D'après "Recherches & Inventions" Juillet 1932 (n°13-214); janvier 1933 (n°14-220); novembre-décembre 1936 (n°17-265) et les bulletins municipaux n°31, 34, 35, 38 (1975-1977)

Les Ponts de Croissy et du Village au Vésinet

Ebauchés sur le plan de la Compagnie Pallu indexé au premier cahier des charges de 1858, mais inclus dans une portion du réseau viaire qui n'est alors pas encore achevée, les ponts de Croissy et du Village ont été édifiés au début des années 1860. Un troisième pont, assurant la continuité du boulevard circulaire (entre les actuels Bd d'Angleterre et de Belgique) avait été prévu mais ne fut jamais construit.
Les premiers ouvrages sont dûs à l'architecte de la Compagnie Pallu, Pierre Joseph Olive. Ils n'ont pas été modifiés jusqu'au début du XXe siècle et les cartes postales des années 1900-1910 les représentent dans ce qu'on peut considérer comme leur état original.


Pont du Village vers 1900
Aussi appelé Grand-pont ou pont d'Alsace-Lorraine

En 1929, la Compagnie des chemins de fer de l'Etat attira l'attention de la Mairie du Vésinet, propriétaire des ouvrages depuis l'acte d'Abandonnement et d'Acceptation de 1876, sur l'état défectueux de ces ouvrages d'art. La Compagnie suggèrait une reconstruction du tablier, élargi pour permettre le croisement des automobiles.
A l'unanimité, le Conseil municipal du 16 janvier 1930 "accepte les propositions des Chemins de fer de l'Etat, en ce qui concerne la reconstruction avec élargissement des ponts de Croissy et du Village, et décide à cet effet : 1°- De prélever sur ses ressources propres, une subvention fixée forfaitement à 32.300 francs, égale à l'évaluation de la dépense de remise en état des ponts ; 2°- De contracter un emprunt de 144.700 francs, différence entre le montant des dépenses, évalué provisoirement à 177.000 frs, et la subvention forfaitaire de 32.300 frs; 3°- A se libérer de cet emprunt au moyen d'annuités fournies par le produit de surtaxes locales temporaires établies pendant cinq ans". [1]
A la même époque, la ville du Vésinet avait entrepris de faire construire un pont accessible aux automobiles pour l'accès à l'Ile des Ibis. Ce petit pont, élévé à l'été 1930 selon des procédés très novateurs et économiques de MM. Veyrier & Mesnager, étant considéré comme une réussite, la ville du Vésinet suggéra que MM. Veyrier & Mesnager soumettent aux chemins de fer de l'Etat, un projet fondé sur les mêmes méthodes de construction : J. Veyrier a rendu compte de ce projet et de sa réalisation dans plusieurs numéros du Bulletin officiel de la Direction des recherches scientifiques et industrielles et des inventions. La suite de cet article comporte de larges extraits tirés de ces publications.

"Dans notre numéro 192 (octobre 1930), nous avons donné les caractéristiques d'un ouvrage en béton armé: "le Pont des Ibis", dans lequel on avait utilisé pour la première fois les propriétés élastiques des tubes métalliques à noyau injecté et celles des voûtains en béton armé travaillant à la flexion dans le sens des génératrices.
Depuis cette époque, les épreuves en vue de l'étude des propriétés élastiques des tubes à noyau solide, injecté ou non, autofretté ou sans autofrettage se sont multipliées.
Une loi commence à apparaître dans le résultat des expériences. Le jour approche où il sera possible de l'affirmer et de la préciser: La résistance à l'écrasement de l'ensemble enveloppe-noyau est supérieure à la somme des résistances isolées de l'enveloppe et du noyau. D'autre part, des méthodes rationnelles de remplissage ont été mises sur pied, qui peuvent s'appliquer à l'ossature tubulaire d'ouvrages, après montage de la dite ossature. Ces procédés facilitent la construction et le lancement des grandes travées dont les ossatures formées de tubes vides présentent, en effet, par leur légèreté et leur résistance au flambement, de grandes facilités de montage. Il y a donc intérêt à montrer par des exemples concrets la façon dont se comportent, sous les charges, ces armatures tubulaires, à noyau solide, enrobées de béton armé.
Il y avait également intérêt à montrer comment se comportaient les voûtes en béton armé quand on utilise leur résistance à la flexion suivant leurs génératrices.
La stabilité de hourdis constitués par des voûtes croisées a, d'autre part, donné lieu à des critiques et soulevé des doutes, qu'il y avait lieu de lever. C'est pour ces raisons que l'Office National des Recherches Scientifiques et Industrielles et des Inventions, qui étudie, depuis 1927, au sein de son Comité de Mécanique, sous la présidence de M. Auclair, correspondant de l'Institut, les propriétés élastiques des plaques minces cintrées, à contours géométriques, a saisi l'occasion qui s'offrait à lui d'effectuer des épreuves variées sur un ensemble de plaques minces cintrées de formes complexes.

