Les maisons de Pierre Joseph Olive

Pierre Joseph Olive (1817-1899) [1] est avec le Comte de Choulot et sous les ordres de Pallu le principal artisan de la réalisation du Vésinet. Si Choulot a bouleversé le paysage, redessiné la forêt, ouvert les perspectives sur les horizons alentours, imaginé les lacs et les cours d'eau, on doit à Joseph Olive, architecte-paysagiste la conception de bon nombre des ouvrages d'art publics réalisés dans la colonie du Vésinet, probablement le tracé des quartiers dits « centres de ravitaillement » tels que le Village, Le hameau du Petit-Montesson, le voisinage du Rond-Point. Olive a lui-même précisé son rôle dans une lettre parue dans le Journal de Paris et reprise par l'Industriel de Saint-Germain. [2]

    Monsieur le Rédacteur,

    Dans votre article sur le Vésinet, qui a paru dans le numéro du 13 de ce mois, vous avez cru devoir parler de moi dans des termes dont je vous suis extrêmement reconnaissant. Je ne saurais cependant pas accepter les éloges que vous avez bien voulu m’adresser, sans en reporter la plus grande part sur M. le comte de Choulot. Quand M. Pallu, gérant de la Société du Vésinet, séduit par la magnifique position de cette forêt, eut l’heureuse idée de la transformer en un parc pour en vendre ensuite le terrain par lots, il nous soumit ses projets à M. de Choulot et à moi. Le premier se chargea du dessin général artistique du parc, moi je me chargeai de l’appropriation de l’œuvre du poète, au lotissement et de l’exécution des travaux. L’idée première de M. Pallu s’est ainsi poursuivie en commun, chacun profitant de l'expérience de l’autre.

    Vous voyez, Monsieur, que votre article me fait une trop grande part dans l’exécution d'une chose que vous avez jugée avec beaucoup de bienveillance. J'ose donc espérer que je n’aurai pas trop préjugé de votre impartialité, en vous priant d’insérer cette rectification dans votre prochain numéro, afin que le public, qui est en définitive le grand juge, restitue à chacun ce qui lui appartient, heureux si l’œuvre qui s’accomplit en ce moment au Vésinet, est jugée par lui d’une manière aussi indulgente que vous avez bien voulu le faire.

    Veuillez agréer, Monsieur, je vous prie, avec mes remerciements préalables, l’assurance de ma parfaite considération.

    Olive.

Sous couvert d'un élan de modestie, Olive fait état de son appropriation de l’œuvre du poète, (le poète étant Choulot) tandis que la réalisation concrète de l’exécution des travaux (tous les travaux), est de son fait à lui. On note aussi au passage que Pallu s'est adressé conjointement aux deux hommes, Choulot et lui, pour leur présenter ses projets.
Le présent article sera consacré plus particulièrement au rôle de l'architecte qu'était avant tout P.-J. Olive.

Les habitations appartenant à M. et Mme Olive ont été les premières maisons bâties au Vésinet. Elles sont situées près du Rond-Point et du Lac de la Station.

L'architecte a construit les deux maisons jumelles qui font figure d'entrée du Parc, dans l'axe du Tapis-Vert (avenue Médéric) représentées ci-dessus par Bourdelin [3]. Les terrains de 1400 m² chacun ont été achetés, plantés d'arbres, au mois de novembre de l'année 1858 [4]. Pierre Joseph Olive les a hypothéqués pour 12 000 frs, montant de l'emprunt fait à une rentière du Pecq, Mademoiselle Lechard, créancière de nombreux propriétaires désireux de faire construire [5].
La clôture du jardin est constituée d'un mur d'appui, surmonté de grilles et complété par endroit. A l'entrée, un petit bâtiment, sans doute de concierge, est couvert d'un toit en zinc, matériau le plus économique. La maison de campagne, côté route de Montesson, avec ses façades dépouillées est sise au centre du jardin. On y entre par un vestibule qui dessert la salle à manger et les cuisines. Le sous-sol est formé par les caves. Les chambres à coucher, au nombre de quatre, où logent les maîtres, occupent le premier étage, alors que les trois chambres de domestiques sont au second.
L'autre terrain, du côté de la route de Chatou, est occupé par une demeure identique à quelques détails près. L'entrée est desservie par un perron, avec marquise. Là, le vestibule s'ouvre sur un boudoir et un office.

Joseph Olive a également acquis un terrain sur la route de la Station, bordant le Lac sur 80 mètres (îlot 3, lot 20), près d'un pont qui donne accès à une île qui forme le lot voisin. La propriété a une superficie de 1250 m², acquis au prix de 2,50 frs/m². Au milieu du jardin à l'anglaise se dresse une villa avec une véranda destinée aux servitudes. L'architecte aménage dans les sous-sols une cuisine, des caves et un bûcher (local destiner à entreposer le bois de chauffage).
Au rez-de-chaussée, outre le salon et la salle à manger, il a disposé un office destiné à recevoir les services des cuisines et des commodités (salle de bain, toilettes et lingerie). Le premier étage est constitué par les chambres pour toute la famille, dont deux seront équipées d'une cheminée et de cabinets. Les chambres des domestiques sont aménagées dans les combles, au second étage, et équipées de water-closets. Le toit est recouvert de tuiles. Une saillie à un seul niveau se détache de l'habitation, compartimentée en véranda et en salle de billard. Cette pièce, "originellement aristocratique, puis bourgeoise, devenue conventionnelle dans toutes les villas, occupe les habitants à leur passe-temps favori, lors des longs après-midi de pluie".
En 1863 Joseph Olive acquiert un prolongement de terrain de 300 m² pour 3 frs/m² [6]. Le pont qui relie la propriété à une île du lac restée à la Compagnie Pallu est exclu de la vente et voué à la démolition. Mais, peu de temps plus tard, le propriétaire loue la maison à Alphonse Pallu pour 8 ans et 9 mois, au prix de 3 500 frs par an. Par ce jeu de contrat, Pallu, propriétaire-gérant du Vésinet, locataire d'Olive, conserve l'accès libre du pont, que les loueurs ne peuvent implicitement enlever ou détruire, ni emprunter.


