Jean-Paul Debeaupuis, Société d'Histoire du Vésinet, mai 2016. Les Établissements Tricotel Le premier Monument Historique du Vésinet, classé en 2000 (il avait été inscrit à l'inventaire supplémentaire en 1993), la propriété dite Wood Cottage, est une réalisation des établissements Tricotel. Le bâtiment principal, une maison-fabrique presque unique en son genre et ses annexes (un pavillon de gardien, un pigeonnier, un abri) ont été édifiés vers 1864 et constituent un ensemble homogène en style et en matériaux remarquablement conservé.
Profitant de la multiplication des maisons de campagnes dans toute la région parisienne, de la pratique très en vogue de la villégiature, elle gagne rapidement en notoriété et l'on trouve dans les revues de l'époque de nombreuses allusions à ses réalisations. Ainsi par exemple, dans la Revue Contemporaine :
L'Exposition internationale d'Horticulture de 1856, à Paris, est l'occasion de faire connaître largement sa production, et de la faire apprécier. Tricotel, fabricant de Rustique, remporte une médaille d'argent de première classe. Son catalogue est un classique du genre avec « treillages à la mécanique pour clôtures de chemins de fer, parcs, prairies, chasses, etc. Grillages en fil de fer et en fers galvanisés. » Mais ce sont les constructions rustiques qui séduisent la clientelle.
Outre ses grillages, treillages et autres clôtures, la Maison Tricotel construit aussi des gloriettes, des kiosques et des chalets rustiques où le bois sert de structure portante et apparente. Il utilise la grume apparente écorcée comme structure et des hourdis de divers matériaux comme remplissage. Wood Cottage et ses annexes constituent probablement l'exemple le plus abouti de ces réalisations. D'autres ont attiré l'attention des contemporains et ont été souvent mentionnées, par exemple un Chalet rustique à Billancourt, un hangar-abri et poulailler au Champ-de-Mars [4], ou encore les bâtiments qui servaient de logement aux animaux, au jardin d'acclimatation de Paris. [5, 6]
En 1867 l'entreprise compte déjà huit médailles d'or ou d'argent dans les expositions internationales. Extensions Tricotel - La Maison du Parc à Buc. Le développement de l'enteprise Tricotel conduira à la création d'une usine à Asnières, 9 rue Parmentier puis une seconde à Valence dans la Drôme. Enfin, les succursales de Marseille (avenue du Prado, à l'angle de la rue de la Borde) et de Nice (72 route de France) seront nécessaires lorque la Société aura atteint un rayonnement national, au cours des années 1860. Alphonse-Charles Tricotel (1810-1884), architecte Il est le fondateur de l'entreprise en 1848, et il en assure la direction jusqu'au moment de sa mort, en 1884. Dès le début des années 1850, Tricotel a noué avec les compagnies de chemins de fer des relations fructueuses, établissant le long des lignes des compagnies de l'Est, d'Orléans, du Midi, des Deux-Charentes, de l'Etat belge et du Centre belge, des milliers de kilomètres de clôtures qui, pour une large part, fondent la prospérité de l'entreprise. Mais Tricotel est aussi novateur. Il établit des clôtures fruitières et, en 1867, il fonde avec le banquier Henri Place la Société MM. Tricotel & Cie dite aussi Société de clôtures et plantations pour chemins de fer. Auteur avec Place d'un rapport sur les possibilités offertes par ces plantations, il se propose de rentabiliser dans une véritable entreprise agricole, l'expoitation des clôtures fruitières.
