Journal Officiel de la République française. Débats parlementaires. Chambre des députés, Séance du 26 janvier 1899 [1] – Illustrations complémentaires, fonds SHV. L'Asile National du Vésinet, objet du débat (1899) On débattait, le 26 janvier 1899, des subventions à attribuer aux Asiles de Vincennes et du Vésinet (chapitre 38). La somme proposée par la commission ad-hoc était de 30 000 frs et le rapporteur ne demandant pas de relèvement de crédit, comptait s'épargner un débat et un vote. Mais M. Jourde, député de la Gironde, souhaitait apporter quelques observations sur ce chapitre 38 à l'occasion duquel, l'année précédente déjà, le Gouvernement avait pris certains engagements. Au détour du débat qui s'en suivit, on découvre d'intéressants détails sur la laïcisation, le financement et la tuberculose. M. Jourde. [...] Au chapitre 38, concernant les asiles nationaux de Vincennes et du Vésinet figure une somme de 30,000 frs alors que le budget de ces deux établissements se chiffre par près de 1 million. M. Barthou avait déclaré que pour les exercices suivants il ne faisait aucune difficulté de promettre qu'en annexe il ferait figurer les comptes budgétaires du Vésinet et de Vincennes. M. le directeur général de l'assistance a bien voulu me communiquer ces comptes ; ils sont très volumineux. Je ne demande pas, cela va de soi, qu'on fournisse tous les détails qu'ils comportent, mais je demande un résumé suffisant pour que nous ne votions pas à l'aveugle. Il est certain que la Chambre ne peut pas avoir la prétention de faire fonctionner les établissements du Vésinet de Vincennes avec 30 000 frs, il faut faire appel à d'autres ressources. Elles proviennent du produit des adjudications des travaux publics du département de la Seine d'une part [2], de rentes que ces établissements ont en caisse d'autre part, et enfin de dons et legs. Je demande que la Chambre soit renseignée à ce sujet. J'avais demandé l'année dernière, à propos de l'établissement du Vésinet, que le Gouvernement voulût bien créer une annexe à Paris pour que les mères de famille, les femmes envoyées en convalescence au Vésinet pussent, à leur rentrée dans la capitale, être secourues en attendant qu'elles trouvent du travail. Je crois savoir que des études ont été faites et sont près d'aboutir; j'espère que sur ce point le Gouvernement pourra nous apporter une réponse précise. Je demande aussi qu'on cesse d'envoyer dans cette maison de convalescence des malades véritables qui, au lieu de se reposer utilement au Vésinet, vont y contaminer les convalescentes. Je veux parler des femmes atteintes de tuberculose. Je désirerais que le Gouvernement, après s'être entendu, s'il est besoin, avec la ville de Paris, prît les mesures nécessaires pour créer un établissement de refuge spécial aux femmes tuberculeuses qui sortent des hospices de Paris. C'est encore un point qui est à l'étude, je crois, et qui a préoccupé le conseil d'hygiène. Il me reste à parler maintenant d'un petit détail qui a bien son importance. On a laïcisé la maison du Vésinet, mais cette laïcisation s'est faite d'une façon tout à fait spéciale. Il y avait là précédemment un brave aumônier qui touchait, bon an mal an, 1 500 ou 1 800 frs d'appointements. [3] M. Lemire [4]. Ce n'était pas beaucoup ! M. Jourde. Ne réclamez pas, monsieur l'abbé ; je vous assure que vous n'avez pas à vous plaindre des laïcisations du genre de celle que l'on a faite au Vésinet. En effet, voici comment elle s'est opérée. On a renvoyé cet aumônier; on n'a fait d'ailleurs en cela — et même pas tout de suite — que d'obéir à la décision prise par la commission de surveillance qui, tous les ans, dans ses rapports que je n'ai pas sous les yeux, mais je suis sûr qu'on ne me démentira pas, demandait au Gouvernement de laïciser l'établissement du Vésinet. On a fini par obéir à ses injonctions. Mais