D'après l'article de Arthur Pougin - La Stoltz, L'intermédiaire des chercheurs curieux n°1208, Vol LIX, 1909. La mystérieuse Madame Stoltz Grande artiste et intrigante fieffée, la cantatrice célèbre qui se faisait appeler Rosine Stoltz, et qui ne s'appelait ni Stoltz ni Rosine, reste une figure singulièrement énigmatique et dont il est diantrement difficile de retracer l'histoire. Où était-elle née? Quel était son nom? Quel âge avait-elle lorsqu'elle mourut à Paris le 30 juillet 1903 ? Autant de questions qui jusqu'ici sont restées insolubles. Les uns l'ont dite née à Paris en 1815, à moins que ce ne soit en 1813, d'autres en 1818, et en Espagne, d'où sa mère, Française, serait revenue avec elle à Paris, où elle serait devenue concierge d'une maison du boulevard Montparnasse. Ceux-ci l'appellent Rose Niva, ceux-là Victoire ou Victorine Noël, et elle-même s'est prétendue par sa naissance marquise d'Altavilla. Ainsi commence la biographie que lui consacrait Arthur Pougin en 1909. Rosine Stoltz à l'académie royale de musique d'après une lithographie de Gustave. Après quelques mois
passés au théâtre d'Anvers, elle se produisit dans
le Pré aux clercs à Lille, puis à
Amsterdam, Anvers, puis encore à Bruxelles, où cette fois
elle tint le grand emploi. Mme Stoltz, costume de la favorite dessin: Antoine Roy lithographie A. Collette. (Gallica-BNF) [4] Mais La Stoltz, (on disait La Stoltz comme on avait dit La Malibran, comme on dirait La Callas)
égoïste et jalouse, ne voulait de succès que pour
elle seule, et abusait de sa situation auprès de Léon
Pillet pour écarter toutes les cantatrices dont la valeur
pouvait lui porter ombrage. Ainsi avait-elle fait, notamment, pour Mme
Dorus-Gras, qu'elle découragea au point de lui faire quitter
l'Opéra. Le scandale devint tel, qu'elle se fit, en dépit
de son talent, prendre en haine non seulement par ses camarades, mais
par le public, et que les journaux ne se gênaient pas pour
dévoiler et juger avec sévérité sa conduite
sous ce rapport. Un scandale qui se produisit à la
première représentation de Robert Bruce, le 30
décembre 1846, donne la note de la froideur des relations qui
avaient fini par s'établir entre elle et le public. A cette
époque elle relevait d'une assez longue maladie, une « fluxion de
poitrine », qui durant quelques mois l'avait tenue
éloignée du théâtre. Elle faisait sa
rentrée dans le pastiche que, sous ce titre de Robert Bruce,
Gustave Waëz, Alphonse Royer et Niedermeyer avaient arrangé
sur la musique de Rossini. Les habitués de l'Opéra,
à qui la Stoltz était devenue antipathique, ne
désiraient nullement cette rentrée. On parlait
même, à mots couverts, d'une cabale qui se serait
organisée contre elle. Malheureusement pour l'artiste, elle se
trouva donner, fort involontairement, prise à la critique. Soit
que les bruits qui couraient fussent venus jusqu'à son oreille
et l'eussent émue plus qu'il n'eût fallu, soit qu'elle ne
fût pas suffisamment remise de sa récente maladie,
toujours est-il qu'il lui arriva, le jour de la première, un
accident fâcheux, et qu'à un moment, elle détonna
d'une façon formidable. Robert Bruce n'est
qu'une traduction de la célèbre Donna del Lago de
Rossini
au second acte, l'héroïne, Marie, oppressée
par sa tristesse, se lève et commence le bel O quante
lacrimel... A ce moment, soit que l'émotion de chanter un air si célèbre troublât Mme Stoltz, soit qu'elle se ressentît encore de l'indisposition qui avait retardé la représentation de la pièce, sa voix se mit à baisser et descendit d'un quart de ton. Le public de Paris, qui est certes le plus doux et le plus poli de tous les publics, faisant sans doute la réflexion que Mme Stoltz, à peine relevée d'une fluxion de poitrine, ne pêchait que par excès de zèle, n'eût donné aucune marque de désapprobation et n'eût protesté que par un froid silence, si les romains ne fussent venus tout gâter par des applaudissements intempestifs. Quelques chut! adressés plutôt aux optimistes gagés qu'à la cantatrice, provoquèrent, de la part de ceux-ci, de nouvelles salves de la plus bruyante impertinence les chut! redoublèrent, des sifflets vinrent s'y mêler. Pendant ce temps, Mme Stoltz, pâle, hors d'elle-même, arpentait le théâtre avec des pas et des gestes convulsifs elle paraissait vouloir quitter la scène. Quelques injures de la plus abjecte espèce lui avaient été, dit-on, jetées à bout portant de l'orchestre. Outrée de colère, elle dit, assez haut pour être entendue, de toute la salle, tournée vers la loge directoriale : Mais vous entendez bien qu'on m'insulte!... C'est intolérable! Je suis brisée! Puis, en se dirigeant vers la porte du fond, elle déchira son mouchoir dans un accès de rage silencieuse et en jeta violemment les morceaux par terre. La pièce continua néanmoins, mais au milieu d'une émotion facile à comprendre. Une partie des spectateurs, qui
ne demandaient sans doute qu'un prétexte pour manifester son
hostilité, s'étaient mis à siffler avec vigueur.
