Les
commanditaires des sociétés "Pallu & Compagnie"

Parmi les personnages intéressés à la constitution de la Société Pallu & Compagnie, figurent quelques-unes des plus grandes fortunes de leur temps. Banquiers, investisseurs, industriels ils représentent les deux groupes les plus influents de cette époque la "Réunion financière" de Rothchild (Marcuard) et le groupe Pereire (Biesta, Grieninger) qui étaient à couteaux tirés au même moment dans de nombreuses affaires, mais aussi quelques "indépendants" aux fortunes immenses, toujours soucieux de participer aux bonnes affaires, tels Galliera, Pillet-Will, Morny...

La première société MM. Pallu et Cie (créée le 24 mai 1856).

Charles de Flahaut, né le 21 avril 1785 et mort le 2 septembre 1870 à Paris, fut un militaire et un diplomate français de renom. Après une jeunesse itinérante dans quelques villes d'Europe (Londres, Hambourg, Bremgarten), il commence sa carrière militaire en se mettant au service de Bonaparte, puis, avec l'aide de Talleyrand va entamer une carrière militaire fulgurante. Pendant ses quinze ans au service de Napoléon, il aura participé aux campagnes les plus prestigieuses : Marengo, Ulm, Austerlitz, Iéna, Eylau, Friedland, Wagram. Il aura aussi été présent lors de la campagne de Russie, et lors de l'ultime bataille de Waterloo. Napoléon lui a aussi confié ses premières missions diplomatiques à Neumarck en 1813 (exécuter l'armistice conclu avec les armées russes et prussiennes) et à Lusigny en 1814 (négocier l'armistice avec les alliés). Il poursuivra sa carrière diplomatique tout au long de la Monarchie de Juillet jusqu'en 1848. On l'a dit fils naturel de Talleyrand et père du duc de Morny. C'est probablement à ce dernier titre qu'il a participé à cette affaire.

La seconde société Alphonse Pallu et Cie (créée le 14 juin 1858)

Aux fondateurs, s'ajouteront les créanciers de Henri Place, lors d'un acte d'abandon de biens du 6 juillet 1858.

  • Frédéric Grieninger, négociant,
    en son nom personnel et au nom de la Maison J-P Pescatore et Cie, Paris

Né à Vienne, Autriche en 1815, Frédéric Adolphe Grieninger était luthérien et resta toute sa vie sujet autrichien. Principal commis de Jean-Pierre Pescatore, puis associé (1845), il lui succéda à sa mort en 1855, mais la raison sociale resta Jean-Pierre Pescatore jusqu’à la liquidation de la société en novembre 1860. Grieninger fut un des piliers du groupe Pereire et siégea au Crédit mobilier dès la fondation et dans de nombreux autres conseils du groupe. Il joua un rôle très important dans la fondation de la Banque impériale ottomane : mandaté, avec Henri Place, par Émile Pereire en mai 1856 pour négocier à Constantinople avec le gouvernement ottoman la création d’une banque nationale, il échoua à cause de la banqueroute de Place le 31 mai qui arrêta l’expédition à Marseille, mais il reprit les discussions en décembre 1862 et signa l’acte de concession du 27 janvier 1863. Il fit partie du comité de la Banque impériale ottomane 1863-1868. Commissaire et administrateur de la Banque franco-égyptienne (1870). Il était administrateur des compagnies d’assurances la Réunion et l’Urbaine (1856) ainsi que des Entrepôts et magasins généraux de Paris. Il fut aussi consul du Holstein-Oldenbourg, membre du Cercle des Champs Elysées et du Cercle des chemins de fer. A sa mort, le 15 septembre 1888, il laissa une fortune considérable, constituée exclusivement de valeurs mobilières et d’espèces.

  • Fréderic Adolphe Marcuard, banquier,
    en son nom personnel et au nom de la Maison Marcuard et Cie, Paris