comment l'a-t-on fait ? On a renvoyé l'aumônier qui touchait 1 800 frs et on l'a remplacé par un autre qui touche 3 000 frs. M. Lemire. Voilà une bonne laïcisation ! (On rit.) M. Jourde. Voilà, monsieur l'abbé, à votre point de vue une bonne laïcisation. A mon point de vue, c'en est une très mauvaise. M. Lemire. Mais si l'on a augmenté la besogne de cet aumônier ? M. Jourde. J'entends bien. Mais l'établissement du Vésinet est très proche de l'église et, par conséquent, du ministre du culte catholique qui peut avoir à intervenir. Cet établissement ne reçoit que pour quelques jours des femmes qui ne viennent là que pour se reposer. Elles ne sont pas alises ; par conséquent, celles qui désirent entendre la messe, se confesser ou communier peuvent le faire très facilement et sans grand dérangement. Je comprends très bien que la commission de surveillance n'ait pas voulu continuer à allouer 3 000 frs à l'aumônier, car en sus des appointements il a d'autres avantages : il est logé dans l'établissement et bénéficie de certaines faveurs et de privilèges qui augmentent singulièrement les appointements fixes dont je viens de parler. Je crois n'avoir pas besoin d'insister pour convaincre M. le directeur de l'assistance que c'est là, quoi qu'en dise M. Lemire, une mauvaise façon de laïciser. Je demande au Gouvernement, puisque nous sommes dans une période où l'on parle d'économies, — ce dont je ne me plains pas, — de réaliser celle-ci, car elle est possible et permettra de donner dans l'annexe de Paris plus de bien-être aux malheureuses que I'on a à soulager. M. le sous-secrétaire d'Etat au ministère de l'Intérieur [5]. L'honorable M. Jourde a traité un certain nombre de questions concernant les asiles de Vincennes et du Vésinet. En ce qui touche ce que mon honorable collègue a appelé la laïcisation du Vésinet, le terme n'est pas tout à fait exact, puisque c'est un personnel laïque qui se trouve dans cet asile. Il s'agit simplement du poste de l'aumônier, sur la suppression duquel l'attention de l'administration n'avait pas encore été attirée. Je demanderai à mon honorable collègue et à la Chambre de laisser au Gouvernement le temps nécessaire pour étudier cette question et pour savoir si l'église paroissiale peut suffire aux besoins des catholiques convalescentes qui se trouvent à l'asile national du Vésinet. Je ferai, en outre, remarquer à mon honorable collègue que, d'après les renseignements qui viennent de m'être fournis à l'instant même, depuis huit à dix ans le traitement de l'aumônier n'a pas changé. Sur ce point donc je n'insiste pas davantage. Quant au compte moral et administratif de ces deux maisons, il est fort considérable, c'est un gros dossier; il a été communiqué à l'honorable rapporteur du budget du ministère de l'intérieur; je crois même qu'il a été communiqué à l'honorable M. Jourde. Je puis promettre à notre collègue qu'un résumé de ce compte, suivant son désir, sera annexé au budget de 1900 dans la note préliminaire. Je crois qu'ici nous lui donnons satisfaction. Un troisième point concerne l'annexe de l'asile national du Vésinet, dont notre collègue a très bien montré l'utilité et l'importance. Je puis lui donner, ainsi qu'à la Chambre, les renseignements suivants : la création de cette annexe a été décidée en 1896, l'ouverture en aura lieu en 1899, les dépenses sont prévues au budget de cet exercice. Cette annexe pourra recevoir, pendant quelques jours, les femmes ayant terminé leur convalescence à l'asile national. Elles pourront ainsi chercher du travail, sans avoir à parer aux premiers besoins de l'existence, c'est-à-dire à la nourriture et au logement. Notre collègue reçoit, ici encore, entièrement satisfaction. Enfin, l'honorable M. Jourde a bien voulu appeler l'attention du Gouvernement sur l'admission des tuberculeux dans ces asiles. Il est évidemment