Société d'Histoire du Vésinet, 2001 [1] et compléments 2008, 2023. Virginie Hériot (1890-1932) Madame de la Mer Née au Vésinet dans la somptueuse villa Hériot (aussi spacieuse, disait-on, que la Mairie de Versailles) le 25 juillet 1890. Virginie est la fille du commandant Zacharie Olympe Hériot, héritier des Grands Magasins du Louvre et Anne Marie Dubernet, de 25 ans sa cadette et ancienne vendeuse de ces mêmes magasins, mariés en 1887, juste après la naissance de ses deux frères, Auguste-Olympe (15 février 1886) et Olympe-Charles (7 mai 1887).
Virginie Hériot Thérèse Bonney (1894-1978) photographe, Paris 1930 © The Regents of the University of California, The Bancroft Library, University of California, Berkeley La Villa Hériot était située
au 90 avenue Centrale. Construite dans l'ancienne propriété de la cantatrice Rosine Stoltz. La Villa Stoltz avait été acquise en 1874 par le frère aîné du commandant, Charles Hériot, mort sans descendance en 1879. En 1888, elle fut transformée pour Olympe Hériot, frère et héritier de Charles. Une autre maison, plus grande et plus luxueuse, dite villa Hériot avait été édifiée dans la propriété. Après le dur combat
avec la vie, que j'eus très jeune, au moment où tout semblait me sourire
et me combler, ... En 1904, à 14 ans, elle participe à sa première grande croisière sur le Katoomba (Rebaptisé le Salvador peu après), luxueux steamer que Madame veuve Hériot vient d'acquérir. Elle y embarque avec son frère Auguste et sept amis de la famille. Cette croisière prodigieuse fait rêver : d'avril à juin, la jeune adolescente découvre Naples, Pompei, Syracuse, Constantinople, Jerusalem... Virginie avec sa mère et ses frères sur le pont du Katoomba Croisière en Méditerranée, 1905. Elle aime sentir vibrer le bateau sous ses pieds et entendre soupirer les immenses voiles de nacre. En cette année 1904, elle acquiert une certitude : Je serai marine. Au cours de cette croisière, elle a la chance de rencontrer le célèbre Commandant Pierre Loti et de monter à bord de son fameux "Vautour". Toutes les occasions sont alors bonnes pour naviguer. A 19 ans elle aura déjà parcouru 40 000 miles. "Quel grand bonheur d'avoir pu échapper à cette vie de luxe, à ses mondanités et à ses corvées [...] Je me suis mise à aimer les bateaux comme des êtres chers. " "Ailée s'en va" (1923-1927) Le 2 mai 1910 âgée d'à peine 20 ans,
Virginie épouse à La Boissière le Vicomte François Marie Haincque
de Saint Senoch. Pour la famille Hériot, c'est la consécration l'entrée
dans l'aristocratie. Ce fastueux mariage est resté dans les mémoires :
le défilé des 120 voitures qui transportent les invités, le banquet
de 600 couverts ont marqué les esprits. C'est un jour pluvieux et pourtant,
certains disent avoir vu pleurer Virginie... En 1918, Virginie doit subir une grave intervention chirurgicale ; se sentant mourir, elle écrit de La Boissière deux lettres d'adieu, l'une à son fils, l'autre à sa mère : "[...] Virginie et son époux se séparent en juin 1921. A compter de cette date, Virginie se consacre entièrement à sa passion, la navigation, délaissant son luxueux appartement parisien de la Rue de Presbourg. Durant deux ans, elle navigue sur un imposant bâtiment à vapeur, le Finlandia, qu'elle vient d'acquérir après son divorce. Véritable palais flottant, il mesure 85 mètres et jauge 1492 tonneaux. C'est un des plus beaux navires de l'époque. Elle le remplacera pourtant par une goélette de 400 tonneaux plus proche de ses aspirations. Elle baptise son magnifique voilier "Ailée". "Lorsqu'on achète un bateau, il faut se donner la peine de le connaître, Dix mois sur douze elle vit à
bord. Son Ailée devient sa demeure ; elle s'y réfugie, loin des égoïsmes, des laideurs,
des mesquineries, elle y trouve la solidarité, l'entraide, le rêve parfois
et l'action toujours, l'action pure, belle et forte " (Paul Chack,
le 18 mai 1929). Femme du monde, Virginie a côtoyé au
cours de sa vie toutes les têtes couronnées et les personnalités dirigeantes
de l'époque telles que Guillaume II, le Prince du Piémont, la Reine
du Portugal, l'Impératrice Eugénie, le Roi de Norvège, la Reine Elisabeth
d'Angleterre. Le Roi Alphonse XIII d'Espagne, qui l'admire énormément,
décore Virginie du Mérite Naval Espagnol en 1930. Il lui rend visite
avec sa famille sur la Goélette Ailée II. Le poète Rabindranôth
Tagore la surnomme joliment "Madame de la Mer". Ma victoire olympique
fut très belle. Pour mémoire, aux Jeux olympiques d'été de 1928 à Amsterdam, trois manifestations de régates de voile (2 m, 6 m, 8 m) ont été disputées. Les courses ont eu lieu du 2 au 9 août 1928 dans le Zuiderzee. Un total de 127 marins (126 hommes et une femme) issus de 23 nations participèrent aux épreuves. Virginie Hériot a concouru pour la France comme membre d'équipage de l'Aile VI (son voilier) qui gagna la médaille d'or de sa catégorie. L'Aile VI était un voilier de 8 m mené par un équipage de 6 marins : Donatien Bouché (barreur), Carl de la Sablière, André Derrien, Virginie Hériot (propriétaire), André Lesauvage et Jean Lesieur. Virginie Hériot et son équipage victorieux : Daniel Bouché, André Lesauvage, Jean Lesieur, Charles de la Sablière et André Derrien. © Ouest-France, 2016. Ses exploits lui valent également
la Légion d'Honneur (janvier 1928). C'est la gloire. De partout, elle reçoit des hommages.