Frédéric Adolphe Marcuard naquit le 2 mars 1798 à Bellerive, près de Thoune dans l'Oberland bernois. Après de courtes études à l’école cantonale de Berne, il y commença à la fin de 1813 son apprentissage commercial. L’année suivante, il rejoignit à Paris son oncle François Cottier (1780-1843) et partagea son temps entre l'Affaire familiale à Berne et la Banque André & Cottier à Paris. Lorsque Dominique André prit sa retraite, Marcuard lui succèda. Après la mort de François Cottier (1843), celle de Dominique André (1844) et le retrait d'Ernest André, Adolphe Marcuard resta le seul gérant de l'établissement qui prit le nom de Banque Marcuard & Cie.
Marcuard s’intéressa au développement du chemin de fer. On le retrouve sous la Monarchie de Juillet, parmi les gros souscripteurs des compagnies du Centre, du Nord, du Paris-Strasbourg et de l’Est dont il devint administrateur (1845-1868), du Paris-Lyon ou encore de la Société des houillères et du chemin de fer d’Epinac, transformée en société anonyme en 1850, où les capitaux protestants étaient dominants. En 1863, il était administrateur du Sous-Comptoir des chemins de fer.
Il prit une part active dans la création de deux grandes sociétés métallurgiques françaises. En 1852, il fut, avec Horace Say, le fondateur de la Compagnie des forges et chantiers de la Méditerranée, regroupant trois chantiers navals, dont ceux de La Seyne; Marcuard apporta à titre personnel 10 % du capital et devint administrateur du nouvel ensemble. Il compléta d’ailleurs cet investissement marseillais par des participations dans les Messageries impériales, les Docks de Marseille, la Société générale de transports maritimes à vapeur, la Société de raffinerie de la Méditerranée.
Il figure également en mars 1853 parmi les fondateurs de la Société anonyme des mines de plomb argentifère et des fonderie de Pontgibaud qu'Alphonse Pallu quittait pour s'installer à Paris. Se contentant pour lui même de 3% du capital, Marcuard en prit pour sa banque 28%, partageant ainsi le contrôle de la nouvelle société avec un groupe britannique qui s’était assuré 40% des actions.
En 1856, il fit partie de la Réunion financière aux côtés des Rothschild tandis que son commanditaire Ernest André siégeait, lui, dans les sociétés concurrentes des frères Pereire. Administrateur de la Compagnie des Assurances générales (1845-1848), il en sera président de 1862 à sa mort.
Si le grand-père d’Adolphe reçut en 1772 de l’empereur Joseph II d'Autriche le titre de chevalier de l’Empire pour lui et sa descendance avec le droit de prendre le titre d’Edler von Marcuard, aucun membre de la famille ne porta la particule ou ne fit usage de sa noblesse. Adolphe siégea néanmoins parmi les notables bernois: il fut reçu à l’Abbaye des Bouchers le 21 novembre 1827 et peu après élu membre du Grand Conseil. Il siégea en 1828 au Conseil du commerce et entra au Conseil de la ville de Berne en 1831. Il était en outre capitaine et aide major des milices bernoises.
A Paris, il contribua à la fondation de la Société helvétique de bienfaisance. Il était membre du Cercle des chemins de fer. Il devint chevalier de la Légion d’honneur en 1862. Il mourut à Paris le 3 avril 1868 et fut inhumé selon sa volonté à Berne. Dans son testament, daté de 1866, il avait prévu que sa fortune serait partagée de façon égale entre ses 21 neveux et nièces à l’exception de legs particuliers pour un montant de 1,1 million de francs. Parmi ces derniers, 100 000 francs aux pauvres et aux institutions de bienfaisance de Berne, 45 000 francs à des institutions protestantes ou suisses de Paris. Il fit également don à la bibliothèque de Berne des papiers du maréchal Brune qui étaient d’une importance particulière pour l’histoire locale.

  • Jacques Edmond Le Campion, négociant,
    en son nom personnel et au nom de la Maison de Commerce Le Campion & Théroude

Edmond Le Campion, armateur grandvillois (il fut maire de Grandville de 1841 à 1848 puis de 1854 à 1861) fit fortune grâce à la pêche à la morue à Terre-Neuve. Il fonda la Compagnie Le Campion & Théroude qui deviendra la Compagnie générale maritime, puis la Compagnie générale transatlantique.

  • Michel François Girod,
    au nom de la Maison de Banque Pillet-Will et Cie

Michel-Frédéric, comte Pillet-Will, financier français, né à Montmélian (Savoie) en 1781, mort en 1860. Il descendait par sa mère des d'Aguesseau. Pillet-Will vint s'établir à Paris sous l'Empire, s'y occupa de commerce, puis de banque. Il fonda, en 1818, avec Benjamin Delessert, la Caisse d'Epargne, dont il devint un des directeurs, fut nommé, dix ans plus tard, régent de la Banque de France (1828) et fit partie du conseil supérieur de santé (1831). Il fonda à l'Académie du Turin, dont il était membre, quatre grands prix de physique, de chimie, de mathématiques. Surnommé le Rotschild savoyard, il comptait parmi les plus grosses fortunes de son temps. Michel Girod devint son associé en 1846.