irrationnel d'admettre dans les asiles où des convalescents achèvent de rétablir leur santé des malades qui peuvent y être une cause de redoutable contagion. L'envoi des tuberculeux dans les asiles est un usage qui remonte à la création de ces établissements ; on les y admettait, parce qu'alors la contagiosité de la tuberculose était niée, mais, maintenant que la science reconnaît que cette maladie est essentiellement contagieuse, il est évident que des mesures nouvelles s'imposent. Tout ce qu'il faut, c'est qu'on observe les tempéraments indispensables pour que les tuberculeux puissent cependant être hospitalisés. Mon attention, dès le mois de décembre, avait été appelée sur cette question, et je demande à la Chambre la permission de lui donner connaissance de la fin d'une lettre que j'ai eu l'honneur d'adresser, à ce sujet, à M. le préfet de la Seine représentant, l'Assistance publique de la ville de Paris. Voici le passage auquel je fais allusion : « Dès maintenant vous devez inviter les directeurs des hôpitaux à n'envoyer des tuberculeux à Vincennes ou au Vésinet qu'en cas de nécessité absolue, c'est-à-dire quand il y aurait impossibilité à les conserver à l'hôpital, et inhumanité à les renvoyer directement dans leurs maisons. « Vous préviendrez, en outre, — c'est le point capital, — l'Assistance publique à Paris qu'aucun tuberculeux ne sera admis à l'asile des convalescents de Vincennes, aucune tuberculeuse à l'asile des convalescentes du Vésinet à partir du 1er janvier 1900. » Donc, à partir du 1er janvier 1900, tuberculeux et tuberculeuses devront être reçus dans des maisons spéciales, que, d'ici là, l'administration de l'Assistance publique de la ville de Paris aura eu le temps d'organiser. M. Jourde. Messieurs, je ne prends la parole que pour remercier le Gouvernement des explications si complètes et si précises qu'il a bien voulu me fournir sur la plupart des points que j'avais traités. Pour ne pas allonger le débat, je me bornerai à lui recommander, en attendant le 1er janvier 190o, d'essayer s'il ne serait pas possible, à Vincennes comme au Vésinet, de créer un quartier spécial pour les contaminés tuberculeux. Il est certain que, d'ici 1900, étant donné ce que nous savons aujourd'hui des dangers de la contagion de la tuberculose, beaucoup de mal peut se faire. Si donc vous en avez la possibilité, ce que j'ignore, je vous demande de créer, au Vésinet comme à Vincennes, un quartier de tuberculeux de manière à mettre les autres à l'abri. M. le sous-secrétaire d'Etat. On peut le faire, et on le fait déjà, pour certaines parties de nos établissements, mais vous m'accorderez que c'est très difficile pour les services communs : le réfectoire, la bibliothèque où il est bien malaisé de faire des divisions. Cette mesure entraînerait de très grosses dépenses auxquelles nous ne pourrions pas subvenir avec les crédits actuels; mais nous le faisons pour les dortoirs. M. Jourde. J'aurais mauvaise grâce à ne pas me déclarer satisfait, et je remercie M. le sous-secrétaire d'Etat de ses déclarations. M. le président. Je mets aux voix le chapitre 38 : « Subventions aux asiles nationaux de Vincennes et du Vésinet, 30,000 frs.» (Le chapitre 38, mis aux voix, est adopté.) En 1900, une exposition fut consacrée à l'Asile national. Une courte présentation de l'Etablissement en faisait la description suivante : L'asile national du Vésinet a été créé par un décret du 8 mars 1855, affecté aux ouvrières convalescentes par un décret du 28 août 1858, inauguré le 29 septembre 1859. Il reçoit au titre de convalescentes les femmes relevant de couches. [6] L'établissement est situé à l'extrémité sud-ouest de la commune du Vésinet, à proximité de la Seine et de la ligne du chemin de fer de Saint-Germain. Il est bâti au milieu d'un parc entièrement clos de murs et d'une superficie de 31 hectares.
