.. Immergé durant les ères secondaires et
tertiaires, le territoire du Vésinet est constitué d'une accumulation
de couches horizontales. A partir du niveau inférieur, le sol est stratifié de
calcaires pisolithiques grossiers de Meudon, formés de débris organiques
sur 4 à 5 m d'épaisseur, puis de sables argileux à coquilles d'huîtres,
de 15 m environ et enfin, de l'épaisse couche de calcaires grossiers
de Paris. Quel pouvait être l'aspect de la forêt
au temps des chasses royales ? Louis XIV chassant au vol dans le bois du Vésinet gravure de Gustave Doré (1861) inspirée par le Journal de Dangeau (1699). Malgré les importants travaux d'aménagement
engagés par le jeune Louis XIV en 1664, avec treize
mille pieds d'arbres, (ormes, érables, tilleuls, châtaigniers) la plus part plantés en alignements,
soit près de 25 km de voies bordées d'arbres qui donneront cet aspect
si caractéristique au Bois du Vésinet sur les cartes
des XVIIe et du XVIIIe siècles, la forêt se développe mal.
La presse et les documents du XIXe siècle
sont unanimes pour affirmer que le sol de la forêt du Vésinet est poudreux,
aride et maigre. Que c'est un lieu sauvage et désert, inhospitalier,
envahi de bruyères et de taillis, où ne s'ouvre aucun horizon. Selon
les termes de l'époque, la végétation y est sans vertu, paresseuse
et languissante, les arbres sont rachitiques et rabougris.
Les chênes moroses sont envahis par la bruyère et les arbrisseaux
obstruent tout horizon . Le bois est à peine vivifié par les précipitations
et lors des saisons pluvieuses, des mares se forment, génératrices
de moustiques. Nouvel Eden, surgi d'une infertile terre, Où frappés par le spleen, s'étiolaient naguère Des chênes rabougris. On a souvent écrit que le sol du Vésinet
est favorable aux plantations de chênes et de conifères. Mais il faudra
beaucoup de terreau et d'arrosage pour donner au sol la fertilité propice
aux besoins des cultures d'agrément. L'habitant du Vésinet, saisonnier
ou fixe, passera une bonne partie de son temps de loisir à cultiver
son jardin. Le sol, jadis aride, devra être irrigué par un système
hydraulique performant à la hauteur de la tâche. Commandez à la terre par votre génie et la terre, obéissante, se couvrira de fruits pour vos besoins et d’ornements pour vos plaisirs. Le défrichement du parc du Vésinet a été comparé aux
plans d'aménagement des terres insalubres sur le territoire français,
exécutés par l'Empire, dans les Landes et en Sologne, entre autres.
Le sol du Vésinet, jadis difficile, se révélera plus convenable à l'horticulture
dès lors qu'on disposera d'un système d'adduction d'eau. Le Vésinet - Petites rivières créées en 1858 Il faudra du temps pour que la main de l'homme parvienne à maîtriser cette nature hostile. Le Parc du Vésinet, plate agglomération de villas dénuées de fantaisie, rangées le long d'avenues caillouteuses et sans ombre, d'une monotonie pénible. On l'a vainement agrémentée de rivières sinueuses et de lacs qui ne parviennent pas à rafraîchir l'atmosphère, ne désaltèrent même pas les arbres...Telle est l'impression qu'en garde Louis Barron, auteur réputé d'un ouvrage sur les Environs de Paris, plus de vingt ans après les débuts de la colonie. Unique illustration (par Gustave Fraipont) consacrée au Vésinet dans l'ouvrage de Louis Barron " Les Environs de Paris" , 1886 Mais les jardiniers seuls trouvent à redire
à la sécheresse de la terre qui les force à un surcroît d'arrosage nous
rappelle le Dr Maison, tandis que s'en félicitent enfants délicats,
