Née Jeanne Perrinot à Paris, 10ème arrondissement,
le 21 février 1900, fille de Augustine Marguerite Perrinot et de père
non dénommé [1].
Après avoir confectionné des fleurs artificielles dans une fabrique
parisienne, elle se lance dans le music-hall, sous le nom de Jeanne
Aubert. Elle débute en 1920 dans la revue Miousic au Vaudeville
puis enchaîne avec La Reine ardente au théâtre de l'ABC.
La même année elle tient un second rôle dans Être aimé pour soi-même,
film de Robert Péguy, avec Paul Amiot (film muet). On peut la voir ensuite
dans les revues des principaux cabarets parisiens: C'est de la Folie (Folies-Bergère,
1921), En douce (Casino de Paris, 1922), Toute nue (Concert
Mayol, 1924).
En 1925, au Concert Mayol, dans la revue Très excitante de Varna,
Lelièvre et Rouvray, elle crée une chanson qui la fera connaître du tout
Paris: Si, par hasard, tu vois ma tante.
Devenant une vedette, elle se construit un personnage, elle se rajeunit
de six ans [2], s'attribue
des origines romantiques : un père aristocrate, une mère marchande de
fleurs, une enfance d'artiste précoce, montée sur scène à 5 ans. Et elle
se lance dans une carrière internationale. De novembre 1926 à avril 1927
(175 représentations), elle est en vedette au Winter Garden Theatre à New
York, dans une comédie musicale intitulée Gay Paree d'Alberta
Nichols, Mann Holiner, Maurie Rubens, J. Fred Coots et Clifford Grey.
(Elle parle et chante en anglais). La même année, elle paraît au Moulin-Rouge
dans la revue Paris aux Étoiles, revue dont font partie Johnny
Hudgins et le Symphonic Jazz de Fred Mele avec ses 32 solistes. Dans cette
revue "américaine", elle chante en anglais sous le nom de Jane
Aubert [prononcez djène aouberte].
Jane, qui redevient Jeanne [à Broadway,
le prénom français est plus exotique] réapparaît à New
York où elle est, dès septembre 1927, dans la distribution de Good
News de Sigmund Romberg, Edward Childs Carpenter et Irving Caesar.
Le spectacle qui connaît un triomphe, reste à l'affiche - au New York
Chanin's 46th Street Theater - du 6 septembre 1927 jusqu'à la fin
de décembre 1929, pour plus de 500 représentations.
Jeanne Aubert, a french beauty
on Broadway
Princess Charming du
13 octobre au 29 novembre 1930, America's Sweetheart du
10 février au 6 juin 1931, The Laugh Parade du
2 novembre 1931 au 21 mai 1932, Ballyoo du
6 septembre au 26 novembre 1932, Melody du
14 février au 22 avril 1930
Dans une brève biographie, trouvée
dans un coffret comprenant des chansons de l'entre deux guerres,
elle est citée comme : une fantaisiste irrésistible, comédienne
aux multiples ressources au théâtre, vedette au cinéma, chanteuse à la
voix pure comme l'eau de source elle fit également une brillante
carrière sur les scènes américaines.
Cliché Musée des arts & traditions
populaires.
En 1928, Jeanne elle, est de retour à Paris
où elle tourne son "premier" film en vedette. C'est La
Possession, une réalisation de Léonce Perret d'après une pièce
de Henri Bataille. On dit que le fils héritier du "roi du corned
beef", l'américain, Nelson
Morris jr, visionna le film 52 fois avant de se décider à la
rencontrer, à lui faire la cour et puis finalement l'épouser. Le mariage est célébré à la mairie du Vésinet le 10 octobre 1928. Morris
couvre sa jeune épouse de présents [parmi lesquels, peut-être, la villa du Vésinet dite Les
Tourelles] mais il exige qu'elle mette un terme à sa carrière.
Peut être croyait-il qu'une actrice de film muet n'avait pas son mot à dire
? Grave erreur ! Jeanne refuse et finit par demander le divorce. Il
sera prononcé en 1933 au terme d'une bataille juridique longue et onéreuse [3].
