Archives Nationales N/IV/Seine/89 [1]

Plan de la forêt du Vézinet (1824)

    par le chevalier Victor de Moléon

Ce plan est le dernier connu avant que la transformation de la forêt du Vésinet [2] commence (onze ans avant le percement de la voie de chemin de fer ; trente-cinq ans avant le début du lotissement du Vésinet.
Il est dressé dans le cadre de la Nomenclature (inventaire détaillé des biens de la Couronne commandé par le roi Louis XVIII lors de la première Restauration conformément à l'Art. 3 de la Loi du 8 novembre 1814 relative à la Liste Civile) dont il porte le numéro 103. L'auteur en est le Chevalier V. de Moléon, Ingénieur en chef des Domaines et Forêts de la Couronne nommé par S.E. le Ministre des Finances pour exécution de la dite Loi. Il est conservé dans un ouvrage relié intitulé Atlas Matrice des Domaines de la Couronne comptant 92 planches en couleur (0,40 x 0,55 m) inventoriant les propriétés, châteaux, parcs, forêts appartenant à la couronne dans les (anciens) départements de la Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Oise, etc.

Le chevalier de Moléon

Jean Gabriel Victor TULEU de MOLEON, est né le 14 juillet 1784 à Agde (Hérault) où une rue porte son nom. Il est mort à Paris (1er) le 25 juillet 1849 à l'âge de 65 ans. Ancien Élève de l'École Polytechnique et de l'École des Mines, ingénieur du Cadastre sous l'Empire, nommé ingénieur en chef des Domaines de la Couronne sous la première Restauration, il fut aussi directeur-propriétaire du « Recueil industriel » une maison d'édition qui a produit de nombreux ouvrages savants. Fondateur de la Société Polytechnique pratique, membre du jury central de l'Exposition de 1823, administrateur ou membre de plusieurs sociétés françaises et étrangères, le Chevalier de Moléon fut l'auteur de plusieurs ouvrages sur l'industrie, la statistique et l'économie publique.

Plan de la forêt du Vézinet, par le chevalier V. de Moléon (10 avril 1824).

Archives municipales du Vésinet (cliché SHV, 2018)

Le document

La carte (au 1/5000e) énumère, définit et localise les différentes propriétés relevant de cette Nomenclature et y joint leur contenance dans un tableau :

    1) Le Bois du Vézinet, 200ha 19a (Section à l'Ouest de la route de Paris, les principales routes faisant la division des sections).

    2) Le Terrain de manœuvres, 11ha 91a (dit Terrain de la Couronne employé aux manœuvres de la Cavalerie).

    3) La Maison du Garde et ses dépendances, 0ha 33a.

    4) Le Bois, 1ha 32a (dit La Garenne du Vézinet, close, attenante à la Maison du Garde).

    5) La Terre, 4ha 26a (cultivée autour de la maison du garde).

    6) Le pavillon nord et ses dépendances, 0ha 03a.

    7) Le pavillon sud et ses dépendances, 0ha 01a.

    8) Le Bois, 189ha 16a [Section entre la route de Paris et la route de la Princesse]

    9) Le Bois, 71ha 15a [Section à l'Est de la Route de la Princesse]

      ... Totaux : 478ha 36a [3]

Elle comporte aussi nombre de détails intéressants et originaux. Elle situe et nomme les portes qui ouvrent sur l'extérieur, cette forêt étant rigoureusement enclose par le Mur des garennes depuis la fin du XVIIIe siècle. la Porte des Bois (ouverte vers le Petit Chatou par la route de St Germain à Argenteuil) ; la Petite porte de la Garenne (ouverte vers la route de la Procession à Chatou) ; la Porte de Croissy (face au Chemin de la porte de Croissy, allant aux Gabillons) ; la Porte du Hallage [sic] au niveau de la borne 31, vers la route du Hallage, nom donné sur le plan à nos chemin de ronde/rue du 11 novembre.
Un nom interroge : la Pointe D'Écourly [sic] à l'extrémité nord de la forêt, vers Montesson connue par la suite comme la Pointe des Courlis. Erreur orthographique ou mauvaise transposition ?

Le plan de la forêt est complété par les descriptions précises des différents bâtiments qu'elle renferme et qui sont autant de biens de la Couronne. La Maison du Garde (parfois désignée ailleurs par le nom de Petit Vésinet), était le logement du Garde en titre depuis le XVIIe siècle. Certaines sources (vers 1830) précisent qu'il s'agit alors du « garde à cheval ». Le Pavillon Nord près de l'Étoile Royale, un ancien relais de chasse avant la Révolution qui servira un temps de logis au garde Sourbelle (~1836) et sera le théâtre d'un fait-divers douloureux et souvent cité pour les dégâts de la foudre et les blessures de Mme Rollot, la femme du garde (1807).
Le cas du Pavillon Sud suscite quelques interrogations. Sur ce plan de Moléon, il est situé près de l'Étoile de Croissy (qui correspond aujourd'hui à l'intersection des routes de la Prise d'Eau et de Croissy). Cette localisation n'est mentionnée nulle part ailleurs. Il se pourrait que ce soit une erreur car, sur ce plan, le logis dit du Garde-bois [4] qui figurait déjà sur les cartes d'avant la Révolution et qui apparait encore sur la Carte de Caron (1829) et sur les premiers plans de la Compagnie Pallu de 1858 [5] est manquant. Sur ces documents, il se trouve le long de la même route de Croissy mais plus loin d'un kilomètre vers l'Est, près du croisement avec la Route de la Princesse. Il est représenté pour la dernière fois à quelques dizaines de mètres de l'entrée de l'Asile impérial (alors en construction et encore nommé Hôtel des Invalides civils) sur le plan de la Société Pallu édité pour les premières ventes (1858). Il aura disparu sur les éditions suivantes.

Propriétés de la Couronne bâties dans la forêt du Vésinet (1824)

La Maison du Garde (3) Le Pavillon Nord (6) Le Pavillon Sud (7).

 


Localisation du Pavillon du garde dit Garde-bois entre 1783 et 1858.

En haut : Carte de Main (1783). En bas Plan de la Société Pallu & Cie (1858) (collection SHV).

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    Notes et sources :

    [1] Atlas Matrice des Domaines de la Couronne dressé par M. de Moléon, Ingénieur des Domaines de la Couronne (92 planches 0,40 x 0,55 m ; couleur) feuille 48. Propriétés, châteaux, parcs, forêts appartenant à la couronne dans les dép. de la Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Oise, etc. (Notice 2195).

    [2] Pendant trois siècles (XVIIe, XVIIIe, XIXe) les deux formes avec un « s » ou un « z » ont co-existé sans que l'on puisse y voir un moyen de datation. Cela correspond à une longue période durant laquelle l'orthographe des noms propres n'était pas rigoureuse. La forme avec un « z » est peut être plus ancienne car c'est la seule utilisée comme patronymes, ceux-ci étant généralement fixés depuis le XVIe siècle.

    [3] La surface totale inclut le terrain qui sera consacré à l'édification de l'Asile impérial (~37ha).

    [4] Le dernier à occuper la fonction fut Nicolas Pierre FOY (1798-1880) garde-forestier, fils et petit-fils de « Gardes des plaisirs du roy » à la capitainerie de St-Germain-en-Laye. Il deviendra maçon à Chatou puis rentier à Levallois où il finira sa vie.

    [5] Société Pallu et Cie, Plan général du Parc du Vésinet indiquant les lots de terrains à vendre (dépôt légal 197, 1858)


Société d'Histoire du Vésinet, 2024 • histoire-vesinet.org