Extrait du Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle (tome 15e), Pierre Larousse, Paris, 1876.

L'Asile national du Vésinet

L'asile du Vésinet, situé vers l'extrémité sud-ouest du bois du Vésinet, à 1 kilomètre du chemin de fer de Paris à Saint-Germain, a été institué, en exécution des décrets du 5 mars 1855 et du 11 août 1859, pour recevoir les ouvrières convalescentes.
L'asile « impérial » du Vésinet avait été primitivement destiné aux ouvriers blessés dans le cours de leurs travaux ; mais en présence des heureux résultats obtenus dans l'asile de Vincennes, réservé aux hommes, on reconnut bientôt la nécessité et la justice d'accorder de semblables avantages aux convalescentes sortant des hôpitaux ; tel fut l'objet du décret du 28 août 1858, qui affecta l'asile du Vésinet à sa destination actuelle [1876].
Inauguré le 29 septembre 1859, l'asile du Vésinet se compose d'un vaste bâtiment central, reliant deux ailes, en retour d'équerre, qui embrassent la cour d'honneur et dont les différentes parties sont mises en communication par des galeries couvertes.


Inauguration de l'Asile Impérial, 29 septembre 1859

Au rez-de-chaussée du pavillon principal se trouvent les réfectoires ; au premier étage sont deux ouvroirs séparés par la chapelle, qui occupe le pavillon central. Le rez-de-chaussée et les deux étages des ailes situées à la droite de la cour d'honneur renferment les bureaux, les appartements de l'administration, les cuisines, les infirmeries et divers autres services. Les chambrées de convalescentes, contenant de 2 à 11 lits, occupent le rez-de-chaussée et les deux étages des ailes de gauche; des cabinets de toilette, alimentés d'eau chaude et d'eau froide, sont à l'usage des convalescentes.
L'asile est entouré d'un parc clos de murs, d'une étendue de 40 hectares. Situé dans un des sites les plus agréables des environs de Paris, cet établissement, entouré de bois et de verdure, offre aux convalescentes épuisées par la maladie un refuge salutaire, où, sous l'influence d'un air pur et d'une vie confortable, elles ne tardent pas à recouvrer leurs forces.

Les hôpitaux, les bureaux de bienfaisance, les sociétés de secours mutuels envoient leurs convalescentes à l'asile du Vésinet ; on y reçoit aussi les ouvrières travaillant chez les fabricants, industriels ou patrons qui ont passé des abonnements avec l'asile. Enfin, les ouvrières convalescentes résidant dans le département de la Seine et ne rentrant dans aucune de ces catégories sont admises à l'asile moyennant un prix de journée dont il leur est facile d'obtenir le dégrèvement.


Asile national du Vésinet, réfectoire (vers 1900)

Les convalescentes, conduites des hôpitaux au chemin de fer dans un omnibus spécial, trouvent à la station de Chatou l'omnibus de l'asile. A leur arrivée, elles revêtent l'uniforme de la maison, et, après avoir été examinées par l'interne de garde, elles sont distribuées dans les différents services.
L'emploi de leur journée est ainsi régi: les convalescentes se lèvent à six heures un quart, font leur lit, nettoient la chambre et se rendent dans les cabinets de toilette qui leur sont réservés; à sept heures un quart, elles vont à la chapelle faire la prière, puis descendent au réfectoire pour le premier déjeuner; à huit heures a lieu, dans les chambres, la visite du médecin ; à dix heures un quart se fait le déjeuner; à deux heures, distribution de pain pour la collation ; à quatre heures un quart, prière à la chapelle; à cinq heures, dîner; à huit heures, coucher général. Les convalescentes ont la jouissance du parc pendant toute la journée; elles doivent seulement être rentrées à quatre heures; le travail est complètement facultatif; les ouvroirs sont ouverts aux convalescentes qui désirent travailler. Celles qui se sentent fatiguées peuvent se mettre au lit, dans la journée, en avertissant la sœur surveillante; sur leur demande, les convalescentes peuvent être employées, pour le service de l'asile, aux travaux de la lingerie, de la cuisine, de la buanderie, etc. Pendant l'été, les plus valides font après le dîner, des promenades hors de l'enceinte de l'asile, sous la conduite d'une sœur.
L'asile possède une bibliothèque d'environ 2,000 volumes.
De même qu'à l'asile de Vincennes, l'alimentation, sans être recherchée, est abondante et aussi variée que possible; toutes les denrées alimentaires sont de première qualité; le pain et le vin sont excellents. Le régime tient compte de la situation toute particulière des nourrices et leur alloue des parts plus fortes que celles des autres convalescentes.


Asile National du Vésinet, ouvroir (vers 1900)

L'asile renferme 450 lits, dont 50 berceaux; ce chiffre est insuffisant, on est quelquefois obligé d'établir des lits supplémentaires. L'infirmerie compte 20 lits, destinés à recevoir trois catégories de malades: 1° les femmes qui arrivent à l'asile à un degré de convalescence assez peu avancé pour exiger encore des soins multipliés et minutieux, et qui, par suite, ne peuvent être astreintes à la discipline commune; 2° les convalescentes d'affections chirurgicales nécessitant des pansements nombreux et soigneusement faits; 3° les convalescentes frappées, pendant leur séjour à l'asile, soit par une maladie intercurrente, soit par une rechute. Le personnel du service médical comprend un médecin en chef; un médecin adjoint et trois internes. L'asile du Vésinet est administré, sous l'autorité du ministre de l'intérieur, par un directeur responsable, assisté d'une commission consultative. Le personnel administratif se compose d'un directeur, d'un receveur économe, de deux commis d'administration et de deux commis de comptabilité, d'un aumônier, de quinze sœurs hospitalières de l'Ordre de la Sagesse, [1] etc. [2]

Les ressources financières de l'asile se composent:

      1) du prélèvement de 1 pour 100 sur les travaux entrepris dans le département de la Seine,

      2) d'une subvention annuelle provenant du legs Montyon,

      3) des prix de journées payés par les convalescentes payantes,

      4) de la rente de la donation de 20 000 francs faite par M. Aubert, ancien chef de bureau à l'imprimerie nationale.

Depuis sa fondation jusqu'en 1866, L'asile a reçu près de 23 000 ouvrières. Les professions qui ont donné le plus de convalescentes sont les couturières, les blanchisseuses, les lingères, les piqueuses de bottines et les fleuristes. Les demandes d'admission sont moins nombreuses à l'asile du Vésinet qu'à celui de Vincennes; cela s'explique par l'empressement de toutes les femmes qui ont un intérieur, une famille, à quitter le plus tôt possible l'hôpital pour regagner leur domicile, où leur surveillance et leur activité font défaut. Mais, quand l'asile du Vésinet ne serait utile qu'à ces pauvres femmes isolées, sans parents, sans appui, qui, sortant de l'hôpital épuisées par la maladie, n'étaient que trop souvent disposées à ne prendre conseil que de leur désespoir, cet établissement tiendrait ne place d'honneur parmi les institutions nées du souffle de la bienfaisance moderne.

    Notes:

    [1] Premières arrivées en 1859, les sœurs hospitalières de la Charité de St Vincent de Paul furent remplacées en 1861 par des sœurs de la Sagesse.

    [2] Parmi les premiers employés du nouvel Asile figurait Maximin Giraud, 21 ans. Il était un des deux enfants qui, dix ans plus tôt, le 19 septembre 1846, furent les témoins de l'apparition de la Vierge à La Salette.

    [3] Lire aussi L'empereur et l'ouvrière, B. Vivien, 2011.

     


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