En attendant, Jeanne tente de reproduire le succès de Good News à Paris,
avec Bonne Nouvelle adaptation d'Albert Willemetz, dirigée par
Henri Varna. Malgré de bonnes critiques, le succès est mitigé. En mars
1930, le spectacle est arrêté. Aussi c'est à Broadway que Jeanne poursuit
sa carrière où elle enchaîne les succès: Princess Charming d'Albert
Sirmay, Arthur Swartz et Arthur Swanstrom, du 13 octobre au 29 novembre
1930, à l'Imperial Theatre puis America's Sweetheart de Rodgers & Hart
et Herbert Fields, du 10 février au 6 juin 1931 au Broadhurst Theatre; The
Laugh Parade d'Harry Warren, Ed Wynn, Ed Preble, Mort Dixon et Joe
Young, du 2 novembre 1931 au 21 mai 1932; Ballyhoo of 1932 de
Norman B. Anthony, Sig Herzig, E.Y. Harburg et Lewis E. Genslerde [Au
côté de Bob Hope] du 6 septembre au 26 novembre
1932. Enfin, Melody de Sigmund Romberg, Edward Childs Carpenter
et Irving Caesar - [Au côté de Gypsy
Rose Lee] au Casino Theatre, du 14 février au 22
avril 1933.
En 1934, délaissant les planches elle se trourne vers le cinéma. A Hollywood,
elle tourne deux films musicaux en vedette: The Gem of the Ocean de
Roy Mack, un court-métrage de 20 minutes et un certain Mysterious
Kiss dont il ne reste que des cartes postales publicitaires.
Mais c'est en France, l'année suivante que sa carrière cinématographique
va vraiment commencer. Elle enchaîne six longs métrages: Les époux
scandaleux de Georges Lacombe (1935), Une femme qui se partage de
Maurice Cammage (1936), La souris bleue de Pierre-Jean Ducis avec
Henri Garat (1936), Passé à vendre de René Pujol (1936), Le
grand refrain de Robert Siodmak (1936) et À nous deux, madame
la vie de René Guissart et Yves Mirande (1936).
Jeanne Aubert, chanteuse à succès
Ses ritournelles se fredonnent partout: Je t'aime, c'est tout; Lettre de rupture; c'est une petite étoile;
si tu reviens; mieux que personne; la vie commence avec l'amour,
qu'as-tu fait de ma vie... "Histoire d'amour et Lettre de rupture deux
charmantes chansons de Rosemonde Gérard et Tiarko Richepin. La
première surtout est délicieuse et Jeanne Aubert la chante à ravir
[dit la critique]; la voix est très agréable, mais la diction laisse
un peu à désirer. N'oubliez pas Mademoiselle, que l'on ne vous
voit pas! Il faut donc que l'on comprenne bien! C'est la première
qualité que l'on demande aux artistes du disque".
En même temps, elle s'essaye au tour
de chant, à l'ABC où elle crée C'est une petite étoile et à Bobino
où Solitude, Je t'aime c'est tout et Histoire d'amour remportent
de francs succès. Les "78 tours" et les "petits formats" s'arrachent...
Entre deux tournages, elle voyage aussi beaucoup, créant à Londres, la
version britannique de la comédie musicale de Cole Porter, Anything
Goes (235 représentations à partir du 14 juin 1935) ou encore en
donnant des récitals en Belgique, en Italie, en Suisse...
Sur la scène du théâtre des Nouveautés, elle joue dans diverses revues
de Rip et Albert Willemetz: Sur la Commode (1937), Ici Paris,
Tout va bien aux côtés de Marguerite Moreno (1938), Entre nous,
avec André Luguet (1939). Elle joue également aux Folies-Bergère dans Madame
la Folie avec le comique Dandy (1938) et aux Bouffes-Parisiens dans Boléro (1941),
sans abandonner pour autant le cinéma pour lequel elle tourne Mirages d'Alexandre
Ryder (1937) et La belle de Montparnasse de Maurice Cammage (1937).
En 1942, au théâtre Mogador elle est La Veuve joyeuse de Franz
Lehar, dans une mise en scène d'Henri Varna, aux côtés de Jacques Jansen.
Le spectacle sera donné plus de 600 fois.