Un des plus ardents défenseurs de ce projet est Eugène Lacoix [7] qui fut par ailleurs un des architectes de l'Asile Impérial, au Vésinet. Lacroix écrit :
Il reprendra le même thème deux ans plus tard dans un Dictionnaire raisonné d'Architecture [8] dans lequel, on peut le signaler au passage, les auteurs, architectes, écrivent « notre confère Tricotel ». On a souvent contesté la qualité d'architecte pour Alphonse-Charles Tricotel. Et ce fut même une raison, pour certains, de discuter la valeur architecturale de Wood Cottage et au-delà son classement en Monument Historique. Sans clore le débat, nous y versons quelques pièces complémentaires, parfois anecdotiques. Ainsi, en 1871, dans le Journal Officiel de la République Française, on peut lire, dans une liste de citoyens appelés à sièger dans un jury d'assises « Tricotel, architecte, rue d'Hautville, 51 » [9] et si l'on en croit la presse, il aura été convoqué à ce titre au moins deux fois entre 1863 et 1870. [10] Les établissements Tricotel furent, avec les établissements Vuitton, une des principales entreprises d'Asnières au XIXe siècle. Mais Alphonse-Charles Tricotel semble s'être personnellement impliqué dans l'administration de la vie locale puisque le décret du 13 mai 1863 nommant les membres des conseils municipaux des communes du département de la Seine mentionne pour Asnières, entre autres, Alphonse-Charles Tricotel [13]. Dans la même publication, en 1876, Tricotel est le second adjoint du maire d'Asnières, Thomas-Pierre Durand. [14] Le 16 décembre 1884, Alphonse-Charles Tricotel meurt à son domicile parisien de la rue de Ponthieu. Il a 74 ans. [15] Les établissements Tricotel au XXe siècle Au début du XXe siecle apparait le renouveau du treillage artistique et architectural en France et la société assoit sa notoriété en travaillant avec les plus grands architectes de jardins, notamment avec Henri et Achille Duchêne, architectes paysagistes (1841 – 1947). Vers 1910, Tricotel réalisera, entre autre, trois projets de prestige pour Achille Duchêne : les portiques de treillage de l'Ambassade d'Autriche, aujourd'hui l'Hôtel Matignon, le treillage de l'hôtel particulier de Moïse de Camondo, aujourd'hui musée Nissim de Camondo et le Salon Madame au château de Champs-sur-Marne. Après la seconde guerre mondiale, la Société Tricotel s'est rapprochée d'une entreprise dérivant aussi du commerce du Bois, fondée en 1859 par M. Lemaire, un cousin d'Alphonse-Charles. L'entreprise Tricotel abandonne alors ses activités de clôture pour se consacrer exclusivement au treillage décoratif tandis que Lemaire développe la clôture et la protection périmétrique. **** Notes et sources : [1] Tricotel, l'Art du treillage depuis 1848, Tricotel-Lemaire éd. 2010. [2] Revue contemporaine (Paris) 1855. [3] Revue de l'exposition universelle : les merveilles de la civilisation. Série 2; 1855-1856. [4] La Propagation industrielle : revue des arts et des manufactures, 14 décembre 1867. [5] Dictionnaire raisonné d'architecture et des sciences et des arts qui s'y rattachent. T. 4, Pontceau-Zotheca, Firmin-Didot (Paris) 1877-1880. [6] Alphonse-Charles Tricotel est membre de la Société zoologique d'acclimatation (Bulletins de la Société, 1860 et suivants). [7] Eugène Lacroix, Portefeuille des conducteurs des ponts et chaussées et des garde-mines, Organe du Syndicat des ingénieurs des travaux publics de l'Etat et des collectivités territoriales (France), 1870-02. [8] Eugène Lacroix, Nouvelle technologie des arts et métiers des manufactures, des mines, de l'agriculture etc. Volume 3,Tome 6, E. Lacroix (Paris) 1872. [9] Journal officiel de la République française, 22 février 1871. [10] Journal des débats politiques et littéraires, La Presse, Le Temps, 21 février 1863 et 15 septembre 1870. [11] Annuaire général du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration..., Firmin-Didot frères (Paris) 1854 - 1864. - Almanach des fabricants de Paris et du département, A. Cambon (Paris) 1873. [12] Liste générale, par rues, du personnel du bâtiment: extrait et résumé des professions comprises dans l'Annuaire du bâtiment, des travaux publics et des arts industriels. E. Sageret [les deux éditions consultées, 1866 et 1869] Bureau de l'Annuaire, Paris. [13] Recueil des actes administratifs de la Préfecture du département de la Seine, 1863. [14] ibid., 1876. [15] Sur son acte de décès enregistré à la mairie du 8e arr. de Paris, il est encore qualifié d'architecte. [16] Etat des communes à la fin du XIXe siècle. Asnières - notice historique et renseignements administratifs, 1902. C'est désormais une paroisse de Bécon. [17] Documentation Lemaire-Tricotel.
Société d'Histoire du Vésinet, 2016 - www.histoire-vesinet.org |