Extrait de la Notice historique sur Chatou et ses environs, par L. Bornot (ancien notaire), 1852. La chasse au Vésinet sous l'ancien régime Nous avons cru devoir écrire un chapitre spécial sur ce sujet et faire connaître le régime des chasses d'autrefois et ce qu'un amateur de chasse peut trouver de gibier aujourd'hui sur le territoire de cette commune et celles environnantes. La forêt du Vésinet, qui dépend du domaine de la couronne, est peuplée de lièvres, lapins, faisans et perdrix grises. La chasse en a été affermée depuis 1848, à divers particuliers. A cette époque les lois qui régissaient la chasse étaient d'une excessive sévérité pour ne rien dire de plus. On peut en juger par les extraits qui vont suivre. L'ordonnance de 1601 quoique signée par le « bon roi Henri IV » et modifiée plus tard par celle de 1669 contenait des dispositions dont on ne peut comprendre aujourd'hui la rigueur.
Louis XIV, par l'art. 2 du titre 30 de l'ordonnance de 1669, a supprimé l'application de la peine de mort. Puis, la loi du 30 avril 1790 a fait disparaître toutes les peines afflictives et infamantes prononcées par l'ordonnance de 1669. Enfin, la loi du 3 mai 1844 qui nous régit [en 1852] prononce des amendes, la confiscation des armes et engins, et même la peine de l'emprisonnement. On ne doit pas oublier que sous l'ancien régime il y avait une grande quantité de gibier et surtout dans l'étendue des domaines de nos rois qui étaient gardés avec le plus grand soin par les capitaines des chasses. Conséquemment les délits étaient l'objet d'une répression très sévère. Il y avait alors dans nos environs, des espèces de gibier qu'on n'y trouve plus et qui ont fui dans des endroits plus éloignés. Les sangliers, les biches, les chevreuils sont encore renfermés dans les parcs et les forêts entourées de murs, mais on n'en voit plus dans les bois ouverts. On a dit que du temps de Louis XIV il y avait des milans noirs. Le milan proprement dit ou le milan royal est un oiseau de proie ; sa longueur est de 2 pieds 3 pouces [~ 69 cm] y compris la queue, qui a presque un pied de long [~ 30 cm] ; ses ailes étendues présentent une envergure de 5 pieds [~ 1,5 m]. Il a le bec d'un pouce et demi de long, droit depuis sa base jusqu'au milieu, très crochu à sa pointe, qui est noire, d'un brun clair sur le reste et armé d'un croc un peu recourbé. Cet oiseau poltron n'a reçu le surnom de royal que parce que les princes se faisaient un plaisir de le faire poursuivre et combattre par des oiseaux plus courageux, tels que le faucon et l'épervier. On voyait encore il y a 60 ans des courlis [3] dans les bruyères à l'entrée du Vésinet. C'est un oiseau de la grosseur d'un chapon, qui se reconnaît facilement à son plumage qui est un mélange de gris et de blanc, comme celui de l'alouette, et à son bec un peu recourbé. Sa grosseur est celle d'un petit coq domestique et il pèse une livre un quart. Il a deux pieds de longueur et trois pieds et demie d'envergure, le bec d'au moins cinq pouces de long, grêle, arrondi, sillonné de rainures également courbées dans toute sa longueur, les jambes de trois pouces et demi de haut, le reste et le croupion d'un blanc pur ; la chair de cet oiseau était autrefois assez recherché ; elle a autant de fumet que la perdrix. Courlis (Numenius tenuirostris) Les environs de la forêt du Vésinet, à l'ouverture de la chasse, sont peuplés de quelques lièvres, lapins et perdrix ; on en trouve sur le terroir de Chatou, aux Landes, aux Champagnes et aux Larris, à Montesson, aux Terres-Neuves, à la Borde, au-dessus de Saint-Veulard et dans les remises de la Borde dont on a détruit une partie. Enfin un habile chasseur peut encore agréablement passer son temps dans le premier mois de la chasse. 1° Comme les oiseaux aquatiques sont fournis de plumes nombreuses et élastiques, qui les garantissent mieux que ne le sont ordinairement les oiseaux de plaine, on ne doit pas les tirer à une aussi grande distance : ainsi la grande portée étant en plaine de quarante-cinq pas, elle doit être réduite dans la rivière à trente-cinq, et il faut de plus employer du plomb plus fort que celui dont on fait usage en plaine pour les oiseaux de même grosseur. La charge de poudre doit être aussi de 70 à 80 grains. 