Alain-Marie Foy dans "Échos
du Passé", Le Vésinet, Revue municipale n°58, mars
1982
Qui était Cécile Chaminade ?
Bien des Vésigondins vont découvrir
à qui est dédiée cette allée du Vésinet,
calme entre toutes, au voisinage du Lac Inférieur, à deux
pas de L'Île du Rêve. Georges Poisson, dans sa Curieuse histoire
du Vésinet y consacre six lignes seulement. Le Petit Larousse est muet, quant à lui.
La pochette d'un disque, récemment enregistré, de pièces
pour piano de Cécile Chaminade (disque EMI, la Voix de son Maître,
C. 069.16410 comprenant la sonate en Ut mineur, l'Arabesque, six études de concert, l'impromptu, Automne, la
Tarentelle, etc.) et découvert par Mme Fouquet, nous fournit
une première biographie, sous la plume de Gérard Condé,
à qui nous ferons un certain nombre d'emprunts.
La chance, ensuite,
vint en la personne de Mme Le Masson, qui habite Le Vésinet.
Elle nous écrivit il y a quelques mois, son père ayant
été le cousin germain de Cécile Chaminade ; elle
disposait donc de souvenirs familiaux utiles à nos recherches.
Nous l'avons rencontrée et c'est un peu grâce à
elle si cette page est écrite. Qu'elle en soit donc remerciée.
En 1865, les parents de Cécile Chaminade acquièrent une
propriété du boulevard de Ceinture-rive-gauche : elle existe
toujours semblable, dit Mme Le Masson, à ce qu'elle était
autrefois, le jardin étant seulement plus petit. L'adresse en
est aujourd'hui le 41, boulevard du Président-Roosevelt. [1] Le boulevard de Ceinture-rive-gauche s'appela
boulevard du Midi à partir de 1878, boulevard d'Italie en 1919
et boulevard du Président Roosevelt en 1945). Cécile,
née le 8 août 1857 à Paris, arrive donc au Vésinet
à l'âge de 8 ans. Ses parents ont eu 7 enfants dont 3 moururent
en bas âge. Son père est directeur d'une compagnie d'assurances.
Le Vésinet, à cette époque, n'est pas encore une
commune, l'église Sainte-Marguerite est consacrée depuis
le 2 juillet 1865, la gare du centre existe depuis 4 ans, il n'y a pas
encore d'école, ni de marché. Henri et Louise Chaminade,
frère et sœur ainés de Cécile font partie le 31
mai 1866, des 20 premiers communiants du Vésinet. Dix ans après,
à l'occasion de la première communion d'Henriette Chaminade,
la dernière fille, ce sont soixante quinze enfants qui sont réunis
et qui, à la demande du curé, viennent goûter dans
le jardin des Chaminade.
A la première communion de Cécile, on joua un O Salutaris qu'elle avait composé. Musicienne dans l'âme, elle bénéficia
de la présence de sa mère, elle-même excellente
pianiste et elle a toujours entendu jouer de la musique dans sa famille. Georges Bizet, qui habitait à proximité, route des Cultures,
l'appelait son "petit Mozart", nous dit Gérard Condé.
Mais elle avait maille à partir avec son père qui ne consentait
à lui faire suivre des cours de piano et d'harmonie qu'à
son domicile. Pas question pour une jeune fille d'aller au Conservatoire,
mais on recevait beaucoup de musiciens et de compositeurs chez les Chaminade.
A vingt ans,
en 1877, profitant d'un voyage de son père, elle participe pour
la première fois à un concert, pour l'exécution
d'un Trio de Beethoven et c'est le départ de sa carrière
de concertiste et de compositeur. En 1878, premier concert consacré
à ses propres oeuvres. En 1881 est donnée à Paris
une suite d'orchestre. L'année suivante, ses parents font
entendre chez eux une audition privée d'un opéra comique
en un acte, La Sévillane qu'elle accompagne au piano.
Elle continue d'écrire et en 1888, son ballet Callirhoe,
créé à Marseille, obtient un grand succès
et sera donné par la suite plus de deux cents fois, notamment
au Metropolitan Opera de New York. La renommée dépasse
donc nos frontières. Elle se produit à Bruxelles, à
Berlin, à Londres, en Hollande, en Suisse. La mort de son père
la contraint à ces voyages, pour des raisons financières.
De même, elle signe un contrat avec un éditeur aux termes
duquel elle doit douze mélodies par an, Mme Le Masson exprime
son sentiment ainsi : "Cécile ne savait pas se défendre,
elle voyait des gens à Paris, qui ne lui donnaient pas d'argent
mais lui donnaient beaucoup de travail".
Tournées en Angleterre, la reine
Victoria l'invitant à séjourner à Windsor. Il semble
qu'aujourd'hui encore, Cécile Chaminade soit jouée outre-Manche.
En 1907-1908, elle donne vingt-cinq concerts au Canada et aux Etats-Unis,
où elle déjeunera avec Theodore Roosevelt. C'est au cours
de ce séjour qu'a été prise la photographie ci-contre
que Mme Le Masson nous a autorisé à reproduire ici.
Entre-temps, Cécile s'était mariée avec un homme [1] qui mourut dès 1905,
sans laisser d'ailleurs de souvenir particulier dans la famille. En
1911, sa mère disparaît et Cécile se retrouve seule.
En 1914, nouveaux succès à Londres, La guerre survient
alors et marque la fin de sa carrière musicale, elle va s'occuper
d'un hôpital pendant la guerre. Elle quittera Le Vésinet en 1925 pour aller s'établir
à Tamaris près de Toulon, avant de s'installer définitivement
à Monte-Carlo, où elle s'éteindra le 13 août
1944, dans sa 87e année.
Gérard Condé décrit
ainsi le style de Cécile Chaminade :
"Une écriture claire,
aisée, mélodique sans vulgarité, rappelant Mendelssohn,
avec quelques touches d'archaïsme parfois. Les attaques sonnent
toujours très distinctement comme chez Liszt ou Saint-Saëns
et, à défaut de posséder l'originalité de
celle d'un Chabrier, d'un Fauré ou d'un Debussy, son inspiration
n'est jamais banale, et cela, sans qu'il soit nécessaire d'évoquer
la mélancolie qui transparaît souvent ou, au contraire,
la fermeté des rythmes, on peut dire qu'elle est personnelle".
Cécile Chaminade
en 1907.
Portrait réalisé à New York par All Haman Salih,
12 ans
[...]
Cécile Chaminade n'a pas habité dans l'allée qui
porte son nom (mais qui eut l'idée de lui dédier cette
voie qui n'est communale que depuis une dizaine d'années ?) et
nous souhaitons que cette notice l'aura fait sortir de l'oubli.
*****
Notes SHV:
[1] L'entête du papier à
lettre de Mme Chaminade indique 39, boulevard du Midi en 1906. Une plaque a été apposée sur la clôture de la propriété en 2019, en mémoire de Cécile.
[2] Un éditeur de musique marseillais, Louis Mathieu Carbonel (1842-1906). Le mariage fut célébré au Vésinet le 29 août 1901. Le marié étant divorcé (en 1900), il n'y eut pas de cérémonie religieuse. Mathieu Carbonel est décédé au Vésinet le 18 novembre 1906. Il est inhumé dans le caveau des Chaminade à Croissy.
.
|