Jeanne Aubert dans La Veuve joyeuse
(1942)
Jacques Jansen, son partenaire, se souvient: "De
toutes les Veuves que j'ai tenues dans mes bras, je dois un
souvenir particulier à Jeanne Aubert. La voix n'était peut-être
pas de qualité
supérieure à celle des autres interprètes, mais elle était sur
scène incomparable."
Après 1945, elle se produit à l'ABC dans Tout
pour elle, puis Le prince endormi avec Pierre Blanchard, Court
circuit, Adorable Julia avec Madeleine Robinson, Saison d'amour,
Les hommes préfèrent les blondes…
Ensuite ses apparitions se font plus rares. A cette époque,
Jeanne Aubert qui a conservé au Vésinet sa superbe villa, Les Tourelles, à l'angle
de l'allée d'Isly et de l'avenue Georges-Clémenceau, entretient une liaison
avec Olympe II Hériot, le fils du célèbre Commandant
Hériot qui fit construire au Vésinet la somptueuse villa dont
il ne reste qu'un nom de rue, et qui fit don à la ville d'un kiosque à musique.
Olympe II Hériot devait décéder au domicile parisien de la chanteuse,
au 19 rue de Presbourg Square Moncey le 10 novembre 1953. Il avait
66 ans.
La maison de Jeanne Aubert
La villa Les Tourelles, à l'angle de l'allée
d'Isly et de l'avenue Georges-Clemenceau, au Vésinet. C'est une
des plus belles maisons de la ville: "Maison, communs,
clôture bâtis vers 1870. Demeure recouverte d'enduit de plan
carré cantonnée au niveau de la couverture de 4 toits en pavillon.
Décor stucqué très soigné". AP
140.
Après dix ans d'absence, en 1957, elle
est de nouveau à l'affiche au cinéma dans un film de Marc Allégret,
L'amour est en jeu, film qui sera suivi la même année de Sénéchal
le magnifique de Jean Boyer et de Les croulants se portent bien du
même en 1961, de Les ennemis d'Edouard Molinaro en 1962 et de Un
monde nouveau de Vittorio De Sica en 1966. Entre temps, elle a été en
1965, au théâtre du Gymnase, de la distribution de Après la chûte d'Arthur
Miller traduit par Henri Robillot et mise en scène par Luchino Visconti.
Dans les années ‘70 elle apparaît encore dans de petits rôles dans des
séries télévisées Les Saintes chéries, Madame êtes-vous libre
?
Et puis finalement, le rideau tombe. Dans une maison de retraite de Coubert,
en Seine et Marne, elle meurt le 6 mars 1988, peu après ce que tout le
monde croyait être son 82e anniversaire, et qui était en réalité le 88e
[4]. Ses cendres reposent
depuis au cimetière de Pantin.
Si on a surtout retenu de Jeanne Aubert
son talent de chanteuse, c'est l'occasion de rappeler ici qu'elle avait
beaucoup d'autres cordes à son arc. A ses débuts qu'elle s'est efforcée
de faire oublier, c'est surtout sa plastique qui fut mise en valeur.
Et ses premiers succès cinématographiques furent obtenus dans des films
muets. Elle fut, grâce à un beau brin de voix une des rares vedettes
de cette époque à franchir la terrible épreuve du cinéma parlant.
Naturellement douée pour la chanson, elle n'a guère eu le temps d'acquérir
une solide expérience académique de l'art lyrique. Et comme le faisait
remarquer Jacques Jansen, son partenaire dans l'unique expérience "classique" de
sa carrière : De toutes les veuves [joyeuses] que j'ai tenues
dans mes bras, je dois un souvenir particulier à Jeanne Aubert. La voix
n'était peut-être pas de qualité supérieure à celle des autres interprètes,
mais elle était sur scène incomparable. C'est ce talent dramatique
qui soutiendra son parcours au cinéma où ses rôles musicaux sont rares,
et qui lui permettra de rebondir lorsque, la cinquantaine passée, la
voix lui fera défaut.
[1]
Archives de Paris, 5Mi 3 2010
[2]
Date de naissance sur son passeport pour les Etas-Unis (21 février
1906), erreur ou falsification ?
[3] Journal de Droit International, T57, 1931 et T59, 1933.
[4]
Extrait de décès n° AC/14436/16
Société d'Histoire du
Vésinet, 2007 - www.histoire-vesinet.org