Témoignages de Martine de Rabaudy

Pierre Hamp, mon grand-père

Pierre HampMon grand-père habitait Le Vésinet et j'y habitais aussi. J'avais 14 ans quand il est mort. Je peux témoigner qu'il "bougeait" tout le temps, oui, c'était un homme toujours en rébellion. Il "bougeait" beaucoup et jusqu'à la fin, il partait en voyage, allait et venait. Je suis sûre et certaine qu'il est allé sur place, à Donzère-Mondragon. Je m'en souviens puisqu'il me l'a raconté.
II est mort à 87 ans, foudroyé par un cancer qui l'a emporté en trois mois. Jusqu'à l'âge de 86 ans, il nageait dans la rivière derrière chez lui. Il avait cette force qui lui donnait l'air d'avoir trente ans de moins que son âge, ce qui arrive pour certaines personnes.[...] Pierre Hamp a eu cette chance d'avoir une construction physique et mentale exceptionnelle pour avoir résisté dans son enfance à tout ce à quoi il a résisté. Il avait une volonté d'acier et un caractère de chien. Il pouvait être très brutal, très dur mais très tendre avec nous, ses petits-enfants. Pour sa famille proche, c'était très dur. Il détestait le bruit: il fallait du silence dans la maison. Il s'enfermait des journées entières, dormait dans son bureau bibliothèque où il vivait complètement. Tout le monde était un peu terrorisé. Je suis certaine et j'en ai des souvenirs qu'il était toujours en voyage jusqu'à la fin de ses jours.

[...] Mon grand-père habitait chez ses livres. Il avait acquis cette maison du Vésinet, abritée par les pins, cernée de vérandas et ornée de treilles, en fonction d'eux. Ce qui emporta son choix, c'était cette vaste pièce au haut plafond dont la vocation initiale était d'être une salle de musique et qu'il envisagea, sur-le-champ, pour sa bibliothèque: des milliers de volumes, reliés dans de fines peaux de couleurs rouge, marine ou fauve, selon les siècles littéraires, et sur lesquelles était gravé au bas de chaque tranche son nom : Pierre Hamp. Mon frère et moi, trouvions à ce sanctuaire, enrobé d'obscurité, un aspect inquiétant de grotte mystérieuse. En effet, pour préserver la fraîcheur des reliures, il avait fait remplacer les vitres ordinaires des longues fenêtres par des vitraux multicolores qui tamisaient la lumière du jour. Seule encoche sur toute la surface murale de cet espace, une alcôve réservée à un lit étroit. Car il dormait comme il travaillait, là, dans l'inséparable compagnie de ses livres.

Villa des Pins
9, route du Grand Pont au Vésinet
photographiée par Jean Lattes.

Extraits de "Pierre Hamp, Inspecteur du travail et écrivain humaniste, 1876-1962" Ouvrage collectif coordonné par Dominique Guyot, Collection Mémoires du Travail, L'Harmattan, Paris 2005.


Société d'Histoire du Vésinet, 2006 - www.histoire-vesinet.org