Les Ponts du Vésinet

Cette occasion s'est présentée pour des ponts de Croissy et du Village, à construire dans la commune du Vésinet, pour le passage d'une voie urbaine au-dessus de la voie ferrée de Paris à Saint-Germain. Les tabliers métalliques de ces ponts, construits il y a 70 ans, étant devenus hors de service, la question s'est posée de les reconstruire en béton armé ; Le Réseau de l'Etat avait établi, pour ces deux ouvrages de 10 m d'ouverture des projets de ponts à poutres droites en béton armé, Messieurs A. Mesnager, inspecteur général des Ponts et Chaussées en retraite, membre de l'Institut, F. Barthes, membre du Conseil Supérieur de la Vicinalité au ministère de l'Intérieur, et J. Veyrier, ancien élève de l'Ecole Polytechnique, qui avaient collaboré avec l'Office des Recherches et Inventions dans les deux autres ordres d'investigations précitées (tubes d'une part, voûtains d autre part) proposèrent, d'accord avec l'Office, de substituer aux ponts à poutres droites, deux ponts en arc à armatures tubulaires et à voûtains croisés.
Ces projets furent agréés par le Réseau de l'Etat à la condition expresse que des expériences probantes vinssent démontrer le bien-fondé des conclusions de la Note de Calculs présentée à l'appui de ces projets, note dont les prémisses étaient sujettes à discussion.
L'Office des Recherches et Inventions proposa de faire construire, en béton armé, un modèle représentant à l'échelle 2/5e le projet du pont de Croissy, lequel, étant oblique, offrait le plus de sujets de controverse.
Le modèle n'a pas été construit seulement pour permettre d'apprécier la capacité portante de l'ouvrage. On l'a équipé avec deux séries d'instruments permettant de mesurer sous chaque charge appliquée, d'une part, la valeur de la composante horizontale des poussées sur les culées, d'autre part, les déformations dans le sens vertical ou les flèches élastiques.
A cet effet, l'une des retombées était placée sur un support fixe, l'autre a été supportée par un chariot mobile dans le sens de l'axe longitudinal de l'ouvrage.

Le modèle réduit
Le modèle a été bétonné le 2 février 1932, dans les conditions définies. Le 4 février, les reins de voûtains ont été remplis jusqu'à onze centimètres (0,11 m) en contrebas de l'arête de la bordure de trottoir, avec du béton maigre au dosage ci-après : Gravier 800 litres - Sable 400 litres - Ciment Supercilor 200 kg.
Dans la nuit du 7 au 8 février a sévi une gelée intense. Les radiateurs électriques, qui avaient été allumés le 2 février pour préserver le modèle contre toute gelée pendant la période de prise, avaient été éteints le 6. Il en est résulté que la plaque d'usure, dont la prise n'était pas achevée le dimanche soir 7 février, a été légèrement endommagée par le gel. Les radiateurs ayant été remis en fonction le lundi 8 au matin, cette avarie, qui ne peut avoir aucune influence sur la résistance du modèle, ne s est pas accentuée.
On peut donc dire que, malgré le gel, qui a sévi à partir du cinquième jour de prise, le durcissement du modèle s'est effectué dans des conditions de températures basses, mais exemptes de gel nocif, grâce aux précautions prises.