2° Lorsqu'on tire un oiseau sur l'eau, il faut ajuster de manière à ce que le dessous du corps de l'oiseau soit au niveau du point de mire ; ainsi, pour un canard sauvage, on ajuste à environ deux ligues au-dessous de la partie du corps qui surnage. Pour les oiseaux dont le corps entre plus profondément, on se règle d'après leur conformation, en partant du principe ci-dessus ; quant aux oiseaux plongeurs, on doit tirer sur l'eau à 3 ou 4 pouces en avant du corps. Il arrive le plus souvent qu'on les manque, surtout si l'on tire en tête, parce que l'oiseau plonge sur le coup ; mais comme il doit bientôt reparaître à peu de distance pour prendre haleine, on se tient prêt, on saisit l'instant où sa tête se montre au-dessus de l'eau; et si l'on est bon tireur, on l'atteint plus sûrement de ce second coup que du premier. 3° Si l'on chasse plusieurs ensemble, il ne faut pas perdre de vue que le plomb qui touche à fleur d'eau ricoche, ce qui devient dangereux si l'on tire précipitamment et sans calculer l'effet que peut produire le ricochet. 4° Pour plus de chance de tuer les canards, il faut des chasseurs qui soient placés sur les deux bords opposés de la rivière, l'un sert d'indicateur et lorsqu'il est vis-à-vis du canard, il s'arrête et fait signe à son camarade d'approcher, ce qui permet à celui-ci de se mettre en face et de tirer plus sûrement. 5° Il vaut mieux faire lever les canards et les tirer au vol, on est plus sur de les tuer raide, parce que le plomb les atteint lorsque les ailes sont déployées, tandis que sur l'eau, les plumes amortissent le coup et ils ne sont que blessés, plongent et on a beaucoup de peine à les achever. 6° Il faut un chien bon nageur pour avoir un canard tué sur l'eau ; quand il n'est que blessé il faut bien se garder d'envoyer son chien, car alors le canard plonge, et ne reparaît qu'au bord opposé où il est difficile de l'atteindre ; alors on se cache, le canard revient toujours au bord où'il y a des arbustes et roseaux, et c'est le moment de l'achever. 7° Les canards sont extrêmement défiants et ce n'est qu'avec les plus grandes précautions qu'on peut les approcher ; s'ils aperçoivent la moindre chose, ils s'envolent et vous manquez l'occasion de les tirer. Quand les rivières sont gelées entièrement, ils disparaissent jusqu'au dégel. On peut encore s'amuser à tirer les alouettes en hiver, lorsqu'il y a un peu de neige sur la terre. Alors elles volent par grandes bandes, vont se remettre assez près lorsqu'on les fait partir, et, si on les poursuit, elles se laissent plus aisément approcher qu'en tout autre temps. On peut en tuer plusieurs d'un seul coup. Aux termes de la dernière loi du 3 mai 1844, la chasse est défendue pendant la neige ; cependant il n'est pas inutile de rapporter l'arrêté du préfet de Seine-et-Oise, relatif à la chasse des oiseaux aquatiques ; on y trouvera des renseignements utiles pour éviter les contraventions.
*** Notes : [1] Recevoir le fouet ou les verges sous la custode c'est-à-dire derrière un rideau, en pratique de manière discrète dans les locaux de la prison, peine jugée moins infamante qu'infligée en public. [2] la lieue a souvent varié durant l'ancien régime. Pour ne considérer que la lieue de Paris, l'ancienne lieue (avant 1674) soit 10 000 pieds mesurait 3 248 m ; la nouvelle lieue de Paris (1674-1793) soit 2000 toises mesurait 3 898 m. Mais la lieue des Postes (1737-1793) de 2200 toises mesurait 4 288 m tandis que la lieue tarifaire de 2400 toises valait 4 678 m. Le bannissement équivalait à un éloignement d'environ 50 km. [3] Une Pointe des Courlis figurerait déjà sur d'anciennes cartes du Bois du Vésinet (1779) mais l'avenue des Courlis de nos jours, suit plutôt le tracé de l'ancienne route de la Mare-aux-Biches. [4] « Le comte d'Artois avait, en commun avec la reine, un vautrait (grand équipage de chasse entretenu pour le sanglier ou les bêtes noires) qui, en 1778, chassait tous les jeudis, soit à Saint-Germain, soit dans les bois du Vésinet, dont le Roi lui avait abandonné la chasse ». Histoire de la chasse en France depuis les temps les plus reculés jusqu'à la Révolution, par le baron Dunoyer de Noirmont. Tome 1, chez la Vve Bouchard-Huzard (Paris) 1867-1868. [5] En 1685, pour alimenter la machine hydraulique de Marly, le bras de navigation de la Seine est resserré par le pertuis de la Morue, ouvrage de cailloutis et de pieux de bois qui rend le passage périlleux pour les bateaux et nécessite de nombreux chevaux de renfort pour le halage. Le barrage construit en 1839 fera disparaître cet obstacle, terreur des mariniers. [6] Bourses : filets en lin se refermant autour du lapin.
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