D'après Le Vésinet Magazine, n°5 Septembre 2009 – La Tribune de l'Art, 10 Août 2009 – Fonds SHV. L'église Sainte Marguerite endommagée par un incendie Dans la nuit du samedi 25 au dimanche 26 juillet 2009, vers 4 heures du matin, un feu s'est déclaré sur la place de l'Eglise. D'origine présumée malveillante [1], il a consumé des bâches du marché entreposées le long du mur de l'église [2]. La forte chaleur produite a détruit le vitrail placé juste au dessus et une fumée épaisse, grasse et brûlante s'est engouffrée dans le bâtiment. Alertés, les pompiers sont intervenus immédiatement. Le feu était éteint à 7 h 30 du matin. Dégâts visibles au lendemain de l'incendie à l'extérieur du bâtiment (Cliché SHV)
Dégâts visibles au lendemain de l'incendie à l'intérieur (Chapelle du Sacré-Cœur)
Toiles marouflées de la voûte brûlées et partiellement détachées (Cliché SHV)
Toiles marouflées de la voûte brûlées et partiellement détachées (Archives municipales)
Didier Rykner, journaliste et historien de l'art, fondateur du magazine en ligne La Tribune de l'art, qui vint sur place quelques jours après les faits, notait dans son article : Le sinistre a débuté à l'extérieur de la chapelle du Sacré-Cœur, là où était entreposée une partie du matériel nécessaire pour le marché qui a lieu sur la place de l'église depuis environ cinq ans. L'enquête déterminera les causes exactes de cet incendie. Qu'il soit accidentel (il ne pourrait s'agir alors que d'un mégot mal éteint) ou criminel, on s'étonne - sans même parler de l'aspect esthétique - qu'on puisse entreposer des objets potentiellement inflammables à proximité immédiate d'un monument historique. Espérons au moins que l'on saura tirer des leçons de ce désastre. Entre 1901 et 1903, Maurice Denis décora le déambulatoire et les deux chapelles latérales de l'église et y réalisa dix vitraux restaurés en 2006-2008 par le peintre-verrier Emmanuel Chauche sous le contrôle des Monuments Historiques [3]. Le retentissement de l'œuvre de Maurice Denis au Vésinet (les décors de la chapelle de Sainte-Croix puis de l'Eglise Ste Marguerite) eurent un tel retentissement que de nombreux auteurs, durant une decennie, ont fait référence à Maurice Denis comme « le maître du Vésinet ». Le mardi 4 août 2009, une première expertise se tint sur place en présence d'élus et du personnel communal. Des dégâts très importants sur le plan patrimonial furent constatés, notamment au regard de l'œuvre de Maurice Denis. L'un des vitraux de la chapelle du Sacré-Cœur était totalement détruit alors que les deux autres apparaissaient plus légèrement dégradés. L'œuvre picturale du plafond, elle aussi signée de Maurice Denis, était très sérieusement détériorée, la toile marouflée qui le recouvrait étant partiellement brûlée. Les plafonds du déambulatoire et de l'autre chapelle, également décorés par Maurice Denis, étaient couverts de suie noire mais ne semblaient pas avoir brûlé. Les grandes orgues avaient aussi souffert des fumées et des retombées de suie. Rykner résume ses observations et le fruit de ses interviews ainsi : S'il est trop tôt pour faire un bilan complet de l'état des peintures, le lé qui se trouvait au-dessus du vitrail détruit a été entièrement réduit en cendres. Les deux lés qui pendent de la voûte et les toiles qui ne se sont pas détachées, au mieux sont complètement noircies par la suie, au pire ont été soumises à une telle chaleur que la matière est cloquée et peut-être irrémédiablement détériorée. On voit cependant, même sur les parties détachées, une trace du décor sans que pour l'instant il soit possible de dire ce qui pourra être sauvé. Une peinture, également par Maurice Denis, peinte sur le mur à l'entrée de la chapelle, n'a pas été touchée par l'incendie. Fort heureusement, le reste des travaux