Epreuves sur modèle
Les opérations ont été dirigées par M. J. Auclair, président du Comité de Mécanique de l'Office National des Recherches Scientifiques et Industrielles et des Inventions. A la séance du matin et à celle de l'après-midi du 26 février, ont assisté de bout en bout: M. Valette, ingénieur du Service Voie et Bâtiments du Réseau de l'Etat ; M. J. Veyrier, ancien élève de l'Ecole Polytechnique, correspondant de l'Office, qui ont suivi les opérations et qui signent le présent procès-verbal. En outre, M. Philippe, inspecteur général des Ponts et Chaussées, représentant le Conseil Supérieur de la Vicinalité au ministère de l'Intérieur, a assisté à une partie dés opérations de la matinée. M. Gerdes, inspecteur général des Ponts et Chaussées à la Direction Générale des Chemins de Fer au ministère des Travaux publics, a suivi, en compagnie de M. Vincent, ingénieur en chef des Ponts & Chaussées au même Service, une partie des opérations de l'après-midi.
Des premières épreuves effectuées les 26 et 27 février, il est résulté que le modèle proposé présentait aussi bien sous les charges réparties, que sous les charges concentrées, le coefficient de sécurité exigible et très probablement un coefficient de sécurité beaucoup plus élevé [2]. Un incident imprévu fournit à ce sujet des indices intéressants, que nous allons mettre sous les yeux des lecteurs.

Coffrages, vue latérale.

L'ouvrage(dit le modèle) a été coulé, le 2 février 1932, en béton armé, à l'échelle 2/5e du tablier. Il a été construit sur le terre-plein Ouest du hangar d'expériences occupant la moitié Ouest de la cour d'entrée de l'Office National des Recherches Scientifiques et Industrielles et des Inventions. Les supports du modèle sont constitués par deux massifs prismatiques de béton, à face supérieure horizontale.
Les coffrages des joues verticales : tympans des arcs de rive, plaque garde-grève, seront maintenus à leur écartement par des cales cylindriques en béton de 3 cm, de diamètre, percées d'un trou axial pour le passage d'un boulon de 10 mm de diamètre, et de la longueur voulue pour opérer le serrage des joues contre la cale.

Le modèle décoffré et les tirants dynamométriques mis en place.

La retombée mobile est bloquée avec descoins en bois.
Les joues verticales des faces transversales et longitudinales de l'ouvrage, autres que les tympans des arcs de rive, et la face interne des dalles garde-grève, ont été enlevées le 4 février 1932, les caissons coffrants sous trottoirs et le platelage coffrant sous chaussée restant en place.
Trois tirants dynamométriques médians de la nappe des naissances avaient été mis en place sous la tension de 500 kg. chacun. Après enlèvement des étais, cette tension est restée identique, à 100 kg. près, les variations diurnes et nocturnes de température la faisant osciller autour de sa valeur initiale.

Coupe verticale montrant les sellettes de support et le chariot de dilatation (à droite).

Essais de surcharge

Le modèle complètement équipé avec le lest de similitude mécanique et la surcharge des trottoirs.

Essais de surcharge (2)

Modèle du pont chargé de 21 tonnes en poids de fonte concentrées sur un espace de 2 m x 2 m.
Le modèle fut ensuite équipé d'une surcharge roulante : 2 chariots représentatifs des camions de seize tonnes.

Le modèle construit à l'échelle 2/5e pèse les 8/125e du poids de l'ouvrage en vraie grandeur. Les sections de la matière auxquelles s'appliquent les sollicitations dues tant au poids propre qu'aux charges sont les 4/25e de celles du modèle.
Pour que les fatigues ou efforts appliqués à chaque unité de section soient identiques dans l'ouvrage et dans le modèle, il faut que ce dernier pèse les 4/25e du poids du modèle, autrement dit, il faut le charger d'un lest initial égal à 4/25e moins 8/125e, soit 1/10e environ du poids de l'ouvrage en vraie grandeur. On remarquera qu'on a laissé entre le poids composant ce lest des ornières ou chemins de roulement pour les chariots d'épreuves.

