Jean-Paul Debeaupuis, Société d'Histoire du Vésinet, 2012-2014 Léopold Decron, architecte du Palais rose ... Dans la courte nécrologie que la revue Le Monde artiste lui consacra en juin 1912, l'auteur Pierre Ducré, mentionne parmi les œuvres de l'architecte , « le Trianon que possède au Vésinet le poète Montesquiou ». C'est la première piste – et la seule à ce jour – dans la recherche de l'auteur de cette demeure tellement emblématique du Vésinet qu'est le Palais rose.
Il est aussi architecte et administrateur des Monts-de-Piété (1890), membre de la Commission des logements insalubres (1885-1899) ; on lui connaît surtout de nombreuses réhabilitations, adaptations de locaux administratifs : bureaux de postes (rue Jouffroy, rue Singer, boulevard Voltaire, rue de Grenelle, ...), écoles (École Boulle, 1891-1892; École Ganneron, 1893), théâtres (l'Opéra Populaire, salle des Folies-Dramatiques, 1899).
A Liège, en 1905, Léopold Decron est encore en charge de la Section des Colonies françaises installée dans le Jardin d'Acclimatation et le Parc de la Boverie. Chaque colonie ou protectorat, répartis en quatre groupes, occupe édifice du style du pays. Ce sont les pavillons des Colonies africaines, des Colonies asiatiques, de l'Algérie et de la Tunisie.
En 1908, son nom est cité à propos de l'incendie qui a complètement détruit l'Hôtel des Téléphones, rue Gutemberg. Heureusement, on ne déplore aucune victime, la catastrophe s'est produite un dimanche. Les dégâts matériels sont très importants. L'Hôtel Gutenberg doit être mis pendant plusieurs mois hors service pour la plus grande partie, et un très grand nombre d'abonnés, 18 000, d'après le chiffre officiel, sont privés de toute communication pendant plus d'un trimestre. Il y aura de nombreux procès ...
Le travail de Decron ne sera cependant pas incriminé par l'enquête.
En Suisse, durant son exil, Léopold Decron avait épousé à Genève, en 1873, Elvire Berthe Gasc avec laquelle il eut trois enfants. Henri Emile, né en 1875, fera une belle carrière administrative. Après des études au Collège Chaptal, il devient ingénieur agronome, inspecteur des finances. Directeur du contrôle et de la comptabilité dans plusieurs ministères, sous-directeur au ministère des Finances, chef du cabinet de Joseph Caillaux (président du Conseil). Inspecteur général des Finances, il achèvera son parcours comme conseiller-maître à la Cour des comptes jusqu'en 1941. Son jeune frère, Charles François (né en 1878), employé de commerce, sera négociant à Paris. La cadette, Berthe Odile née en 1881, épouse au Vésinet en 1920 Edouard Texier, greffier au tribunal de Versailles puis au tribunal de la Seine. Il sera chevalier de la légion d'honneur. Veuf, Léopold Decron épouse en secondes noces Amélie Marie Morel, de vingt-et-un ans sa cadette, chanteuse de l'Opéra de Paris ; elle abandonne la scène après ce mariage pour exercer comme professeur de Chant. A partir de 1905, le couple passe les mois de la belle saison au Vésinet, au 10, avenue des Courses, à proximité des demeures que des membres de la famille (Morel et Akar) habitent depuis de nombreuses années. Madame Decron donne des cours, se produit dans les salons vésigondins, reçoit et organise des récitals. Monsieur Decron, participe à la vie locale ; en 1906, il signe une pétition contre la poussière du boulevard Carnot puis compte parmi les souscripteurs qui financèrent le revêtement en macadam du dit boulevard. La presse locale rend hommage à sa décoration. Après le décès de son mari, Amélie Decron continue à exercer comme professeur de musique et de chant, au Vésinet, jusqu'après la Grande guerre. En 1920, Madame Decron compte parmi les souscripteurs du Monument aux Morts du cimetière. Elle a reçu peu de temps auparavant de la Ville de Paris « une indemnité, à titre gracieux et exceptionnel, de 2 000 francs comme rémunération des études faites pour le compte de la Ville de Paris par son mari, architecte, décédé.» [8] En 1924, elle reçoit la médaille de bronze de la Reconnaissance française avec la mention suivante : « infirmière bénévole au service des soldats aveugles de la maison de convalescence et de rééducation, rue de Reuilly, 99 bis à Paris, s'est consacrée, pendant quatre années, avec le plus entier dévouement à la lourde tâche d'enseigner à ces infortunées victimes de la guerre divers métiers manuels ; a mis, en outre, en dehors de son service régulier, son activité au service des aveugles et a obtenu ainsi les résultats les plus indispensables à leurs nouveaux métiers. » [9] La lecture de cette biographie conduit à s'interroger : la carrière professionnelle de Léopold Decron ne le prédisposait guère à édifier un Trianon. Lui, dont les principales préoccupations étaient la réhabilitation des logements insalubres, l'administrateur des Monts-de-Piété, le lauréat d'un concours d'habitations à bon marché organisé par le Comité départemental de la Seine, comment en arriva-t-il à édifier le Palais rose ? Encore une « coïncidence » qui suggère que la carrière de Léopold Decron, comme la genèse de notre Palais rose conservent une part de mystère. Dans le cadre de l'exposition universelle de Liège, en 1905 (où Decron mérita sa légion d'honneur) dans l'ancien Jardin d'Acclimatation du Parc de La Boverie, là même où furent édifiés les Pavillons de Decron, on éleva aussi un Palais dit « des Arts de la Femme » qui était une copie presque parfaite du Trianon de Versailles. Il fut démonté au lendemain de l'Exposition. Qu'est-il devenu ? Palais de la Femme (palais de la dentelle) - Exposition Universelle, Liège, 1905. *** Notes : [1] Charles Elisée Goss est connu comme l'auteur des plans inspirés de Garnier. Decron aurait été l'architecte exécutif. [2] La Lanterne, journal politique quotidien, 25 Août 1898. Le projet fut parfois attribué (à tort) à Charles Albert Mussigmann. [3] Cité par La Revue de l'art ancien et moderne. avril 1937. [4] Une brochure, publiée en 1906 précise que le projet était dû à M. Guy, architecte des Bâtiments civils à la direction des Travaux publics, à Tunis. M. Decron, architecte du ministère du Commerce, était chargé de l'exécution des travaux. [5] Le Génie civil : revue générale des industries françaises et étrangères, 22 juillet 1905. [6] Dans Le Rappel, n°14076, 24 septembre 1908. [7] Le caveau de la famille Schweitzer, décoré du même marbre rose que le Palais, ne porte pas de signature d'architecte. [8] Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, n°98 (t.2) 12 avril 1821. [9] J.O. n°317, 21 nov. 1920.
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