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Roland Toutain au Vésinet

Dans un long article paru dans Cinémonde en 1938 [1], Roland Toutain évoque sa jeunesse, ses parents, ses débuts de casse-cou et son entrée tardive dans le milieu du Cinéma. Si ses prouesses d'acrobate, de cascadeur, et d'acteur sont abondamment documentées, les efforts qu'il déploie pour évoquer ses parents, ses souvenirs de jeunesse, sont plus laborieux, incertains voire démentis par les faits et les documents.
Quelle réalité peut avoir l'évocation de son père « grand gaillard Normand, jovial, amateur de cidre, éleveur de chevaux de course, propriétaire d'un vaste domaine à Pont-Audemer », mort selon lui quand il avait 12 ans ? Ce père qui le jeta, lui, le petit Roland, dans un lac du Vésinet quand il avait « à peine deux ans » ici ou « trois ans et quelque » ailleurs.
Ce père, Alfred Auguste Toutain, né en 1877 à Falaise de père inconnu, est un modeste employé lors de son mariage en 1902 avec une jeune parisienne de 19 ans, Marguerite Ricciardi, elle aussi née de père inconnu, supposément d'origine Corse et « acrobate intrépide ». Le couple habite alors Paris, 35 rue de Londres, la même adresse qu'à la naissance de leurs deux premiers enfants en 1904 et 1905. Il en aura quatre dont trois mourront en très bas âge (ce qui confère une couleur particulièrement sombre à l'anecdote du bain forcé !).
En 1913, le 3 septembre, naissent au Vésinet, Marcel et Andrée Toutain (deux jumeaux) tandis que la famille réside au 52 avenue du Belloy, une modeste maison probablement louée. Le père, voyageur de commerce, est absent. Les deux nouveaux nés mourront les mois suivants, à quelques semaines d'intervalle, toujours à la même adresse.[2]

« Un de mes arrière-grand-pères était mongol ce qui prouve que, même sous le rapport des ancêtres,

je ne peux pas être comme tout le monde. C’est aussi ce qui explique mon faciès quelque peu asiatique »
... un de ceux qui ne figurent pas dans son état civil ... peut-être.

En 1927, le divorce prononcé, Alfred Toutain ira vivre à Marseille jusqu'à sa mort un an plus tard, à l'hôpital de la Conception, dans le quartier de la Timone. On notera au passage que Roland a alors 23 ans, dix de plus que dans ses Souvenirs !
Quelle est donc cette « propriété du Vésinet » que la mère de Roland dût vendre après la guerre ? Cela reste à découvrir. S'il existe plusieurs foyers Toutain au Vésinet dans ce début de XXe siècle, aucune ne semble reliée à celle de notre Roland mythomane ou à ses parents. L'origine corse de sa mère semble avérée. Née à Paris en 1885, d'une mère célibataire de 23 ans originaire de Port-Louis (Morbihan), reniée par un grand-père (Pierre Lucca Ricciardi) né à Bastia en 1822, officier d'infanterie, chevalier de la Légion d'Honneur.

Le Grand Lac vers 1908

Collection particulière

En 1951, alors que sa carrière cinématographique est déjà déclinante, qu'il doit passer toujours plus de temps dans sa maison d'Argenteuil pour soigner les séquelles de ses nombreux accidents, il écrit un livre de mémoires Mes quatre-cents coups [2]. La couverture annonce une double préface de Jean Cocteau et Joseph Kessel. Deux témoignages de la générosité, de la folle inconscience d'un ami de toujours, mais une certaine distance vis à vis de l'œuvre littéraire préfacée. « Je ne sais pas ce que tu racontes dans ton livre, écrit Cocteau, mais j'imagine mal une chose de toi qui n'aurait ni ailes, ni roues, ni rien de ce qui arrache l'homme à cette colle de la terre. »
La présence bondissante de Toutain sera attestée aussi, au Vésinet, lors des Congrès Osso, à la Villa Le Grand Lac, lieu de rencontre du Tout-Paris cinématographique.
Tant d'efforts pour être reconnu, aimé, admiré ... pour finir rongé par le cancer, amputé d'une jambe, presque oublié de tous, dans les bras de sa mère qui vivra 100 ans.[3]

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[1] Ma vie de baton de chaise. Cinémonde (Paris) 25 août 1938.

[2] Une grande sœur de Roland, prénommée Rolande, née et morte à Paris en 1904, n'avait survécu que 14 jours.

[2] Mes quatre-cents coups. Editions Amiot Dumont, Le livre contemporain 1951.

[3] Marié trois fois, divorcé trois fois, Roland Toutain n'aurait eu qu'un seul enfant, un fils, qu'il n'a jamais reconnu. Action! Cascades et cascadeurs à l’écran, de Vincent Perrot, Éditions Dreamland, 1999.

Société d'Histoire du Vésinet, 2023 • www.histoire-vesinet.org