rhumatisants, poitrinaires et tousseurs de toute espèce... La création d'une cité-jardin est moins coûteuse dans une terre sablonneuse que dans une terre forte. Dans celle-ci, il faut d'abord se mettre à l'abri de la boue et de l'humidité. Les allées, les entourages de la maison, doivent recevoir un épais encaissement de cailloux et de sable. La terre des plates-bandes, des massifs d'arbustes, des potagers a souvent elle-même besoin d'être mêlée à des terres plus légères. Les terres fortes ne conviennent qu'aux arbres à haute tige, à la culture des céréales, mais pour les cultures de la villégiature, elles offrent plus d'inconvénients que d'avantages.[...] On peut créer un jardin d'agrément dans une terre forte, mais les frais seront toujours considérables. Les bois de Vincennes et de Boulogne n'auraient pu être créés si leur sol eût été argileux. Pénétrés de ces avantages, les fondateurs du parc y ont pourvu en répandant des eaux en abondance, soit pour l'agrément public, soit pour l'utilité de chaque propriétaire. Alphonse Pallu lui-même, dût déployer des trésors d'ingéniosité pour doter sa propriété d'un potager: Par suite de la nature légère du sol du Vésinet, il fit adopter dans son jardin potager fruitier, à l'air libre, les formes réduites et rapprochées (système du Breuil), notamment le cordon vertical simple, à double rang, sur cognassier. Un dispositif d'abri permettait, au printemps, de tendre des toiles au-dessus de ces cordons et de les protéger ainsi des gelées tardives. Conjointement avec cet abri, on utilisait les nuages artificiels dont un thermomètre enregistreur et une sonnerie électrique permettaient déjà à cette époque (1875) de tirer le meilleur parti pratique en les provoquant à l'heure nécessaire. Les murs de clôture du potager étaient en bois et garni de poiriers sous la forme de palmettes Verrier à quatre ou cinq branches . Le Vésinet aujourd'hui (Cliché J. Cecchi) Le terrain ingrat de l'ancienne forêt a aussi profité des innovations de la deuxième moitié du XIXe siècle. M. Durand-Claye, dans un mémoire sur les cultures obtenues à Gennevilliers par l'emploi des eaux des égouts de Paris, présente des chiffres tout à fait éloquents. La dernière récolte a donné 100,000 kilogrammes de betteraves, 27 hectolitres de blé, 18,000 kilogrammes de foin sec à l'hectare. Aujourd'hui, les produits des curages des rigoles, des bassins, ou même des draguages de la Seine, sont emportés par un grand nombre de cultivateurs industriels. Un peu plus loin, il apporte cette précision: On a expédié près de 4,000 tonnes de ces matières, aux frais des intéressés, dans la partie de la plaine non irriguée, à Chatou, au Vésinet, à Saint-Germain, etc. Ces matières sont ensuite revendues comme terreau ou comme gadoue. A mesure que la surface arrosée par les eaux d'égout augmente, la culture par les procédés ordinaires disparaît du pays. Une Commission nommée par le ministre de l'agriculture et du commerce a été chargée de constater, au point de vue agricole, les résultats des cultures de Gennevilliers. M. Hardy, directeur du potager de Versailles, a rédigé le rapport, qui vise les récompenses à décerner. Ainsi, les eaux des égouts de Paris consacrées à la culture agricole ont donné des résultats vraiment extraordinaires au point de vue du rendement et des bénéfices, et l'expérience poursuivie pendant sept ans ne pouvait parler avec plus d'éloquence. Sources : M. Nilles, La Genèse d'une cité-jardin, Paris I-Sorbonne, 1989. Louis Figuier, Les merveilles de l'industrie ou Description des principales industries modernes: industries chimiques, 1873. F. Bourtayre, Le Vésinet 1856-1880, Paris X-Nanterre, 1981. L'industriel de Saint-Germain, années 1858, 1859, 1860.
Société d'Histoire du Vésinet, 2006 • histoire-vesinet.org |