Convois types
Le règlement du Ministère des Travaux Publics, qui fixe les modalités des épreuves à faire subir aux ponts-routes (Circulaire du 10 mai 1927) prévoit, pour une chaussée de 5 mètres de largeur, le passage de deux files de camions pesant chacun 16 tonnes — ayant un encombrement de 10 x 2,50 m en plan, et dont les deux essieux séparés par un empattement de 4 m pèsent: l'un 12 tonnes, l'autre 4 tonnes. Les roues d'un même essieu, à jante de 30 cm de largeur, sont à 1,70 m d'écartement.
La représentation d'un tel véhicule à l'échelle de réduction adoptée, donnait un chariot formé d'une plateforme de 4 m sur 1 m, sur deux essieux ; 1,60 m d'empattement à roues de 12 cm de largeur de jante et à 70 cm d'écartement.
Deux de ces chariots avaient été confectionnés. On les a fait passer ensemble sur le modèle, d abord avec une charge correspondant à leur charge réglementaire, puis avec cette charge majorée de 50%. Simultanément, les trottoirs recevaient la représentation de leur charge réglementaire : 400 kg/m², ou de cette charge majorée de 50%. A chacun de ces passages, les flèches et les poussées ont été soigneusement mesurées. Après l'enlèvement des charges, on a mesuré les poussées et flèches résiduelles.

Déformation résiduelle du béton
On sait que le béton – qui, suivant l'expression de M. Freyssinet, se souvient de tous les états par lesquels il est passé – conserve toujours une déformation résiduelle, après qu'il a subi un effort important, soit de compression, soit d'extension. Mais, tant que ces déformations résiduelles ne sont qu'une faible fraction de la déformation totale, on ne les considère pas comme des déformations permanentes.
C est ce qui s'est passé lors des essais des 26 et 27 février. Les déformations les plus grandes ont été de 5 mm environ. Les déformations résiduelles, après enlèvement des charges, étaient de 1 mm environ. Le lest des chariots et du pont était constitué par des poids de 20 kg, prêtés à l'Office par le Laboratoire d'essais de l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. On avait approvisionné un stock de 21 tonnes. Si l'on se reporte à ce qui a été dit ci-dessus, l'ouvrage projeté devant peser 70 tonnes, le lest initial destiné à établir la similitude mécanique était de 7 tonnes. Donc, appliquer 21 tonnes sur le pont, correspondait à l'application à l'ouvrage en vraie grandeur, d'une surcharge égale à : 6,25 (21 - 7) = 88,5 tonnes.
Les épreuves qui ont suivi les 26 et 27 février ont consisté à entasser sur la chaussée les 21 tonnes, dont on disposait, en un monceau à base de plus en plus restreinte, de façon à concentrer la charge. Les flèches n'ont pas dépassé sensiblement les flèches obtenues sous les charges d épreuves. On a atteint 6,5 mm de flèche maximum et 1,5 mm de flèche résiduelle.

Incident d'épreuve
Mais, au cours des essais du 26, avait eu lieu l'incident évoqué ci-dessus; lequel a eu pour témoins M. Gerdes, Inspecteur général des Ponts et Chaussées à la Direction Générale des Chemins de Fer au Ministère des Travaux Publics ; M. Vincent, Ingénieur en Chef au même Service ; M. Valette, Ingénieur de la Voie au Réseau de l'Etat. Pour réaliser une charge concentrée multiple de la charge concentrée réglementaire, roue de 6 tonnes, on avait constitué sur les deux chariots d'épreuves amenés au-dessus de la noue des voûtes — point réputé le plus sensible [3] — une charge de 7 tonnes de fonte, accumulée au-dessus de deux roues contiguës des deux chariots. Cette charge n'a donné lieu qu'à des flèches inférieures à celles que produisaient les charges déjà appliquées. Elle est désignée, sur les tableaux des lectures, par la mention "Etat" parce que cette épreuve a été effectuée à la demande du Réseau de l'Etat.
Cette charge de 7 tonnes représentait deux roues de six tonnes, multipliées par le coefficient 3,64. Ainsi, avec le stock de fonte dont on disposait, on a pu établir que, sous les charges concentrées, l'ouvrage présentait un coefficient de sécurité pratique supérieur à 3,64.
Mais, à ce moment, le tas de fonte s'est écroulé sur la chaussée, sans y causer aucun dégât. Le choc de cette avalanche de fonte doit être équivalent à un effort statique plusieurs fois supérieur à son poids, de sorte que l'on peut tabler sur un coefficient de sécurité notablement supérieur au chiffre ci-dessus.

