Le Journal des Débats du 29 septembre dernier (1867) a
publié, sous la signature de M. Adolphe Viollet-Leduc, un article étendu, consacré aux constructions en bétons agglomérés
de M. Coignet; il me fournira, si vous le voulez bien, l'occasion
d'être utile à bon nombre de mes confrères qui m'ont demandé de
faire connaître ce que l'expérience m'a appris, touchant les propriétés
de cette matière, par l'emploi que j'en ai fait en grand dans la
construction de l'église du Vésinet dont parle l'article. Avant
d'aller plus loin, je dois déclarer que je n'ai pas eu le mérite
de l'initiative pour l'adoption du béton aggloméré remplaçant la
maçonnerie ordinaire dans la construction de l'église dont il s'agit.
C'est M. Pallu, fondateur du parc du Vésinet, homme de progrès,
porté à favoriser les inventeurs, qui a fourni l'occasion d'appliquer,
pour la première fois, son procédé à un monument. Ma responsabilité
d'architecte ayant été dûment mise à couvert à cet égard, je n'avais
rien à objecter contre une expérience aussi intéressante.
Bien que le béton aggloméré ne remplace, dans l'église du Vésinet,
que des maçonneries qui ne constituent pas les éléments de la stabilité
proprement dite de l'édifice, puisque la construction des nefs repose
sur un système d'ossature en métal (fonte et fer) voûté en pigeonnage
ordinaire, les murs de clôture et surtout le clocher où il a été
appliqué présentent un spécimen de cette matière moulée en élévation
au-dessus du sol jusqu'à 30 mètres de hauteur, avec tous les détails
d'architecture et de sculpture voulus.
Le mortier, dit béton aggloméré, dont l'article a expliqué avec
autant de clarté que d'exactitude la composition élémentaire, ainsi
que l'emploi analogue à celui du pisé, acquiert une grande solidité
par l'élimination de l'eau dans la malaxation et par le pilonnage
dans le moulage. Dès que la prise, qui est fort rapide, se trouve
accomplie, il résiste aux efforts de la pression sans s'écraser,
ainsi qu'à l'action de l'air et de la gelée. Le bon état du clocher
du Vésinet, sous le rapport de l'aplomb et de la conservation des
parties inférieures surchargées, fait ressortir la première qualité,
comme l'épreuve de trois hivers atteste la seconde. On trouve, en
outre, dans l'état actuel de cette construction, un indice de la
force de cohésion de la matière dont il sera parlé plus loin. Sous
le rapport des formes et de l'aspect de la décoration, on ne doit
pas s'attendre à obtenir avec le béton aggloméré la pureté de lignes
et de surfaces à laquelle nos bons tailleurs de pierre atteignent.
Sous le rapport économique, le béton aggloméré ne peut être avantageux
pour les constructions que dans les localités où la pierre à bâtir
étant d'un prix très élevé, à cause de sa rareté, le sable de rivière
pourrait être pris sur place à peu de frais. A Paris, où la maçonnerie
coûte en moyenne le double de ce qu'elle vaut dans les départements
qui possèdent des carrières, le prix du béton aggloméré équivaut
à celui de la maçonnerie, tout à fait imperméable, en pierre de
meulière garnie de ciment romain. Pour les ouvrages d'architecture
qui comportent des moulures, il coûte autant que la pierre de bonne
qualité posée et taillée. Sous réserve de ce qu'une plus longue
épreuve du temps pourra révéler, les avantages et les inconvénients
du béton aggloméré, qui date à peine de dix ans, et qui n'a pu être
observé que pendant quatre années à l'église du Vésinet, peuvent
aujourd'hui se résumer ainsi :
— Résistance à l'air, à l'écrasement et à la gelée ;
— Perméabilité
prononcée ;
— Dilatabilité et contractabilité sensibles ;
— Adhérence
difficile entre les différentes couches ;
— Irrégularité des formes
décoratives ;
— Economie non justifiée.
Je désire que les renseignements qui précèdent répondent à l'attente
de ceux de mes confrères qui ont bien voulu compter sur moi, pour
savoir à quoi s'en tenir sur les résultats obtenus dans l'emploi
du béton aggloméré.
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