de Maurice Denis, en particulier la chapelle de la Vierge qui fait pendant à celle du Sacré-Cœur, n'a pas souffert, pas plus que les décors et les vitraux du déambulatoire. Une partie des peintures murales décoratives de celui-ci, également dues à Maurice Denis, avaient été recouvertes de badigeons il y a longtemps. Des essais de nettoyage ont été faits récemment, et la mairie, qui s'intéresse à son patrimoine, voulait poursuivre les restaurations. Il faut souhaiter que ce projet sera mené à bien malgré tout. Le reste de cette église, inscrite sur l'Inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, qui a en outre souffert du vandalisme du clergé dans les années 1960 avec la disparition d'une grande partie du mobilier (chaire, banc d'œuve, maître-autel), est également très intéressant puisque la nef conserve un remarquable ensemble de vitraux par Lobin de Tours. Ceux-ci n'ont pas été atteints par les flammes. Grâce au travail des services techniques de la Ville, l'église put réouvrir ses portes pour les offices religieux dès le début août mais de longs et importants travaux de nettoyage furent nécessaires pour rendre les chapelles accessibles. Le 18 août 2009, le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, vint visiter l'église Ste Marguerite pour constater les dégâts de visu. Très sensible à l'œuvre de Maurice Denis, il se dit très affecté par cette perte patrimoniale et s'engagea, au nom de son ministère, à soutenir la commune dans le financement des travaux de restauration [4]. Emmanuel Chauche au travail, avril 2012 (cliché N. Touvenin) Selon Emmanuel Chauche, maître-verrier et expert reconnu « Le vitrail détruit sera restitué à l'identique à partir des cartons originaux de l'artiste, ce qui demande du temps et de la précision ». Remise en lumière par cet événement tragique, l'œuvre vésigondine de Maurice Denis a fait l'objet d'un colloque (8 mars 2014) d'une exposition au Musée du Prieuré, à St Germain-en-Laye du 19 septembre 2014 au 4 janvier 2015, organisée par Le Conseil général des Yvelines et la Ville du Vésinet. Un remarquable catalogue, Beautés du Ciel, en a découlé sous la plume de Fabienne Stahl, docteur en histoire de l'art, co-responsable du Catalogue raisonné de l'œuvre de Maurice Denis. Un chapitre détaille les étapes délicates de la restauration. [6] **** Notes et sources : [1] La plainte déposée contre X par la Ville pour "actes de malveillance" n'a pas abouti. [2] Depuis les travaux en cours sur la Place du Marché, le marché du centre se tenait autour de l'église les mercredis et samedis. Les bâches de couverture des étals étaient entreposées derrière une palissade métallique contre le mur de l'église lorsqu'elles étaient démontées. Elles ont constitué le principal combustible de l'incendie. [3] Cet incendie était d'autant plus dommageable qu'entre 2004 et 2008, d'importants travaux de restauration avaient été entrepris par le maître-verrier vésigondin Emmanuel Chauche mandaté par les Monuments Historiques. La restauration des vitraux avait représenté un coût de 150 000 € dont 120 000 € à la charge de la Ville. Le Vésinet, la Revue n°49, mars 2008. [4] Le jeudi 8 mars 2012, à l'occasion d'un déplacement officiel pour des 150 ans du musée d'Archéologie de Saint-Germain-en-Laye, le ministre fera un détour par Le Vésinet pour assister au début des travaux de restauration de l'église. [5] Estimé à 1 855 000 €, le coût de l'opération serait financé par le conseil général, le conseil régional, l'Etat, l'assurance, avec 20% qui resteraient à la charge de la ville, propriétaire des lieux. Le Parisien, 24 mars 2012. [6] Fabienne Stahl. Beautés du Ciel, décors religieux de Maurice Denis au Vésinet (1898-1903), septembre 2014.
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