Texte anonyme de la fin du XIXe siècle

Louis XIV délaisse le bois du Vésinet ...

    ...et fait construire la machine de Marly

En 1650, Portail, le seigneur de Chatou, fait construire le pont de bois sur l'île et reliant le territoire de Nanterre. La même année, le seigneur de La Borde, Antoine Dodieu, fait élever une chapelle et un caveau à ses ancêtres dans l'église de Montesson, laquelle paroisse dépend la seigneurie de La Borde. Montesson n'avait pas eu de seigneurie spéciale jusqu'à Louis XIV. Le besoin s'en faisait, paraît-il, vivement sentir et, faute de mieux, le roi fit sa nourrice, Mme Ancelin, seigneur du lieu.
La fondation d'un nouveau pèlerinage, autorisé en 1652, dans la forêt de Saint-Germain, par le pape Innocent X, va amener pendant de longues année dans la forêt du Vésinet, une affluence considérable de curieux plus encore que de dévots. C'est la fête et le pèlerinage des Loges qui se célèbre le 30 août. On va s'y rendre à pied, en carrosse, à cheval, de Paris, par la grande route de Chatou, pendant deux cents ans, jusqu'au jour où le chemin de fer viendra supprimer tout le pittoresque de cette fête.

M. de Beaumont remplaça, en 1654, le duc de Saint-Simon dans le gouvernement de la capitainerie de Saint-Germain. Il conserva ce poste jusqu'en 1660, époque où il fut assassiné, par vengeance, par deux gentilshommes qui se sauvèrent en Angleterre.
Le seigneur de Croissy, vers ce temps, 1655, était François de Patrocles, écuyer de la reine. Il obtint du roi le droit de clore une partie des bois de certains arpents de la forêt, quoique ne lui appartenant pas, afin de se garantir des fauves de la forêt royale mais cette autorisation ne fut pas mise à exécution. Les habitants des communes voisines de la forêt, ainsi que les seigneurs, se plaignaient sans cesse des dégâts commis par les gibiers du roi. Un arrêt du Conseil du 26 janvier 1664, ordonne que le bois du Vésinet soit visité par le grand-maître des Eaux et Forêts et qu'un rapport touchant l'état des bois et des gibiers lui soit remis. En 1665, M. de La Rose était maître particulier. La forêt était à cette époque affermée pour 6.000 livres. Bien qu'on n'eût pas le droit de troubler la jouissance du locataire, il fut décidé, après rapport du grand-maître, que les lapins seraient détruits et que les bois seraient recépés et replantés. Mais cet arrêt ne fut pas exécuté, probablement devant les réclamations du fermier, ou il fut différé. Quelques années plus tard, en 1669, Louis XIV modifia l'ordonnance du bon roi Henri IV concernant la chasse et supprima l'application de la peine de mort. En 1677, une déclaration du roi, du 6 novembre, et un arrêt du Conseil du 27 du même mois, condamnent les habitants de Montesson, qui réclament encore leurs droits de pâture dans l'île de Chatou, à payer 1225 livres pour être maintenus dans leur possession. Ces titres rappellent également les droits de pacage dans la forêt du Vésinet lorsque les taillis sont arrivés à leur quinte feuille.

Louis XIV, roi de France et de Navarre

Le bois du Vésinet vit aussi, à la même époque, un promeneur presque quotidien dans le célèbre abbé de Vertot [1] qui était curé de Croissy et aimait se recueillir dans le bois du Vésinet c'est là qu'il élabora le plan de son Histoire de la conjuration de Portugal.

