D'après F. Bourtayre - Le Vésinet 1856-1880, mémoire de Maîtrise, Paris X - Nanterre, 1987(compléments et illustrations, SHV.) Une maison au Vésinet du XIXe siècle Les journaux tels que La Ville de Paris ou L'Industriel de St-Germain font souvent l'éloge des « maisons somptueuses » qui s'élèvent au Vésinet à partir de 1858. Cependant, ces éloges valent surtout pour l'aspect extérieur de ces demeures. F. Bourtayre, dans son mémoire, s'est efforcé de pénétrer l'intimité des Vésigondins du milieu du XIXe siècle, aux premières années de la nouvelle colonie en analysant les descriptions de ces maisons que l'on peut trouver dans les archives notariales et les journaux d'époque. Quelles maisons ? En 1872, on dénombre 322 maisons sur l'ensemble du parc. En 1876, elles sont 420 et 557 en 1881, soit une augmentation de presque 1/3 tous les 5 ans. Ensuite, le rythme des nouvelles constructions semble ralentir comme d'ailleurs l'évolution de la population. En 1896, on trouve 815 maisons soit 46% de plus en 15 ans. Entre 1896 et 1906, le nombre augmente seulement de 16% passant de 815 à 938. [1] Différents modèles de « maisons de campagnes » proposées par les architectes sur catalogue. (ici Bertrand, Picard, Petit, Agnès) Les styles « néo-Louis XIII » et « néo-classique » sont les plus répandus.
Le plan carré connaît quelques exceptions (ici Petit encore) et le toit mansard en zinc et ardoises laissera progressivement la place à des couvertures en tuiles (ici Suffit) et à des formes plus éclectiques. De ces maisons des premières années de la colonie, beaucoup ont été démolies et celles qui ont subsisté ont souvent connu d'importantes transformations, des extensions pas toujours heureuses. Les œils-de-bœuf ont presque tous disparu avec l'aménagement des combles.
Peu à peu, l'éclectisme devient la règle avec comme point commun l'usage de la pierre, de la brique bicolore
A côté de ces maisons conventionnelles, très semblables, l'éclectisme caractérise aussi des édifices beaucoup plus originaux, des « folies » aux allures de château médiéval pour lesquels les architectes (ici Saingery, Bourgeois, Bardon) laissent libre cours à leur fantaisie. Pourtant, la pierre, la brique polychrome, les faïences, le soubassement de meulière les intègrent à cette « identité vésigondine » des premières années. C'est dans ce type de bâtiments souvent agrémentés de tourelles (ici, par Labouret) que l'on va retrouver le troisième étage signalé plus haut. Il se réduit à une pièce, un belvédère ...
Dans le parc, les maisons de ville, en bordure de rue sont rares en raison des règles du Cahier des Charges. Les bâtiments en limite de propriétés sont généralement des annexes, des maisons de jardiniers, des communs. Ils sont alors tournés vers l'intérieur de la propriété dont ils dépendent.
Sur la question de l'architecture au Vésinet, on ne peut ignorer l'ouvrage de référence publié en 1989 par l'inventaire général des momuments et des richesses de la France [2] ou sa réédition en 2002. Eau à tous les étages « Toute habitation n'a qu'à tourner un robinet pour avoir, à toute heure, autant d'eau qu'il lui plait... » note le chroniqueur enthousiaste. Disposer de l'eau courante à tous les étages, c'est un « luxe » offert par la Cie des Eaux et Terrains du Vésinet [3]. Une opportunité que les habitants et les architectes ne saisissent pas toujours. Ce n'est pas qu'une question d'argent. Si les salles de bains, les douches et des toilettes intérieures n'apparaissent pas dans la majorité des demeures, comme l'examen des actes de vente a permis de l'observer, il est intéressant de noter qu'elles sont tout de même présentes là plus qu'ailleurs. [4] Pendant les deux dernières décennies du XIXe siècle, les recueils de plans d’habitations présentent des appartements équipés selon un habitus qui dissocie coquetterie et beauté de propreté et hygiène. À la première exigence correspond le cabinet de toilette, à la seconde, la salle de bains. Si à la fin de la période étudiée les pratiques et les lieux se sont transformés, cette évolution ne touche pas de la même façon tous les groupes sociaux. La France rurale continue de faire sa toilette le dimanche, dans une cuvette et avec très peu de cette eau qui nécessite de grands efforts pour être tirée du puits. Les ouvriers sont sommés d’utiliser les douches qu’on leur destine mais vont lentement dissocier cette injonction et le plaisir de l’eau. La France urbaine et bourgeoise est prête à accepter la propreté blanche et brillante des salles de bains-laboratoires qu’elle avait refusées à l’Exposition universelle de 1900. Jusqu'au début du XXème siècle, une somptueuse demeure pouvait s'enorgueillir d'une salle de bain et de cabinets d'aisance. La salle de bain est encore exceptionnelle à l'époque ; le plus souvent un cabinet de toilette sans eau courante, suffit. En 1902, les cabinets d'aisance sont une curiosité que l'on ne trouve, en France, que dans un logement sur trois. [6] water-closed — cabinet de toilette — salle de bain (dessins 1880) De telles structures à une époque où la technique, et surtout les mœurs les rendent exceptionnelles, novatrices, suggère qu'ici l'hygiène ne se limite plus seulement à la circulation de l'air, à l'espace vert, au repos de l'esprit, mais se porte aussi pour certains Vésigondins sur le corps, à une époque où la propreté de celui-ci n'est pas encore entrée dans les mœurs. **** Notes et sources [1] Archives départementales de Seine & Oise: Recensements, Le Vésinet. [2] Le Vésinet, modèle français d'urbanisme paysager - Cahier de l'inventaire n°17, Imprimerie Nationale, Paris, 1989 [réédité en 2002] [3] Un réservoir destiné à l'approvisionnement de l'eau a été édifié dès 1859. il sera rehaussé vers 1885 puis remplacé par un autre plus haut et plus volumineux vers 1895. [4] Archives départementales de Seine & Oise: St-Germain-en -Laye, Archives Moisson. Toutes les informations citées sur l’intérieur des maisons sont tirées de ces archives. [5] M. Eleb, - La mise au propre en architecture : Toilette et salle de bains en France au tournant du siècle (1880-1914) - Techniques & Culture, n°54-55, 2010. [6] E. Weber, - Fin de siècle, Fayard, Paris, 1986 p 80. [7] Industriel de St-Germain (29/08/1865). [8] G. Vigarello, - Le propre et le sale, Seuil, Paris, 1985 p 233.
Société d'Histoire du Vésinet, 2012 - histoire-vesinet.org |