Christian Ramette, Société d'Histoire du Vésinet, avril 2016.

Wood Cottage, évocation d'une «  folie  »
et de la famille qui la construisit et l'habita des années 1860 à 2007
            Quelques mots-clés pour visiter Wood Cottage

Calicot

Paul-Edouard Taconnet (1823-1891) exerce depuis 1846 le métier de calicot (commis de magasin de nouveautés) en face de la Gare de Rouen, aujourd'hui la Gare Saint-Lazare. Intelligent et travailleur, il dirige bientôt le magasin À la place du Havre. Dans les années 1860, fort prospère, Paul-Édouard aperçoit sur le fronton de la gare une banderole vantant un lotissement à bâtir au Vésinet desservi par le chemin de fer. Les ventes étaient accompagnées de prospectus de réclame qui précisaient « tout a été calculé de manière à donner aux habitants de la nouvelle colonie, les agréments de la campagne, avec toutes les facilités que présentent les centres de population ». Les travaux de modernisation de Paris, dirigés par le préfet Haussmann, enfièvrent alors la ville. C'est la saison des villégiatures.

Paul-Edouard Taconnet vers 1857
©  l'écritoire du Publieur

Paul-Edouard, déjà père de quatre enfants, décide alors de se rendre acquéreur de lots propres à recevoir [une] maison de campagne. Le 18 octobre 1863 il se porte adjudicataire, à la chandelle, d'un lot de 3  625 m² au prix de 1 frs du m² auprès de la société Pallu & Cie. Il est à noter que le terrain est raccordé à un réseau d'eau courante, équipement très moderne à l'époque.
L'aventure de Wood Cottage commence.

Treillageur

Le calicot a l'esprit novateur. Il rencontre un treillageur de renom, Tricotel, qui lui propose de bâtir une maison fabrique en harmonie avec les idées des fondateurs de la colonie du Vésinet. Le treillageur édifiait déjà des gloriettes, des kiosques et des chalets rustiques où le bois servait de structure portante et apparente. Répondant à la mode, il imagina des modèles à décalquer de «  folies rustiques  », maison de villégiature construite pour l'aristocratie ou la bourgeoisie aisée en périphérie de villes, avec comme particularité de reposer sur l'ancienne technique des maisons à pans de bois. Il utilisait la grume apparente écorcée comme structure et des hourdis de divers matériaux comme remplissage. Effet rustique garanti. Pour conserver le bois il traitait ce dernier avec le procédé d'Auguste Boucherie, médecin et chimiste qui inventa une manière de conserver les bois en les pénétrant de substances chimiques et reçut à ce titre de nombreuses médailles lors des Expositions de 1855 et des suivantes.

Fantaisie

Dans un guide paru en 2016 chez Parigramme, Découvertes insolites autour de Paris, on peut lire p. 74 à propos de Wood Cottage, « une demeure perchée dans les arbres, signé Tricotel, 122 bd des Etats-Unis. ». Ce serait tellement plus féérique que Wood Cottage nichât dans un chêne et abritât le Baron perché d'Italo Calvino. Il n'en est malheureusement rien. Wood Cottage est fondé dans le sol.

Architecture

La demeure se distingue par l'originalité de son architecture.
L'imbrication des corps de bâtiments, leur hauteur différenciée, le mélange d'éléments symétriques, décors de façades, position des fenêtres, et d'éléments dissymétriques, belvédères, toitures débordantes, pavillon arrière, l'ornementation surabondante de bois découpés, les vitreries de baies, donnent à cet ensemble son caractère « pittoresque ». Sa conservation exceptionnelle témoigne de l'architecture des chalets, « qui n'ont plus rien du kiosque ou de l'abri de jardin  » de la deuxième moitié du XIXe siècle. Les pans de bois portent les toitures et les remplissages des murs de façades et de refend. Rien n'atteste que le chaume ait couvert Wood Cottage. Certains modèles des catalogues Tricotel proposent des couvertures de tuiles. Le débat reste ouvert.

Ornements et matériaux

Les grumes apparentes sont tronçonnées et assemblées, en poteaux corniers et poteaux de fenêtre, avec guettes de décharges en croix de Saint-André sous les fenêtres, pièces d'appui et de linteaux. Elles sont assemblées en forme de ramure d'arbres ou de cervidés de fort belle allure.
Les baies sont hautes et étroites, toutes en vitreries, blanches ou de couleurs, enchâssées de plomb. Des triangles couronnent certaines baies.
Les fondations sont de briques avec pierres cornières tandis que pour le remplissage des pans de bois de chêne on a eu recours à un hourdis de maçonnerie rustique avec les matériaux les plus divers  : meulières, silex, débris de pierre.

Dépendances et jardin anglais

Même rustique, une folie présente plusieurs dépendances qui complètent l'ensemble. Un pigeonnier, la maison du cocher et des domestiques, les écuries, un fumoir, s'inscrivent dans le même style que la maison de maître  : grumes noircies et maçonnerie rose. Quant au jardin, aucune description ne vaut  : il faut flâner, s'arrêter, humer, jouir des couleurs, écouter les oiseaux, dénombrer les fleurs, contourner un fourré, savourer un parfum, s'émerveiller d'une glycine. Ici les arbres jouent avec les fleurs, le promeneur sinue entre les massifs d'iris au son d'une cascade.

Grâces soient rendues à la famille Taconnet, qui a construit et conservé Wood Cottage depuis sa création.
Grâces soient rendues à Monique Suzanné, sa dernière propriétaire qui l'a légué à la ville du Vésinet et surtout « restauré, pansé cette demeure comme un être cher, sans regrets des sacrifices. Elle est devenue un peu comme (son) enfant.  »
Wood Cottage offre un exemple unique, semble-t-il, de folie Tricotel conservée dans son parc, au charme agreste et coloré.

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    Bibliographie :

    Sophie Cueille, Le Vésinet, Modèle français d'urbanisme paysager, 1858/1930, Cahiers de l'Inventaire 17, 2ème édition 2002.

    Monique Suzanné de Bellefontaine, Wood Cottage, l'écritoire du Publieur, 2005.

    Wood Cottage, Histoire d'une demeure, Les Presses franciliennes, 2008.


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