Le Mercure du mois de juillet 1679 rapporte l'histoire d'une course extraordinaire qui fut faite en présence du roi et de la reine, le 16 juillet du pont d'Aupec jusqu'à la maison de La Borde. Cette course eut lieu entre un Français et un Anglais, et comprenait dans cette distance un parcours d'une lieue et demie dans la garenne du Vésinet. Ce fut le Français qui devança l'Anglais de cinquante pas. Louis XIV, qui venait de faire donner tous ses soins à Marly en y établissant la machine élévatoire, ne se préoccupait pas outre mesure de la perturbation qu'il allait jeter dans la navigation du fleuve en barrant, pour son plaisir et l'agrément de ses maîtresses, le principal bras de la Seine.
Le bras droit qui bordait les terres de la forêt du Vésinet n'était, à proprement parler, qu'un canal étroit que le fleuve s'était creusé dans les sinuosités du terrain à une époque éloignée. On dut donc penser à en rendre la navigation facile et, à ce sujet, l'État acheta en 1682, le 27 juin, au seigneur de Croissy, Patrocles, une grande pièce de pré le long du rivage, et tenant d'un coté au mur du prieuré de Croissy et aboutissant à l'autre bout à la séparation de la garenne du Vésinet. La surface de cette langue de terre était de 26 arpents 28 perches et demie, plus 12 perches et demie de pré dans l'île Montant-à-la-Vache. En même temps, Patrocles cédait le droit de gord [2] et de moulin au lieu dit Mauport qui existait encore et se trouvait sur cette langue de terrain. [Le journal de Dangeau mentionne quelques passages du roi pour la chasse, dans le bois du Vésinet.]

« Vue de la fameuse machine de Marly »

qui élève l'eau de la Seyne sur 535 pieds de haut servant à faire jouer les fontaines du Palai Royal de Versailles et de Marly

faisant l'admiration de toutes les nations de l'Univers, et qui à répendu par toute la terre la Magnificence du nom et de la Gloire de LOUIS LE GRAND

Roy très chrétien de France et de Navarre qui la fit construire

Le gouvernement de la forêt de Saint-Germain et de celles de Marly et du Vésinet, qui en dépendaient sous Louis XIV, se composait d'un grand-maître, d'un maître particulier, d'un lieutenant, d'un procureur, d'un inspecteur, d'un garde-marteau [3], d'un greffier, d'un arpenteur. Le trésorier des chasses payait les gages et avait au-dessous de lui un lieutenant, un sous-lieutenant, un procureur, un greffier, deux rachasseurs (rabatteurs), douze gardes à cheval, vingt-quatre à pied. En 1681, par brevet en date du 19 juin, le roi créa un inspecteur général. Le manuscrit d'Antoine dit que, sous Louis XIV, la forêt de Saint-Germain avait 5.719 arpents, celle de Marly 2.000 et celle du Vésinet 1.009 arpents.

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    Notes (shv):

    [1] René-Aubert de Vertot (1655-1735) Abbé et écrivain. Littérateur talentueux "au style aisé et élégant" mais historien médiocre, d'abord capucin puis chanoine prémontré il fut successivement prieur de Joyenval puis curé de Croissy-la-Garenne [aujourd'hui Croissy-sur-Seine]. Il avait obtenu la charge de secrétaire des commandements de la duchesse d'Orléans, avec un revenu considérable et un logement au Palais-Royal. Membre de l'Académie des Inscriptions en 1703, auteur de plusieurs ouvrages historiques : Histoire des révolutions du Portugal (1689), Histoire des révolutions de Suède (1695), Histoire des révolutions arrivées dans le gouvernement de la République romaine (1719), etc.

    [2] Droit d'installer un piège à poissons (pêcherie formée d'une double rangée de perches en angle, au fond d'une rivière, fermée par un filet).

    [3] La fonction de garde-marteau a été créée en 1583 par Henri III. L'Ordonnance de Colbert sur les Eaux-et-Forêts en précise les obligations : Officier établi dans chaque maitrise particulière des eaux & forêts, pour garder le marteau avec lequel on marque le bois que l'on doit couper dans les forêts du roi ou les bois réservés à la marine. Il doit vaquer en personne au martelage, et ne peut confier son marteau à personne. Il assiste aux visites des grands-maîtres et des maîtres particuliers.


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