D'après La Construction moderne, n°36, 6 juin 1926.

Les maisons de Jeanne Lanvin au Vésinet

Dans le boulevard de Belgique, à quelques centaines de mètres des Vieilles Tuiles, se trouvaient deux grands terrains disponibles [1]. Jeanne Lanvin en a fait l'acquisition et a chargé Robert Fournez [2] de construire sur chacun une villa – Oh! une villa assez grande – mais d'une belle simplicité, et l'excellent architecte les a composées avec des façades sobres, avec des intérieurs coquets. Il faut avoir visité ces intérieurs pour savoir combien Robert Fournez faisant du moderne, a su créer des intérieurs parfaits et séduisants.


Les deux villas aux 9 et 11 boulevard de Belgique

La première est une grande villa [1] puisqu'elle a une façade principale de 36,5 m de développement, le bâtiment principal ayant 26 m de longueur et 15,5 m de large. Ce bâtiment principal est complété par un autre, plus petit auquel il est rattaché par un passage couvert avec cintres en anses à panier à trois centres. Le petit bâtiment a une remise pour automobiles et, à l'étage, des chambres pour les domestiques.

L'aspect extérieur :
L'aspect est simple et coquet. Le bâtiment principal a deux ailes sur la façade principale qui limitent une grande terrasse de 15,52 m sur 5,90 m. On accède à cette terrasse par un grand perron droit de dix marches larges, celle de départ s'avançant en un courbe fort gracieuse.
Les contre-marches sont gravées de traits verticaux limitant des parties plates d'environ 8 cm de large et formant des sortes de godrons. Le nez de ces marches est de section droite c'est à dire sans arrondi. sur cette terrasse sont deux autres perrons ; par l'un on accède à l'habitation, par l'autre à une loggia dont nous parlerons plus loin. Les rampes du grand perron sont très basses, la terrasse est limitée par une sorte de bandeau sur lequel on déposera des jardinières, et des vases garnis de plantes fleuries.
L'habitation a un soubassement de deux mètres de hauteur constitué par des moellons rustiques de taille, mais appareillés avec de larges joints en ciment qui a conservé sa teinte naturelle. Au-dessus de ce soubassement est un bandeau de 0,35 m de hauteur formé de deux sections droites superposées. Ce bandeau en ciment avec sa teinte naturelle forme linteaux aux petites fenêtres s'ouvrant sur les caves et qui sont garnies de grilles de fer.
Au dessus de ce linteau, les façades ont reçu un enduit lisse de ton crème. A l'étage, les linteaux sont constitués par de larges poutres de ton grenat. Les petits pignons des lucarnes sont de ton blanc pur avec des linteaux et des pans de bois également grenat.
Les toitures sont simples, les versants rompus par quelques lucarnes, leurs saillies ont reçu un coffrage horizontal qui, comme les dessous des saillies des lucarnes est en sapin rouge, laissé apparent.


Grande villa dite La Chesneraie, façade antérieure

La couverture est en vieille tuile plate, assez grande, les arêtiers sont entièrement en ciment, tandis que les faîtages sont constitués par des tuiles faîtières et du ciment. Les fenêtres ont des volets en bois massif et peints en vert olive, ils sont ornés par une fleur de soleil découpée dans un motif rond avec un centre ajouré.
Les baies sont au contraire munies de persiennes en fer, du même ton vert olive que les volets et que les portes s'ouvrant au sol. Toute la menuiserie des croisées est peinte extérieurement en blanc pur.
Les couleurs franches des différentes parties contrastent donc agréablement avec l'enduit des façades et la blancheur des croisées : elles se marient bien aussi avec la teinte grise du bandeau qui surmonte le soubassement.


La Chesneraie, façade postérieure

Cette grande villa s'élève sur un terrain de 5.000 m². Ce terrain est bordé sur le boulevard de Belgique par une haie très haute qui masque la vue des passants sur la propriété puis par une ligne de tilleuls. La villa est encadrée par un jardin à la française aux pelouses bordées de fleurs et de buis. Le soubassement est bordé lui-même par une rangée de buis plus grands, taillés en olive. Ce joli jardin est limité sur les côtés par des haies d'ifs rompues par d'autres ifs taillés en cônes très pointus.

    [...]

La deuxième villa [La Buissière], qui s'élève sur un terrain de 3.000 m² est construite dans le même genre que celle que nous venons de décrire, mais sur un plan différent. Elle est aussi légèrement plus petite, mais cependant encore d'une certaine importance. Elle s'élève enfin sur un jardin disposé d'une manière analogue au précédent [4].
Le corps de bâtiment a une façade de 20,08 m sur le boulevard de Belgique et une largeur de 7,17 m; en arrière de ce corps et sur la prolongation de ses côtés se trouvent deux ailes de 10,38 m de longueur, celle de gauche comprenant des chambres à 6,44 m de large, celle de droite comprenant le garage pour automobile et deux chambres de domestiques, est légèrement moins large (6,23 m). Le corps en bordure du boulevard de Belgique a un seul étage, les ailes n'ayant qu'un rez-de-chaussée surélevé avec comble.


Vue d'angle, prise par l'arrière, permettant de voir la composition d'une façade latérale,
avec le perron précédant le porche de l'entrée principale (cliché 1926).

La particularité de la composition est que cette villa n'a aucune entrée sur la façade principale, on accède à l'habitation par un joli perron de sept marches qui montent à un porche d'angle précédant le vestibule d'entrée. Une entrée de service s'ouvre sur la façade latérale opposée.
Le soubassement est de 1,30 m de hauteur sur la façade principale, légèrement plus haut en arrière puisque le terrain est en pente. Ce soubassement n'est surmonté d'aucun bandeau contrairement à celui de la première villa décrite, c'est là la seule différence dans les éléments de façade avec ceux de l'habitation précédente. [5]

La façade postérieure de la Buissière en 2011.

 

La façade postérieure, projet d'aménagement. Eric Santos, arch. (2017)

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    Notes SHV :

    [1] L'ensemble de la propriété initiale couvrait près de 15.000 m². Il fut divisé en deux lots dont plus de 10.000 m² pour la première villa (la Chêneraire ou Chesneraie), qui sera morcelé en quatre lots à la fin du XXe siècle. La villa a conservé la plus grande parcelle de près de 4000 m².

    [2] Robert Fournez habitait lui-même au Vésinet, au 2, allée des Champs avec sa femme et ses deux enfants.

    [3] Près de 500 m² habitables et une terrasse de 80 m² ainsi qu'un vaste sous-sol.

    [4] Cette maison (la Buissière ou la Buisserie selon les sources), à l'angle du bd de Belgique et de l'avenue des Courlis, a été occupée d'abord par la sœur de Jeanne Lanvin puis, de 1959 à 2010 par François Ceyrac. Le terrain de plus de 4600 m² fut ensuite morcelé.

    [5] Occupée par l'armée allemande durant l'Occupation, la villa fut utilisée comme maison de repos ou de convalescence pour les officiers de haut rang, jusqu'à la Liberation (source familiale).


Société d'Histoire du Vésinet, 2012-2019 •www.histoire-vesinet.org