Jean-Paul Debeaupuis, Société d'Histoire du Vésinet, 2016. La villa Beaulieu, route de la Croix La propriété apparaît dans les archives lorsque le 26 juillet 1862, Joseph Olive et son épouse Clémence Patenotte vendent au baron Trotter une « maison de campagne située au Vésinet, rue de la Croix, devant le lac de Croissy, comprenant le 30e lot, et partie du 27e et du 28e lots, ancien de l'îlot n°12 de la division du parc du Vésinet. Elle tient par devant à la route de la Croix, au fond au 25e lot, et au 26e lot de l'îlot n°12, d'un côté au 31e lot, auquel se trouve réuni le surplus du 27e lot, d'autre côté au 29e lot du même îlot, auquel se trouve réuni le surplus du 28e lot. » « ...construite en briques et pierres, avec balcon et tourelles, est élevée sur cave d'un rez-de-chaussée, d'un premier étage, et d'un second étage, couverte en zinc et ardoises elle comprend vestibule avec perron, salle à manger, boudoir, quatre chambres de domestiques, closets, cuisine, cave. Les dépendances consistent en deux pavillons séparés, disposés pour logement de concierge et de jardinier, et pour écurie et remise ou salle de billard. Jardin dessiné et planté à l'anglaise pièce d'eau et réservoir. Cette propriété de la contenance superficielle de trois mille cent quatre mètres soixante-dix huit centimètres, est close sur les côtés et au fond, partie en mur et partie en treillage, et sur le devant par des murs d'appui cimentés avec grille et facade de quarante-sept mètres sur la route de la Croix. »[1] Thomas William Trotter (1809-1879), baron de la lignée écossaise des Trotter of Ballindean dans le Comté de Perth, né à Edimbourg (Écosse) en 1809, avait appartenu au H.E.I.C. Civil Service, la célèbre Compagnie des Indes Orientales, une puissante entreprise britannique active entre 1600 et 1858, qui exerçait un contrôle commercial et administratif sur de vastes régions de l’Inde. Le Civil Service désignait les fonctionnaires civils employés par la Compagnie pour administrer ses territoires. [2] La villa de M. et Mme Jennings, 3 route de la Croix au Vésinet (~1904)
Dans les dernières années du XIXe siècle, la propriété passe aux mains du docteur Jennings (1851-1914), neurologue de réputation internationale qui va faire de la villa un établissement de soins. ... Parmi les savants qui sont à la tête de ce mouvement, un surtout est arrivé à des résultats absolument merveilleux, c'est le docteur Oscar Jennings, qui, un des premiers, appliqua ce traitement avec succès dans sa villa du Vésinet, aux environs de Paris. Nous extrayons ces quelques principes d'un de ses rapports. « Le fond du traitement est la suppression de la morphine, sans souffrance, rendue possible au malade par sa propre volonté, grâce à la suppression du besoin. » [...] Le parc de la villa du Dr Jennings L'illustration, 1904 Oscar Jenning meurt le 23 novembre 1914, à Ramsgate, où il avait l'habitude de se rendre en villégiature. Il avait regagné l'Angleterre à la déclaration de guerre. Après sa mort et la fermeture de son établissement, ses méthodes seront reprises à la Villa des Pages du Dr Raffegeau où le traitement des addictions deviendra une des principales activités.
Délaissée durant la première guerre mondiale, la propriété sera reconvertie dans les années vingt en pension de jeunes filles de bonne famille. Plus qu'un établissement d'enseignement c'est un lieu où les parents fortunés placent leurs filles trop jeunes à marier, qui peuvent y acquérir ou entretenir leurs bonnes manières. Divers documents publicitaires illustrés vantant les mérites de l'établissement donnent une idée du décor au milieu duquel ces jeunes filles vivaient. Certains de ces documents ont été publiés [7]. C'est à cette époque que le nom de Beaulieu apparaît, sans doute choisi pour sa connotation de chic international. Les hôtels, pensions et autres résidences portant ce nom à travers le monde sont innombrables. “Beaulieu” Family house — Le Vésinet A wild corner in the garden. (1937) Enfin, dans les années trente, l'établissement s'ouvre à une plus large clientèle en devenant un Family Home qui, dans ses publicités, valorise son restaurant en plein air, sa bonne cuisine, sa cure d'air, son parc, ses tennis et dans son élan s'attribue son lac (le lac de Croissy tout proche). On peut y organiser des réunions de week-end, des parties, des teas, et autres cérémonies, communions, mariages, banquets, le tout à prix honnête ! La Villa Beaulieu à la veille de la Seconde Guerre mondiale Selon de nombreux biographes du général de Gaulle, c'est dans cette villa que le chef nouvellement nommé de la 4e division cuirassée de réserve s'installe le 12 mai 1940, rencontre le lendemain ses officiers d'état-major, puis le surlendemain la plupart des cadres de sa division. Un jour encore et tout le monde sera parti pour le front. Beaulieu à la fin du XXe siècle (Carte postale) *** Notes et sources : [1] Acte de vente par M & Mme Olive à M le Baron Trotter, MMe Chardon & Roquebert, le 26 juillet 1862. [2] Burke, Bernard (Sir) - A genealogical and heraldic history of the landed gentry of Great Britain & Ireland. Harrisson Pall Mall, London. [3] Le Vésinet et ses environs, D. Thibault & G. Deloison, Histoire, Administration, Commerces, 1892. [4] Publications d'Oscar Jennings : - La santé par le tricycle, Librairie Universelle, 1889 - On the cure of the morphia habit, Baillière, Tindall & Cox, London, 1890 - La guérison de la morphinomanie sans souffrance, Maloine, 1902 - Morphinisme et morphinomanie, Vigot Frères, 1910. [5] British Medical Journal, 19 2(2816), 19 décembre 1914. [6] Une nouvelle méthode de guérison de la morphinomanie, L'Illustration, 1904. [7] Michèle Courbis, Le Vésinet (Tome II) Mémoires en image, Alan Sutton, 2012.
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