Histoire du Vésinet, histoire de la Forêt La Maison du Garde Parmi tous les récits qui font la légende de notre forêt, celui-ci figure en bonne place : Louis XV, comme les rois précédents, venait chasser dans les bois du Vésinet. Un jour que ce prince y avait couru le daim par une chaleur excessive, il s'arrêta chez son garde général Lacoste [La Coste, se prononce La Côte, on trouve plusieurs orthographes]. Après avoir bu deux coupes d'un petit vin du cru, qui lui plaisait fort, comme il connaissait le caractère jovial de son hôte, il lui demanda ce qu'il y avait de nouveau dans le Pecq : "Ma foi, sire, répondit le garde, un nouveau Louis XV y est né hier". Le roi, frappé de cette réponse inattendue, en demanda l'explication. La femme d'un négociant, répond le garde, est accouchée de son quinzième garçon, qui s'appelle Louis, comme son père. Le roi sourit et voulut connaître le père d'une si nombreuse famille. Il demanda donc qu'on le lui présentât, à la fin de la chasse. Ce négociant, nommé Grare, s'empressa de répondre à l'appel de son souverain; il en reçut l'accueil le plus bienveillant au milieu de toute la cour étonnée. Le roi le fit exempter de tous droits de taille et d'impôts de toute nature et prit sous sa protection royale l'enfant qui portait son nom. Il remercia ensuite son garde général de lui avoir procuré l'occasion de ce bienfait, et lui accorda comme récompense l'autorisation de faire construire dans la forêt du Vésinet un bâtiment nouveau pour agrandir sa résidence. Cette histoire trouve sa source d'un récit d'Alphonse Rolot [1] repris par Labédollière [2]. Les documents d'archive confirment que le roi a bien autorisé, en 1764, le sieur de La Cotte, son garde général à engager 2850 livres dans les travaux de sa maison du Vézinet. [3] Sous Richelieu, elle est décrite comme une petite maison en chaume, avec un jardin clos de grandes aubépines, qui s'étendait au devant de la maison. Au delà était une prairie qui allait jusqu'à la Seine. On pourrait dater son origine à avril 1633, lorsque Jean Sadron fut nommé « ci-devant garde pour le roi en la garenne du Vésinet ». Il était frère de Georges Sadron, alors garde des plaisirs du roi à Saint-Germain-en-Laye. Dans la soirée du 5 de ce mois le tonnerre tomba sur la maison de M. Rolot, garde de la forêt du Vésinet. Après avoir brûlé toutes les vitres, ébranlé le chambranle de la cheminée, et fait sortir de sa place le linteau de la porte de la chambre où se trouvoient la dame Rolot et un enfant, la foudre s'élança sur des casseroles en cuivre, suspendues le long du mur, les perça toutes de part en part et se dirigea ensuite sur l'épouse du sieur Rolot qu'elle renversa. La matière fulminante atteignit d'abord cette dame à la tête lui brûla légèrement l'épaule droite et s'introduisant ensuite entre sa chemise et la peau, elle descendit le long du ventre, des cuisses et des pieds qu'elle brûla également, et gagna de là des cordons de sonnettes qui lui servirent de conducteur mais une solution de continuité occasionnée par une ficelle destinée à les allonger, empêcha la foudre d'aller plus loin, et de pénétrer dans d'autres pièces où elle eut pu causer encore beaucoup de dégâts. L'enfant qui était dans la chambre fut aussi renversé et eut la cuisse brûlée. Ce qu'il y a de singulier c'est que ni la chemise ni aucun des vêtemens de la dame Rolot n'ont été brulés; mais elle avait la figure sillonnée de longues taches bleues, assez semblables à des veines. Cette dame a reçu dans sa chute une forte contusion à la tête et comme cette partie du corps a été la première atteinte de la foudre, on redoutait des accidens de la gangrène, par la raison que tout être organise frappé de la foudre est exposé à une dissolution complète et subite mais l'habiteté du médecin qui l'a traitée, et les précautions qu'il a prises, ont tout-à-fait éloigné ce danger. La commotion, la frayeur, les douleurs occasionnées par ses brûlures, ont rendu Mad. Rolot très malade ; on a même craint une attaque de paralysie; cependant ces craintes sont entièrement dissipées et on espère qu'elle sera parfaitement rétablie. Dans les fiches de l'inventaire du Pecq (85.78.52 X) la Maison du Garde est dite "située au bord de l'actuelle route de Sartrouville sur la commune du Pecq". C'est inexact.
