Selon Céleste Mogador, une reine de Paris, de Pierre-Robert Leclercq, Paris, 1996 Le Chalet des Fleurs de la comtesse de Chabrillan... Ruinée par la guerre de 1870 et la Commune, la comtesse de Chabrillan s'était résolue à vendre le "Chalet Lionel", la villa qu'elle avait fait construire au Vésinet à son retour d'Australie. Grâce à son ami et bienfaiteur, le comte de Naurois, un orphelinat fût édifié sur le terrain de sa propriété au profit de la Société de Secours aux Alsaciens-Lorrains. Bien qu'officiellement les fondateurs de l'oeuvre se soient formellement opposés à ce que l'ex-danseuse du Bal Mabille soit associée à cette édification, Céleste de Chabrillan put rendre fréquemment visite à "ses chères orphelines", avec la complicité bienveillante de Edouard de Naurois. Le décès de ce dernier en 1878 mit un terme à ces pratiques. La comtesse de Chabrillan décida alors de revenir s'installer au Vésinet.
La maison se trouvait au milieu d'un jardin de cinq cents mètres. Ombragé par d'énormes chênes et d'admirables sapins, ce chalet lui parut être l'abri idéal où elle se reposerait d'une existence si fiévreuse. L'intérieur en était délabré. Le prix de cinq mille cinq cents francs qu'on lui demandait ne représentait guère que la valeur du terrain, mais la construction elle-même exigeait bien des réparations. Elle n'avait pas cent francs d'avance. On comprend son hésitation à acheter une propriété dont elle devrait immédiatement payer le dixième ainsi que les frais d'achat. Elle ne pouvait emprunter sur ses rentes viagères et son actif de la Société des Auteurs ne dépassait pas quelques louis. La sagesse eût donc été de renoncer à cette acquisition, mais commence-t-on à être sage à cinquante-six ans ? [1]
Avec le peu qu'elle tira de son compte à la Société des auteurs, une avance que lui consentit Calmann-Lévy, son éditeur et un prêt dont elle ne précisa pas l'origine, Céleste acheta la maison et entreprit les travaux. Ils s'étaleront sur près de deux ans. Peut-être avait-elle du mal à payer les factures ? Le mobilier en était sommaire, les rares meubles que Céleste avait placés dans la salle à manger, ressemblaient, disait-elle, « à une mouche qui se serait promenée dans Notre-Dame »
Pour marquer cette pérennité, pour s'en convaincre, quoi de mieux qu'une grande fête ? Une pendaison de crémaillère s'y prête. Aux invités, Céleste a écrit "Plutôt que de fleurir ma tombe, apportez-moi des fleurs tant que je vivrai". Pour répondre au voeu de la propriétaire, chacun est arrivé avec bouquet, plante verte ou arbuste pour le jardin.
Durant neuf ans, Céleste partagea son
temps entre la boutique qu'elle tenait dans la Galerie de l'Horloge dans
le quartier de l'Opéra, et son Chalet. Elle y écrivit encore deux
romans Marie Baude (1883), Un drame sur le Tage (1885) et
ses dernières pièces Pierre Pascal un drame joué à l'Ambigü-Comique
(1885) et Cordon svp, une comédie représentée au Théâtre de la
Pépinière (1886). Ensuite sa santé défaillante l'obligea plusieurs fois
à prendre pension dans une maison de santé, la Maison Dubois [2]. Les
créanciers la harcelaient. Elle louait une partie de sa maison à un photographe.
Cela semblait une bonne affaire. Elle se prit de passion pour la photographie
et tira le portrait de toutes ses connaissances qui faisaient le déplacement
au Vésinet.
En 1889, après une hospitalisation et un séjour à la Maison Dubois plus long que les autres, Céleste dut se résoudre à se défaire du Chalet
des Fleurs, et quitta pour toujours Le Vésinet. Le journal La Liberté de Seine & Oise, organe des "cléricaux", commenta la nouvelle ainsi : "Quoi qu'il en soit, nous pensons que la Colonie bourgeoise du Vésinet ne regrettera que discrètement la perte qu'elle vient de faire."
Charles Sustrac, né au Vésinet, commune de Chatou, le 23 août 1874, archiviste paléographe est l'auteur d'une thèse sur les Célestins de France. Entré à la bibliothèque Sainte-Geneviève pour y demeurer jusqu'à sa retraite en 1936, il y fut successivement sous-bibliothécaire, bibliothécaire et conservateur. Il est mort à Bourg-la-Reine, le 11 mai 1951 et inhumé au Vésinet. Il était membre du Sillon et du Comité catholique pour la défense du droit. Au début du XXe siècle, le chalet sera reconverti en habitation. **** Notes et sources complémentaires: [1] Françoise Moser - Vie et aventures de Céleste Mogador, Albin Michel, Paris, 1935. [2] Etablissement de soins dénommé "Maison municipale de la Santé", communément appelé "la Maison Dubois" en souvenir d'un célèbre chirurgien, Antoine Dubois. Devenu par la suite l'Hôpital Fernand-Widal. [3] Archives commerciales de la France: journal hebdomadaire, 6 décembre 1890. [4] Le Sillon, journal fondé et dirigé par Marc Sangnier. Libr. Damby-Willemin (Paris) octobre 1903.
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