Le Vésinet,
revue municipale, n°80, septembre
1987
24 Août
1837 le
premier train de voyageurs en
France
L'esprit du Saint-simonisme
soufflait sur la France de la monarchie de
juillet. Les journaux fourmillaient d'idées de
progrès, d'informations scientifiques et
techniques. Des articles étaient consacrés aux
mérites comparés des différents moyens de
transport: routes, canaux et chemins de
fer.
L'Angleterre servait de modèle qui avait vu,
en 1804, l'établissement du premier chemin de
fer qui reliait deux forges entre elles au
Pays de Galles. Les Anglais montraient ce que
pouvait apporter au progrès l'association des
savants, des ingénieurs, des hommes d'affaires
et des financiers.
Les frères Péreire, Emile et Isaac, étaient en
relation avec les milieux saint-simoniens.
Pour eux, les chemins de fer permettaient
l'amélioration du sort des nations et étaient
un puissant levier à l'expansionnisme
industriel français.
Ils imaginèrent un vaste réseau qui partirait
de Paris et irriguerait toutes les provinces.
Dès 1832, ils lancèrent une véritable campagne
de promotion des transports ferroviaires.
Articles de presse, conférences, projets de
lignes se multiplièrent. Après trois années de
démarches, de rebuffades, d'espoirs, ils
obtinrent gain de cause. La loi du 9 juillet
1835 concéda, pour quatre-vingt-dix-neuf ans,
la concession de la ligne Paris - St-Germain à
Emile Péreire, à ses frais, risques et périls
[rappel
des grandes dates].
Une société anonyme fut constituée, qui
comprenait le banquier James de
Rothschild.
Sixième concession en France, mais la première
pour les voyageurs, cette nouvelle ligne
innova également par l'utilisation d'une
machine à vapeur dès le début de son
exploitation. Ce parcours de dix-neuf
kilomètres, d'apparence modeste, n'avait pas
été choisi au hasard. La ligne devait être la
vitrine des chemins de fer où Saint-Germain
était le lieu de promenage privilégié des
Parisiens, ce qui devait assurer une certaine
garantie pour la rentabilité de
l'opération.
Emile Péreire s'entoura des meilleurs
ingénieurs pour mener l'opération: Emile
Clapeyron et Eugène Flachat.
La concession accordée, il fallut vaincre la
résistance des communes traversées et les
protestations des riverains devant l'arrivée
de ces nouvelles techniques qui bouleversaient
le paysage. Les travaux de construction furent
effectués par des soldats qu'Emile Péreire
avait obtenus grâce à un accord conclu avec le
gouvernement.
La gare fut installée à Saint-Lazare. un
tunnel percé, deux ponts jetés sur la Seine.
Le chantier, rondement mené, s'acheva deux ans
plus tard. Le seul problème qui ne put être
résolu, fut la pente trop importante de la
rampe d'accès à Saint-Germain le terminus de
la gare fut installé au bord de la Seine, au
Pecq. La desserte de la ville royale devait
s'effectuer par omnibus à chevaux.
Le 24 août 1837, la ligne fut inaugurée par la
reine Marie-Amélie, accompagnée de ses fils et
d'une grande partie des membres du
gouvernement; les chambres s'étaient opposées
à ce que Louis-Philippe exposât sa vie au
cours de ce voyage!
Chemin de fer
de Paris à Saint-Germain. - Une locomotive et
un wagon.
Ce premier convoi était composé
de sept voitures où s'étaient entassées six
cents personnes, emmenées par une locomotive
Jackson.
Toute la presse
se fit l'écho de ce voyage.
L'ouverture au public eût lieu le 26 août, ce
fut un succès énorme. Les premières semaines,
vingt mille personnes par jour furent
transportées.Au cours des deux premiers mois
d'exploitation, 362 463 voyageurs furent
transportés pour une recette de 440 216, 95
frs. Les deux villes étaient reliées en
vingt-six minutes au lieu des quatre heures
par voiture à cheval. Le manque de confort, ni
les pannes ne découragèrent le public.
Le 18 décembre 1840, le train stoppa en pleine
forêt du Vésinet, faute de combustible; les
voyageurs durent descendre dans la neige,
couper des branches pour alimenter la
chaudière. En 1839, un million de voyageurs
empruntèrent la ligne. La fréquence des trains
fut doublée avec la construction, en 1838,
d'une deuxième voie. Les progrès techniques
permirent de prolonger la ligne jusqu'à
Saint-Germain-en Laye.
Pour accéder au terminus, il fallut construire
un viaduc. La première gare du Pecq fut
abandonnée pour celle du Vésinet (-Le Pecq).
Le 14 avril 1847, le premier train arrivait à
Saint-Germain, au moyen d'un chemin de fer
atmosphérique qui fonctionnait grâce à un
système d'aspiration. Le wagon de tête était
muni d'un piston qui passait dans un tube
étanche placé entre les rails et relié à la
station de pompage à Saint-Germain. Cette
station faisait le vide dans le tube et
aspirait le train. En sens inverse, les
convois descendaient en roue libre.
Ce système d'un fonctionnement compliqué et
dangereux - en 1858, les freins ayant lâché,
un train dévala la côte et vint percuter une
locomotive, Il y eut trois morts - fut
supprimé en 1860. Une deuxième locomotive, en
renfort, permettait dorénavant au convoi de
gravir les cinquante mètres de
dénivellation.
Le passage du train dans la forêt allait avoir
une conséquence inattendue au moment de sa
construction la création de la commune du
Vésinet. Quand il découvrit cette forêt, en
1855, Alphonse Pallu comprit aussitôt tout le
parti qu'il pourrait tirer de cet emplacement
situé près de Paris et bien desservi par le
chemin de fer. C'est ainsi que vingt et un ans
après l'arrivée du train dans nos bois,
apparaissait les premières maisons de la
Ville-Parc du Vésinet.
La gare du
centre dans sa forme originale de 1861. Elle
sera agrandie en 1902.
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En savoir
plus :
L.
Moret, Le chemin de fer de St-Germain,
St-Germain-en-Laye, 1927.
J.
Autin, Les Frères Péreire, le bonheur
d'entreprendre, Perrin, 1983.
G.
Poisson, La Curieuse Histoire du
Vésinet, Le Vésinet, 1986.