"Le sillage de votre Aile nous montre la voie des grands horizons,
nous enseigne la beauté de l'effort, nous découvre la joie des victoires
fécondes. Votre foi convaincante, votre exemple guidèrent vers ses véritables
destinées, notre peuple avec cent millions d'habitants, dont l'unité,
la grandeur et la mission civilisatrice ne peuvent se réaliser que grâce
à la mer " (Ph. Pétain). Admiratifs, les anglais la reconnaissent comme "the greatest
yachtwoman in the world". Elle compte déjà plus de 130 victoires et pourtant, sa mélancolie persiste. Les personnes que
je rencontre ne me comprennent pas (...) Mer puissante et farouche,
donne-moi ta force. J'en voudrais faire présent à ma volonté. Au sommet de sa gloire, Virginie s'investit
dans une tâche ardue et belle à la fois : "développer notre
yachting, défendre notre construction, porter haut l'honneur du pavillon
de France" est la dédicace de son livre Goélette Ailée, en 1928. Au début de 1932, au cours d'une traversée
entre Venise et la Grèce, sa goélette Ailée II est prise dans
une tempête. Virginie, qui ne quitte jamais le pont est grièvement blessée
(blessures au foie et deux côtes cassées) mais elle refuse de réduire
le rythme des compétitions. Fin août, lors des régates d'Arcachon, elle
s'évanouit à bord de son petit voilier Aile VII, On tente de
la dissuader de prendre le départ de la régate, mais en vain. Le 27
août, tandis qu'elle rejoint la ligne de départ, elle est victime d'une
syncope. Elle meurt le 28 août 1932 à bord d'Ailée II à 15 heures
précises. Elle a 42 ans. A Cannes, la famille de Virginie Hériot
décide de faire élever un petit monument à proximité du port des yachts
où l'Ailée venait souvent accoster. Ce monument extrêmement sobre
porte comme seule inscription: "Virginie Hériot, navigatrice, 1890-1932". Il fut inauguré le 16 avril 1936 en présence de sa mère, de
son fils et des délégations de l'Ecole Navale et de l'Ecole Hériot. Redécouvert en 1994 au fond d'un hangar par « une joyeuse troupe de marins amateurs », Aile VI, remis en état, a repris la mer ... **** Notes et sources : [1] Documentation réunie pour l'exposition "Le fabuleux destin de la famille Hériot, SHV, 2001. Parmi les ouvrages utilisés, citons de Bernard Pharisien "L'exceptionnelle famille Hériot" - Editions Némont, 2001 ; Jean-Marc Roger (Conservateur aux Archives nationales), "Les Hériot" ; David Lelait, "Virginie Hériot", Jean Rouch "Voyage au Maroc avec Mme Hériot", etc. [2] Origine des citations. Les ouvrages de Virginie Hériot : •Carnets de Voyages (L'aile I ; Quart de Nuit ; A bord du Finlandia ; La seconde France ; Impressions sur les fêtes du Centenaire) 1931. Sur mer: impression et souvenirs, 1933. Le vaisseau Ailée, le bateau qui a des ailes, 1931. Ailée s'en va, de 1923 à 1927. •Poèmes et textes: Goélette ailée : poèmes, 1927. Le bateau de mon enfance: poèmes, 1928. Une âme à la mer, 1931 (couronné par l'Académie Française). Service à la mer, 1932 (posthume).
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