Catalogue de l'exposition du centenaire de la naissance du Vésinet. Alain-Marie Foy, 1975.
Alphonse PALLU
Fondateur, directeur et maire du Vésinet
D'Alphonse Pallu, homme privé, on sait fort peu de choses.
La mort prématurée de sa première fille, Marie-Marguerite, à dix ans (1850-1860),
la disparition à 16 ans de sa seconde fille, Marguerite-Marie (1862-1879),
précédée par le décès à Melbourne de son fils aîné, Marie-Arthur âgé de
29 ans (1848-1877) sont les événements tristement connus de la vie familiale
du fondateur du Vésinet.
Les grandes étapes de sa carrière d'industriel et d'homme public se rappellent
aisément; son œuvre et ses idées sont encore présentes. Mais la biographie
exhaustive d Alphonse Pallu reste à établir. Né à Tours, le 20 juin 1808
mort au Vésinet le 4 novembre 1880, il traversa deux Empires, la Restauration,
la monarchie de Juillet, et deux Républiques. Il connut 1830, 1848 et
1870-71.
Que fut sa jeunesse ? Quelles études mena-t-il ? Quelles dispositions
manifesta-t-il ?
De quels moyens bénéficia-t-il pour fonder à 22 ans l'industrie nouvelle
en France de la céruse (carbonate de plomb employé en peinture) et du
minium (oxyde de plomb) à Portillon, près de Tours? Alphonse Pallu ne
le raconte pas. Comment, sans doute enhardi par sa première entreprise,
forma-t-il à 28 ans en 1836, avec le comte de Pontgibaud (Puy-de-Dôme)
une société pour l'exploitation des mines de plomb argentifère à Pontgibaud
et aux alentours ? Dans quelles conditions fut fondée, deux ans plus tard,
la société en commandite Alphonse Pallu & Cie dont il allait rester
le directeur-gérant pendant une vingtaine d'années? Alphonse Pallu ne
le raconte pas.
Jamais, d'ailleurs, il ne s'étendra sur les circonstances de ses entreprises
seule la relation de la chronologie lui semble digne d'être rapportée;
ainsi, dans une note qu'il avait publiée sur sa carrière administrative
et industrielle pour l'Exposition Universelle de 1878.
En 1849, Alphonse Pallu devint maire de
Pontgibaud, mais se démit de sa fonction des 1854, lorsque ses activités
se tournèrent vers Paris et Le Vésinet. Entre-temps, il avait été appelé
à siéger au Conseil général du Puy-de-Dôme que présida le duc de Morny.
Comment Pallu et Morny s'étaient-il liés ? Alphonse Pallu ne le raconte
pas davantage. Le duc avait-il remarqué l'industriel, amateur d'innovations
et tourné vers le progrès, l'administrateur apprécié de ses concitoyens?
Le Puy-de-Dôme "utile" n'était-il pas, finalement, très restreint?
Morny possédait des intérêts industriels dans la région de Clermont-Ferrand
et avait été élu, pour la première fois en 1842, député du Puy-de-Dôme,
puis avait été réélu.
Nous entrons maintenant dans la période où la vie d'Alphonse Pallu est
étroitement liée à l'histoire de la création du Vésinet. Alphonse Pallu
ne raconte pas comment il vint à s'intéresser à cette œuvre. Directeur
de la Société des terrains du Vésinet en 1856, puis de la Société des
Eaux en 1860, président-fondateur de l'Union des Propriétaires du Vésinet
en 1867, maire de la commune toute nouvelle en 1875, révoqué en 1877 et
réinvesti peu après, Alphonse Pallu démissionnera en 1879 avant de s'éteindre
un an et demi plus tard.
Quel était l'homme ? Comment ses contemporains le voyaient-ils ?
Dans la note au ministre de l'Intérieur recommandant la candidature d'Alphonse
Pallu à la fonction de maire du Vésinet, le préfet de Seine-et-Oise indique
que c'est «un homme très intelligent et honorable; le trait distinctif
de son caractère est d'être éminemment autoritaire». On imagine mal
qu'un homme s'étant distingué avec un égal bonheur dans l'industrie ou
dans la chose publique n'aît été doué de telles qualités.
Lors de la cérémonie d'installation du premier Conseil Municipal du Vésinet
et de son premier maire, c'est ainsi que M. Moncharville (maire provisoire
délégué par le préfet pour mettre en place l'administration communale)
traça le portrait d'Alphonse Pallu. Ce dernier est habitué, dit-il "à
analyser les hommes à rechercher la synthèse de toutes choses".
Alphonse Pallu, ajouta l'orateur apportera dans l'exercice de sa fonction "l'esprit du travailleur, du chercheur et du philosophe pratique",
et "surtout cet esprit de conciliation qui [lui] a valu
tant de sympathie".
Le "philosophe pratique" se manifeste dans les écrits d'Alphonse
Pallu: La Souveraineté nationale et les réformes sociales,
et l'Education paternelle.
Dans la rubrique nécrologique du Libéral de Seine-et-Oise rendant
compte du décès d'Alphonse Pallu, le rédacteur précise qu'il était "trop
modeste et trop détaché des ambitions vulgaires", "profondément
et sincèrement libéral" qu'il "aimait la liberté et pratiquait
la tolérance". Enfin, la vie d'Alphonse Pallu "a été
un modèle de labeur, de droiture et d'honnêteté". C'était "un
homme de cœur, qui ne pouvait pas avoir d'ennemi".
Comment Alphonse Pallu se voyait-il ? Quel était son Credo ? Il se livre
tout entier en 1871, dans la conclusion de son essai sur La Souveraineté
nationale et les réformes sociales, écrit après la chute du Second Empire
et au lendemain de la Commune: "Je n'ai jamais été et je ne serai
jamais d'aucun parti. J'ai été toute ma vie et je mourrai homme de liberté,
de vérité, attendant tout de la libre discussion et du progrès des mœurs,
j'ai toujours respecté les gouvernements existants avec l'espoir de les
voir opérer les réformes qui les auraient fait accepter et les auraient
fait durer par la force de l'habitude, car j'ai horreur de la révolte
; cela m'a toujours suffi. Je n'ai aucune ambition, je ne prétends à rien,
je n'ai qu'une passion dans l'âme, l'amour ardent de mon Pays, la foi
dans sa vitalité et dans son avenir malgré ses malheurs, malgré les calomnies
dont on l'accable".
Tel fut Alphonse Pallu, qui pouvait indiquer
sous son nom "Fondateur-Directeur et Maire du Vésinet (Seine-et-Oise)".