En se reportant à la Section B du Vésinet (Commune du Pecq) du plan cadastral napoléonien de 1820, on peut noter la parfaite similitude entre le plan de la Maison du Garde tiré de l'Atlas matrice des domaines de la couronne (ci-dessus) et le domaine dit Le Petit Vésinet. Il n'est pas situé en bordure de la route dite de Sartrouville au Pecq (notre route de Sartrouville) mais à gauche d'une autre voie partant de la Place Royale, un chemin suivant la limite de la forêt dit chemin de la Borde, qui correspond à l'actuelle route de la Passerelle, à quatre cents mètres du centre de la Place. Plan cadastral napoléonien (1820) Le Pecq, Section B, Le Vésinet. Le groupe de bâtiments désigné sous le nom de "Petit Vésinet" est encadré.
Plan cadastral napoléonien (1820) Le Pecq, Section B, Le Vésinet (détail). Agrandissement du "Petit Vésinet". On dénombre trois corps de bâtiments, un puits et trois parcelles encloses de murs. On retrouve le même petit groupe de bâtiments moins précisément représenté mais parfaitement localisé sur la carte de 1787 dite Plan de la paroisse du Port au Pecq. ("Le présent plan et arpentage fait en vertu de l'ordonnance de Monseigneur l'intendant de la Généralité de Paris en datte du trente may dernier lequel je certifie sincère et véritable et conforme à notre procès-verbal du... octobre 1787 - Devert") sur le site des archives départementales des Yvelines. Non loin de là était le lieu du chêne de Roland, dit la légende. A cette époque [XVIIe siècle], il ne restait plus que la souche de cet arbre. Elle formait, presque à fleur de terre, comme une table, dans les fissures de laquelle croissaient des mousses et des joubarbes. A l'entour s'étendait une petite clairière toute semée de thym et d'argentine. Dans un fourré, on voit encore une grosse pierre qu'on appelle la Table de la Trahison. C'est en raison cette légende de la trahison de Ganelon, qui soit dit en passant n'a pas de fondement historique, que M. Robert (des guides Robert) avait appelé son habitation du n°4 route de la Passerelle "Villa Roland". Il précise dans son ouvrage qu'elle "est construite à l'emplacement des dépendances de l'ancienne maison de garde, dont il subsiste encore une partie, de même que le vieux puits, aussi ancien". Une photographie (ci-dessous) publiée dans l'édition de 1904 du Guide la représente et permet de la situer par rapport à la Passerelle qui portait, du reste, le nom de Passerelle du Garde jusques dans les années 1930. La villa Roland, de M. Robert Le Vésinet illustré et ses environs - Albums Guides Robert, Paris, 1902-1904. "Elle est construite à l'emplacement des dépendances de l'ancienne maison de garde, dont il subsiste encore une partie, de même que le vieux puits, aussi ancien".
Cette maison existe toujours à la même adresse et n'a subi que peu de transformations. Plan général indiquant le lotissement du parc du Vésinet Le groupe de bâtiments correspondant au Petit Vésinet peut être localisé dans la parcelle marquée d'une croix. Elle se situe dans l'îlot n°1 du lotissement général, et pourrait constituer les lots 10, 11, 12 et 13 qui ne sont pas proposés à la vente et dont la contenance en mètres carrés n'est pas indiquée. A titre de comparaison, le lot 14 du même îlot compte 3211 m².
**** Notes et sources: [1] Rolot, A. & de Sivry. – Précis historique de St Germain en Laye, Beau éd., 1848. [2] Labédollière, E. (de). – St Germain-en-Laye, sa forêt et ses environs, Editions du Bastion, Paris, 1861. [3] Alphonse Rolot, auteur du Précis historique mentionné, est le fils de Etienne Rolot et sa femme née La Cote, victimes de la foudre en 1807 (voir plus bas) et petit-fils du garde général Lacoste cité par Labédollière. A noter que Etienne Rolot est mort au Pavillon du Rendez-vous, autre maison de garde située à côté de l'Etoile royale, actuel rond-point dit du Cerf. La maison porte toujours ce nom. [4] Arago, F. – Œuvres complètes, Tome IV, Gide, Paris 1809. La date du 5 avril semble erronée, les autres sources plus anciennes donnant le 5 mai. [5] Peignot, G. – Essai chronologique sur les hivers rigoureux et sur les effets les plus singuliers de la foudre. Dijon, 1821. [6] Journal de l’Empire, 23 mai 1807. [5] Robert M. – Le Vésinet illustré et ses environs - Albums Guides Robert, Paris, 1902-1904.
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