Extraits de Roland Vidal, Imaginaire et réalités dans une station balnéaire des Côtes d'Armor, Sables-d'Or-les-Pins, Thèse de doctorat en Sciences de l'Environnement, ENGREF, Paris, 12 mars 2003. Le Vésinet, modèle d'urbanisme paysager : un exemple Les extraits qui suivent sont tirés de la thèse de Roland Vidal, Imaginaire et réalités dans une station balnéaire des Côtes d'Armor, Sables-d'Or-les-Pins, (doctorat en Sciences de l'Environnement, ENGREF Paris, 12 mars 2003). Il apparaît que le cahier des charges établi pour l'édification de la station balnéaire de Sable d'Or-Les-Pins fut rédigé sur le modèle de celui du Vésinet. Le chapitre développé ici concerne un aspect particulier de ce cahier des charges, celui des clôtures qui ont fait beaucoup, selon l'auteur, pour "l'image de marque" du Vésinet et que pourtant, tant de propriétaires d'aujourd'hui ignorent ou feignent d'ignorer.
Le Vésinet est connu comme la première "ville-parc" réalisée
en France et elle a, à ce titre, servi de modèle à beaucoup d'autres.
Dessinée par un paysagiste, le comte de Choulot, elle appartient à la
culture paysagiste du XIXe siècle. Le cahier des charges du Vésinet
n'est pas signé. Ils ne portent tous deux que l'en-tête des "vendeurs",
la société Pallu & Cie. Ils sont de toute évidence rédigés par
des juristes, mais semblent bien avoir été inspirés par les paysagistes.
Peu de temps avant la deuxième édition de celui du Vésinet, [La
première édition du cahier des charges date d’octobre 1858. La seconde édition,
qui annule la première, réglemente plus précisément les clôtures et
paraît en mai 1863] le comte de Choulot se plaignait
en effet de ces "murs de clôture, trop multipliés" qui
entouraient les premières parcelles déjà construites : "Ces
murs font tache, pour le moment, au milieu du vaste et harmonieux paysage.
Ce qui prouve combien l'art des jardins est peu compris encore, c'est
qu'aucun de ces petits enclos ne se relie au grand parc dont ils font
partie".[cf l'Art
des Jardins]. [...] Outre les dispositions visant à protéger les vendeurs contre d'éventuels recours ou complications, dispositions classiques dans tout texte réglementaire de cette nature, les "vendeurs" montrent, à travers le cahier des charges, leur volonté de garder la maîtrise du territoire. Il ne s'agit pas de juxtaposer des parcelles où chacun ferait ce qu'il veut tant qu'il ne gêne pas son voisin, mais de réaliser une œuvre globale, composée comme un parc paysager dans lequel sont concédées des parcelles destinées à la construction d'habitations. Et ces constructions ne peuvent se faire qu'en respectant l'unité de l'ensemble: une ville-parc doit donner l'impression d'un continuum de l'espace public que ne doivent pas briser les implantations privées. Il s'agit de "relier les parties publiques et les parties privées pour composer un ensemble qui devient, pour les yeux, la propriété de chacun". Cette volonté de garder la maîtrise du projet même après la vente des parcelles se traduit par une série de contraintes imposées aux propriétaires, mais elle commence par la maîtrise des espaces collectifs. Les vendeurs se réservent notamment l'entière gestion de la voirie, jusqu'à l'érection en commune. La voirie fait partie d'un domaine privé, mais les vendeurs tiennent à ce qu'elles soient aussi libres de circulation que des voies publiques, et à ce que les propriétaires des parcelles ne puissent exercer aucune pression à leur égard. Le cahier des charges du Vésinet le formule ainsi :
Au Vésinet, à l'inverse des autres villes,
les rues n'appartiennent pas au domaine communal, elles ont un statut
privé puisqu'elles sont tracées à l'intérieur des terrains achetés
par les promoteurs. Il importait donc de définir clairement la nature
de ce statut pour éviter que certains acheteurs ne soient tentés d'en
revendiquer l'appropriation et de les transformer en voies privées.
D'autant que l'entretien de ces voies est, dans les deux cas, assuré par
les vendeurs mais à la charge des riverains. Bien évidemment, les espaces réservés aux parcs, jardins ou promenades, font l'objet du même type de réserves que les voies de circulation. Dans le cahier des charges du Vésinet, les intentions paysagères sont explicites : "De vastes coulées et pelouses, destinées à transformer la forêt du Vésinet en un parc et à ménager les vues pittoresques qui l'entourent, ont été et seront encore établies successivement. MM. Pallu et Cie [se réservent] la propriété et la libre disposition des terrains affectés à ces coulées et pelouses".
La première règle concernant les clôtures énonce
qu'elles sont obligatoires et qu'elles doivent être réalisées rapidement. "Tout
acquéreur devra, dans le mois de son acquisition, clore le lot à lui
vendu". En fait, cette obligation de clore les parcelles dans
des délais aussi brefs est une manière de contrôler plus facilement
la forme que devront prendre les clôtures, forme qui, on le verra plus
loin, est particulièrement réglementée. Mais il s'agit aussi d'affirmer
le caractère urbain de la ville-parc. Certes, il s'agit d'une "ville à la
campagne", pour reprendre une expression couramment employée,
mais contrairement à la campagne, les maisons ne sont pas isolées et
situées à proximité d'un chemin rural ou d'une route, elles sont groupées
et situées le long d'une rue, même si la densité du bâti est faible.
Et les clôtures, parce qu'elles sont alignées et obligatoires, doivent
contribuer à l'aspect urbain des voies de circulation.
Les clôtures séparant deux propriétés voisines, qui sont moins visibles depuis les voies de circulation, font l'objet d'une plus grande tolérance. Elles sont néanmoins réglementées : ..."Les clôtures séparatives des lots vendus seront établies, à frais communs, par un treillage. Chaque acquéreur aura néanmoins la faculté de substituer un mur audit treillage; mais, dans ce cas, il ne pourra exiger la participation des voisins aux frais de construction. [Le mur] sera construit à cheval sur la ligne séparative des lots. Le mur ainsi établi sera, bien entendu, la propriété exclusive de celui qui l'aura fait élever; mais les voisins pourront toujours en acquérir la mitoyenneté. […] [l'acquéreur] devra se clore sans tour d'échelle". [servitude qui consiste à permettre à celui qui doit entreprendre des travaux ou des réparations, d'entrer dans la propriété de son voisin pour y poser le pied de son échelle.]
L'intégralité de la thèse peut être obtenue à l'Ecole Nationale du Paysage, Versailles.
Société d'Histoire du Vésinet, 2007 - www.histoire-vesinet.org |