La maison en 1989 après restauration

Ces trois maisons existent toujours. Elles ont peu changé et comptent parmi les demeures à protéger répertoriées en annexe du Plan d'Occupation des sols de 1992.
Le 26 juillet 1862, Joseph Olive, et son épouse Clémence Patenotte vendent au baron Trotter une "maison de campagne" située au Vésinet, rue de la Croix, devant le lac de Croissy, comprenant le 30e lot, et partie du 27e et du 28e lots, ancien de l'îlot n°12 de la division du parc du Vésinet. (voir encart). Elle tient par devant à la route de la Croix, au fond au 25e lot, et au 26e lot de l'ilot n°12, d'un côté au 31e lot, auquel se trouve réuni le surplus du 27e lot, d'autre côté au 29e lot du même îlot, auquel se trouve réuni le surplus du 28e lot.
Moyennant outre les charges, la somme principale de 38.000 francs payés comptant.

Bourdelin - Lac de Croissy

Cette maison se trouvait à l'emplacement de celle représentée par Bourdelin sur sa gravure "Le Lac de Croissy", (ci-dessous) largement imaginaire. La villa de Olive pourrait être la villa Beaulieu, au 3, route de la Croix. A son emplacement subsiste peut-être sa base ainsi que les pavillons de "concierge et de jardinier" aux angles de la propriété, sur la route de la Croix. Dans les annuaires de 1882 et 1892, une baronne Trottera était domiciliée à cette adresse.

Détail de la gravure d'E. Bourdelin.

Cette maison construite en briques et pierres, avec balcon et tourelles, est élévée sur cave d'un rez-de-chaussée, d'un premier étage, et d'un second étage, couverte en zinc et ardoises ;

elle comprend vestibule avec perron, salle à manger, boudoir, quatre chambres de domestiques, closets, cuisine, cave.

Les dépendances consistent en deux pavillons séparés, disposés pour logement de concierge et de jardinier, et pour écurie et remise ou salle de billard.

Jardin dessiné et planté à l'anglaise; pièce d'eau et réservoir. Cette propriété de la contenance superficielle de trois mille cent quatre mètres soixante-dix huit centimètres,

est close sur les côtés et au fond, partie en mur et partie en treillage, et sur le devant par des murs d'appui cimentés avec grille et facade de quarante-sept mètres sur la route de la Croix. [7]

 

Cette description dans l'acte notarié correspond à la villa Beaulieu dont on possède de nombreuses représentations. Tandis que celle figurée sur la gravure, bâtie aussi en 1860, se trouve à 300 m de là, au 15 boulevard des Etats-Unis (Villa La Tourelle).


La villa (dite Beaulieu) du 3, route de la Croix au début du XXe siècle

La Villa Stoltz, somptueuse villa édifiée pour le compte de la célèbre cantatrice Rosine Stoltz, sur la route n°4, rive Gauche qui devint route de la Villa Stoltz était aussi l'œuvre de Joseph Olive. En 1888 la "maison de la chanteuse" sera aménagée pour enfermer le Commandant Hériot, malade. Sur le même terrain, la famille Hériot avait fait édifier une villa encore plus vaste et somptueuse, dite Villa Hériot.

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    Notes et sources :

    [1] Pierre, Joseph Olive est né le 21 juin 1817 à Biot dans le Var. Il est mort le 14 août 1899 à Biot dans les Alpes-Maritimes, du fait du nouveau découpage du département à la suite du rattachement du comté de Nice à la France.

    [2] Journal de Paris, 20 mai 1860 et Industriel de St-Germain, 26 mai 1860.

    [3] Emile Bourdelin, Ingénieur et dessinateur industriel, qui a collaboré avec divers graveurs sur bois, en particulier Gustave Doré. Illustrateur d'ouvrages techniques et de catalogues, il a travaillé ensuite pour le Magasin Pittoresque, le Monde Illustré, et il a illustré "Les Théâtres de Paris jusqu'en 1860" du Dr Véron. Poète à ses heures et chansonnier, il fut membre du Caveau, sorte d'académie de la chanson, fondée en 1737 et devenue au XIXe siècle une véritable institution. Vice-président en 1883, il en sera président au début du XXe siècle. On lui doit plusieurs des toutes premières représentations du Vésinet (1858-1860).

    [4] Les lots 1 et 31, îlot 3, acquis à l'amiable le 26 novembre 1858.

    [5] Me Chevallier, obligation de M. et Mme Olive à Mlle Lechard, acte du 28 octobre 1859.

    [6] Acte de vente par MM. Pallu & Cie à M. Olive, Me Moisson, le 6 mars 1863.

    [7] Acte de vente par M & Mme Olive à M le Baron Trotter, MMe Chardon & Roquebert, le 26 juillet 1862.


Société d'Histoire du Vésinet, 2006-2024 • www.histoire-vesinet.org