Asile national du Vésinet – Cuisines
Asile national du Vésinet – Infirmerie Un médecin résidant et une infirmière assurent la surveillance médicale des convalescentes
Asile national du Vésinet – Quartier des mères nourrices
Asile national du Vésinet – Promenoir Les pensionnaires disposaient d'un uniforme (mode été ou hiver selon la période de leur séjour).
L'ensemble de l'asile, indépendamment de quelques constructions annexes (logements de servants, étuve à désinfection, écurie, vacherie, etc.), se compose d'un vaste bâtiment central servant à relier des ailes, dont les différentes parties sont mises en communication par des galeries couvertes. Indépendamment de ses chambres, qui contiennent de 2 à 11 lits, l'asile comprend 2 dortoirs, l'un de 20 lits, l'autre de 24. Un pavillon entier relié au bâtiment central et formant une aile à part, qui a deux étages et un rez-de-chaussée, est spécialement affecté aux mères nourrices. Le nombre total des lits, tant pour les convalescentes que pour les mères nourrices, est de 350 ; celui des berceaux, de 50. Un pavillon spécial est destiné au service d'hydrothérapie. Il comprend quatre salles, l'une de 8 baignoires pour les bains ordinaires, la seconde de 4 baignoires pour les bains sulfureux, la troisième pour les douches, la quatrième et dernière pour les bains de vapeur. Le service médical est confié à un médecin résidant assisté de deux sous-surveillantes laïques chargées, l'une des infirmeries, l'autre du quartier des mères-nourrices. Des égouts qui contiennent la canalisation de l'eau et du gaz recueillent les eaux pluviales et ménagères pour les emporter à la Seine. Un jardin potager de plus de 2 hectares fournit une partie des légumes consommés dans la maison. L'établissement renferme en outre un cimetière, où sont inhumées les personnes décédées à l'asile.
Asile national du Vésinet – Atelier et pavillon des ménages. C'est là qu'a grandi la petite Simone Genevois (1912-1995) actrice de cinéma.
Asile national du Vésinet – Vacherie
Asile national du Vésinet – Jardin potager (2 hectares).
**** Notes complémentaires et sources [1] Débats parlementaires. Chambre des députés : compte rendu in-extenso. Suite de la discussion du projet de loi portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l'exercice 1899. — Suite du budget du ministère de l'intérieur ... Chap. 38 (Subventions aux asiles nationaux de Vincennes et du Vésinet). [2] Une note du ministère de la Guerre du 4 février 1899 rappelle que ce prélèvement doit s'appliquer, quel que soit le mode de passation des marchés, et même en cas de travaux exécutés à la suite d'une simple convention verbale. Bull. off. Guerre, 2e serie, 1899, p. 197. [3] La notice de présentation de l'Asile datée de 1900 précise : « Les ministres des différents cultes visitent leurs coreligionnaires qui les demandent. Un ecclésiastique est chargé du service religieux catholique et vient dire des messes dans la chapelle de l'asile les dimanches et jours de fête. Les convalescentes sont, bien entendu, libres d'assister ou non aux offices. » [4] Abbé Jules-Auguste Lemire (1853-1928), député, maire d'Hazebrouck (Nord). Précurseur du catholicisme social. Il est l'origine des jardins ouvriers. [5] Jules Legrand (1857-1928). Nommé Sous-Secrétaire d'Etat de l'Intérieur le 4 novembre 1898, il démissionnera le 18 février 1899. Normalien, il était député des Basses Pyrénées (1896-1910). [6] Les femmes en couches sont alors assimilées à des malades (loi du 15 juillet 1893, art. 1er). L'asile du Vésinet ne deviendra « succursale des maternités de Paris » qu'en 1920.
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