enfants qu'après
avoir séjourné quelques temps en Sicile avec le comte Lucchesi-Palli,
le nouvel époux. Enfin, il paraissait décidé à ne rien changer à l'éducation
du duc de Bordeaux et à subir jusqu'au bout l'influence de Blacas, Damas
et de Latil.
Choulot, quant à lui, toujours par monts et par vaux, poursuivait ses
ambassades avec la même détermination. Des allusions à celles-ci sont
aussi rapportées dans les Mémoires du Prince de Metternich.
De fait, Marie-Caroline ne fut
pas plutôt en Sicile, qu'elle s'y vit retenue en quelque sorte
comme prisonnière. Pour aller à Naples auprès du roi son frère,
il lui fallut pour ainsi dire entrer en négociation; et, si
l'interdiction fut enfin levée, ce fut grâce au zèle infatigable
de M. de Choulot. De Naples, la princesse, devenue Mme Luchesi
Palli, partit pour Rome, où le pape lui fit l'accueil le plus
empressé ; puis elle gagna Florence. Là, elle retrouva quelques
personnes d'un dévoûment éprouvé: M. et Mme de Podenas, M. d'Haussez,
Mlle de Fauveau. Son parti était pris. Elle voulait, quoiqu'il
advint, se rapprocher de la frontière autrichienne, entraînée
qu'elle était vers ses enfants par un désir qui ne calculait
pas les obstacles. Car les esprits à Prague étaient fortement
aigris contre elle. On lui reprochait son expédition en Vendée.
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Louis
Blanc,
ibid., Tome IV.
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Plus personne en France ne croit plus
alors sérieusement à un retour possible des Bourbon. La petite Anne,
l'enfant de la Vendée, ne vivra pas un an. Les problèmes de la duchesse
de Berry sont désormais des problèmes de famille plus que des affaires
d'Etat. Et l'Histoire n'en fait plus mention. Le comte de Choulot peut
consacrer du temps à l'écriture. En 1841, il publiera par souscription
l'ouvrage entrepris en 1823 : Mémoires et Voyages de Monseigneur le
duc d'Enghien précédés d'une notice sur sa vie et sa mort. Le livre
est publié à Moulins dans l'Allier, par Desrosiers, l'éditeur du journal
local, l'Ancien Bourbonnais.
Vingt ans se sont écoulés depuis
que j'ai écrit cette notice touchant la vie et la mort de Monseigneur
le duc d'Enghien. Si je la place aujourd'hui à la tête de ses
Mémoires, c'est moins parce que le courage me manque pour refaire,
avec l'expérience du passé, les lignes qui ont été tracées sous
l'influence d'autres temps, que pour conserver à mon récit le
seul mérite qui puisse le rendre recommandable, celui d'avoir
été écrit au milieu des amis et des serviteurs du prince et
en quelque sorte sous les yeux de son malheureux père.
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Comte
de Choulot,
Mémoires et Voyages de Monseigneur le duc d'Enghien précédés
d'une notice sur sa vie et sa mort, Moulin, 1841.
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L'ouvrage sera signalé favorablement
par la critique parisienne qui soulignera la fraîcheur et la naïveté
du jeune prince dans ses récits de voyage ou des événements qui ont
atteint sa famille à cette époque terrible de notre histoire. "M.
le comte de Choulot a fait précéder ces mémoires d'une notice historique
sur la malheureuse victime de Vincennes, et des pièces justificatives
relatives à son procès. C'est donc un ouvrage tout à la fois historique
et littéraire qui doit piquer vivement la curiosité du public". Mais la mort du duc d'Enghien était déjà loin et beaucoup d'ouvrages
avaient traité du sujet. Le livre publié par souscription ne fut pas
un succès.
Par certains passages, il sonne comme
un testament, teinté de nostalgie et de désillusion. Le comte de Choulot,
qui est toujours "au service de Mme la duchesse de Berri",
ne lui demandera sa liberté, qu'en 1845, si l'on en croit sa correspondance :
"On m'annonce, écrit-il, une lettre de la Mme la duchesse
de Berri qui partait pour une tournée en Toscane avec sa soeur et le
Grand Duc. Elle approuve ma résolution [se consacrer à un nouveau
métier] qui me laisse mon indépendance et me souhaite que mes amis
me secondent autant qu'elle le fera de son côté.
Choulot quitte la scène côté cour. Pour
le plus grand bien du Vésinet ... il reviendra côté jardins.
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NOTES:
[1] Tigreux, Eugène. Histoire de la maison militaire du roi de 1814 à 1830, Paris, 1890
[2] Archives Nationales: O3 : Maison du Roi. Maison
militaire du Roi. 1814-1830
* 812 - 825 : Demandes de croix. Formulaire
d'admission. Dossiers de demandes. 1814-1830
* 2243 à 2557 Nominations des gardes-du-Corps
et décorations.
[3] Comte de CHOULOT. Quelques pages sur Mgr le duc de
Bourbon, tirées des mémoires inédits. P. Dentu, 1858, 31 pp.
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