D''autres voulurent applaudir des sifflets plus aigus
répondirent, des altercations s'échangèrent, et
l'on assure même que Mme Stoltz, décontenancée,
pâle de douleur, de dépit et de colère,
reçut de certains, en plein visage, « quelques
épithètes fâcheuses et qui s'adressaient
plutôt à la femme qu'à l'artiste ». Peu
habituée à un tel accueil, la rage au coeur, elle quitta
enfin la scène. Elle reparut cependant et la
représentation put se terminer. Robert Bruce fut
même joué plusieurs fois. Monsieur
le Président, Rosine STOLTZ Mme Stoltz s'efforçait
de sauver la face, et, par cette lettre rendue publique, de faire
croire que son départ était volontaire. La
vérité est que le ministère, déjà
depuis longtemps fatigué de la situation qu'elle avait
créée à l'Opéra, exigeait devant le
scandale récent, non seulement son départ, mais celui de
Léon Pillet, qui, en effet, quelques semaines après,
remettait le théâtre aux mains de son
prédécesseur Duponchel et de Nestor Rocqueplan. Rosina Stoltz - Baugniet photographe Gallica BNF Mais revenons à 1850.
Rosine, reparut et après quelques tournées en province,
obtint de grands succès hors de nos frontières, à
Lisbonne, au théâtre royal de Turin, puis à Rio
où elle devint la " bonne amie" de l'empereur Dom Pedro, qui fit
pour elle, dit-on, de véritables folies. On raconte qu'un jour,
entre autres, pour la représentation donnée à son
bénéfice, il ordonna que l'on couvrit de pétales
de roses le chemin qu'elle devait suivre pour aller de sa demeure au
théâtre, de sorte que sa voiture passait
littéralement sur un lit de roses. Jamais souverain n'avait
été l'objet d'un tel honneur. C'est à cette
époque, en 1860, que Rosine Stoltz se fit construire une somptueuse villa au Vésinet. Les plans avaient été
commandés à Pierre Joseph Olive, l'architecte en titre de
MM Pallu & Cie. La Maison de la chanteuse, inspirée
dit-on d'une maison de Pompéi, s'élevait sur la route
n°4, rive Gauche. La voie prit tout naturellement le nom de route
de la Villa Stoltz. Les peintures bibliques qui l'ornaient ont
été préservées et sont aujourd'hui au
musée de Beauvais. La Villa Stoltz (1861) Pierre Joseph Olive, architecte. En 1878, à Pampelune,
Rosine se maria pour la seconde fois, à don Manuel-Louis de
Godoï, prince de Bassano, prince de la Paix. Elle avait avec
ostentation l’orgueil de ces divers titres, comme dans une lettre
d’elle, datée de 1879, qui porte cette signature aussi
étrange que compliquée " Rosa, duchesse et princesse de
Lesignano, princesse de Bassano, de Godoy et de la Paix, baronne et
comtesse de Ketschendorf, née marquise d’Altavilla (Rosa
Stoltz)."
On retrouve dans cette litanie, aux côtés
des titres de son mari, ceux obtenus par son fils et quelques autres
peut-être inventés. On lui a prèté un
troisième mariage avec un prince de Lesignano di San Marino,
sans pouvoir en préciser ni le lieu ni la date. L’an
mil neuf cent trois, le trente Juillet à midi, Acte de
Décès de Victoire Noël dite Rosina Stoltz, Princesse
Godoy de Bassano, Comtesse de Ketschendorf Veuve en premières
Noces de Alphonse Auguste Lescuyer Veuve en secondes Noces de Godoy,
prince de Bassano née à Paris, y
décédée en son domicile, avenue de l'Opéra,
n°30 ce matin à quatre heures, âgée de
quatre-vingt huit ans et demi fille de Père et de Mère
décédés dont les noms ne Nous sont pas connus.
Dressé par Nous, Charles Joseph Eugène Lavanoux, Adjoint
au Maire, Officier de l'Etat civil du deuxième Arrondissement de
Paris, Officier d’Académie, après constatation, sur
la déclaration de Ernest Charles William de Ketschendorf,
âgé de trente ans, sans profession demeurant à
Londres, Iles Britanniques, petit fils de la défunte, et de
Georges Charles âgé de cinquante ans, EmpIoyé
demeurant Rue Bonaparte, n°7, non parent de la défunte. En 1909, la Société de l’Histoire du Théâtre prit la décision de renouveler la concession de cinq ans, grâce à laquelle la fameuse cantatrice, créatrice de la Favorite, reposait au cimetière de Pantin, ailleurs que dans la fosse commune, déjà bien oubliée. **** Notes et sources: [1] Arthur Pougin - La Stoltz, L'intermédiaire des chercheurs curieux n°1208 Vol LIX ,1909. [2] Pierre Larousse - Stoltz, Rosine, in Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle, Paris 1878. [3]Le fils né de cette union le 21 septembre 1836 (donc avant le mariage célébré le 2 mars 1837) sera légitimé à cette occasion. Après la séparation, ce fils restera sous l'autorité de son père et Rosine Stoltz versera une pension pour son entretien (voir Le Droit, 27 mars 1844, p.323 et La Gazette des Tribunaux, 29 août 1857, p. 859). [4] Illustrations: Rosine Stoltz (1815-1903) - BNF Richelieu, Musique fonds estampes, Stoltz R.
Société d'Histoire du Vésinet, 2005-2009 - histoire-vesinet.org
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