  • Adolphe Laurent Auguste Eynaud, avocat,
  • Hippolyte Guillaume Biesta, directeur du Comptoir National d'Escompte,

Hypolite Guillaume Biesta commença sa vie professionnelle comme clerc de notaire. En février 1841, il devint cogérant de la Fonderie générale des caractères français et étrangers. Membre du Comité central des électeurs de la Seine, Biesta participa à la première réunion de l’opposition chez Odilon Barrot qui décida le recours à l’agitation pacifique contre le régime de Juillet. Il joua un rôle actif en février 1848. Le 20, Garnier-Pagès le nomma sous-délégué du gouvernement provisoire près le Comptoir d’Escompte de Paris. Cette nomination, plus politique que motivée par l’expérience financière de son bénéficiaire, était due peut-être aussi à Emile Pereire, partie prenante dans la fondation du Comptoir et l’un de ses principaux actionnaires, et Biesta conserva ses fonctions malgré les évolutions politiques ultérieures jusqu’à sa mort.
Au sein du groupe Pereire, il fut membre fondateur et administrateur du Crédit mobilier, il a participé comme souscripteur et administrateur aux grandes entreprises des Pereire, à l’exception notable des Chemins de fer du Midi. Il survécut aux Pereire puisqu’il continua à siéger sous la présidence de Germiny au Crédit mobilier et à la Compagnie immobilière après le départ des fondateurs. Sous le Second Empire, il fut en outre censeur des Houillères et fonderies de l’Aveyron, du Sous-Comptoir des chemins de fer, administrateur de la Compagnie de la Vieille Montagne, des Mines de cuivre de Huelva, du Central-Suisse, des Chemins de fer du Dauphiné, de la Compagnie fermière de Vichy, des Salins du Midi, de la Paternelle, etc.
Titulaire de la croix de juillet, Biesta fut nommé chevalier de la Légion d’honneur le 9 août 1833. Il était membre du Cercle des chemins de fer. Il employa une partie de sa fortune à des acquisitions foncières et immobilières à Bougival, où les parents de sa femme avaient acquis une propriété en 1811, il acheta en avril 1849 dix-huit hectares sur l’île de la Chaussée. En juin 1857, le prince Murat lui vendit pour 168 000 francs le château d’Aguesseau, superbe demeure de style Louis XIII qui domine Trouville et la mer, et son domaine de douze hectares. En avril 1860, il dépensa 770 000 francs pour un ensemble immobilier de quatre bâtiments avec six boutiques situé au bas de la rue Caumartin, à l’angle du boulevard de la Madeleine, qui existe toujours. Enfin il compléta ses acquisitions en mai 1864 et décembre 1865 par deux fermes de 169 et 164 hectares en Ile-de-France qui lui coûtèrent au total 754 000 francs et lui procuraient un revenu de 29 000 francs par an.

  • François Aimé Boutarel, négociant,

Industriel et économiste, né à Paris en 1826. Il étudia le droit, devint auditeur à la cour des comptes, puis démissionna pour s'adonner l'industrie. Aimé Boutarel fit partie de la commission supérieure des Expositions internationales. Passionné de questions relatives au commerce, à l'industrie, aux banques, etc., et il a collaboré au Journal des économistes et à L'Economiste français. Il a publié un Traité de commerce et le libre échange (1862) et plusieurs ouvrages touchant à l'économie et à la finance.

  • Alphonse Pallu, propriétaire,
    en son nom personnel, au nom de la Société Pallu & Cie
    et comme mandataire de Raphael de Ferrari, duc de Galliera

Raphael de Ferrari, duc de Galliera, et plus tard prince de Lucedio, financier italien, né à Gênes en 1803, mort dans la même ville en 1876. Descendant des marquis Ferrari, il avait hérité de son père, habile financier lui-même, d'une immense fortune. Rafaele Ferrari s'intéressa dans presque toutes les grandes affaires financières créées à partir de 1850 en Europe, spécialement dans les entreprises de chemins de fer français. Il retira de ses opérations des bénéfices colossaux qui lui permirent en 1874 de donner à sa ville natale une somme de 20 millions de francs, destinée à l'amélioration du port. A cette occasion, le roi Victor Emmanuel lui accorda le titre de prince de Lucedio. A sa mort, la fortune du duc était évaluée à 130 millions.

  • Charles Pierre Victor Pajol, chef d'état major de la cavalerie de la Garde Impériale,
    non présent mais solidaire de tous les autres.

Le comte Charles-Pierre-Victor Pajol, fils d'un général de la Grande Armée a suivi également la carrière des armes. Officier d'état-major, il fut chargé d'une mission au camp de Krasnoé-Sélo et fit plusieurs campagnes en Afrique, prit part à la guerre de Crimée, devint colonel d'état-major en 1855, combattit en Italie, puis fut promu général de brigade. Pendant quelque temps, il commandera la subdivision de Seine-et-Marne, puis il servira pendant la guerre de 1870-1871, devenu général de division. Partageant les loisirs que lui laissaient ses devoirs militaires entre les beaux-arts et les lettres, il s'est fait connaître comme sculpteur en exécutant notamment la statue en pied de son père qu'on voit à Besançon, la statue équestre de Napoléon 1er, qui fut placée sur le pont de Montereau, et, comme écrivain, en publiant: Pajol (1874, 3 vol.. avec atlas), ouvrage dans lequel il raconte la vie de son père et l'histoire des guerres auxquelles il a pris part.

 


Société d'Histoire du Vésinet, 2006 - www.histoire-vesinet.org