Dalle plane
Concurremment avec ces épreuves, on a soumis à des charges concentrées croissantes une plaque plane en béton ayant même épaisseur que les hourdis courbes du modèle 4 cm, ce qui correspond sur l'ouvrage en vraie grandeur à 10 cm. Le béton et les armatures étaient exactement de même nature que ceux du modèle.
La charge concentrée qui, suivant la méthode de calculs de la Circulaire du 19 octobre 1906 du Ministère des Travaux Publics, pouvait être supportée par la dalle en toute sécurité, était de 67 kg. En fait, la rupture ne s'est produite que sous une charge de 950 kg, soit 14 fois plus.

Montage du modèle.

La dalle plane du modèle réduit du pont de Croissy, en cours de transport, est introduite dans la fosse de montage, sous les yeux de M. Auclair, correspondant de l'Académie des Sciences, président du Comité technique de mécanique.

Montage de la dalle plane sur la maquette, dans la fosse de la Station de Recherche et d'inventions.

Avec les dimensions adoptées pour le projet, la dallé de couverture (ou d'usure) de la chaussée avait, sur la clé de l'ouvrage, une épaisseur de 0,05 m, qui, réduite à l'échelle du modèle, donnerait seulement 0,02 m. Pour éviter de faire descendre à une aussi faible dimension les épaisseurs du modèle, on a fait descendre parallèlement à lui-même l'intrados des arcs de rive de 0,05, toutes les autres dispositions, que le devis particulier définit dans les détails étant conservées.

Mais la Circulaire précitée admet que, lorsqu'une charge concentrée agit sur une dalle plane, seule une zone de la dite dalle, dont la largeur est le tiers de la portée entre appuis de celle-ci, intervient pour faire face aux sollicitations dues à la charge. Le chiffre de 67 kg, cité ci-dessus comme charge de rupture, était basé sur cette hypothèse. Or, la plaque avait été munie de comparateurs permettant de mesurer ses déformations, non seulement en son centre, mais aussi sur ses bords. Les déformations des bords extrêmes — la plaque était carrée — ont été presque identiques à celles constatées au point d'application de la charge.
[...]

Le Pont de Croissy

L'élément portant est constitué par deux arcs tympans, d'une portée de 10,40 mètres, distants l'un de l'autre de 5,25 mètres de plan médian à plan médian. Leurs surfaces d'extrados et d'intrados sont deux cylindres de génératrices parallèles à la voie et de directrice parabolique avec flèches au sommet de 100 et 1.520 millimètres; les surfaces latérales sont des plans, il en est de même des surfaces extrêmes en contact et liaison avec les plaques garde-grève. Ces arcs ont donc la forme générale d'un prisme allongé de section droite rectangulaire échancré d'une hauteur de 1.566 millimètres aux naissances et de 235 à la clef, avec épaisseur uniforme de 250 mm. [4]
Le ferraillage des tympans est constitué par deux tubes en acier étiré du commerce de 80/90 remplis de pâte de ciment ; ils sont en deux parties, assemblées au milieu par une virole vissée sur les deux tubes partiels, leurs extrémités sont rendues solidaires par une plaque de garde de 10 mm d'épaisseur, large de 200, haute de 400, sur laquelle sont boulonnés les manchons à collerettes sur le bout des tubes, après montage, ils sont à une distance d'axe en axe de 200 mm aux naissances et de 140 à la clef. Les tubes sont reliés de 500 en 500 millimètres par des frettes en fil d'acier de 5 mm de diamètre.
Le ferraillage des tympans est complété par des nappes d'aciers ronds de 8 mm de diamètre, disposées à 200 mm l'un de l'autre dans chaque nappe parallèlement aux deux dimensions principales du tympan ; les deux nappes étant quinconcées, on a finalement des mailles de 100 mm de côté. Cinq barres de 20 millimètres de diamètre, espacées de 50, suivent la naissance des voûtains de reins à 30 mm du parement extérieur, et sont reliées par deux étriers à la nappe interne d'armature.

Remplissage des tubes du Pont de Croissy sur le chantier.

La méthode de remplissage des tubes consiste à introduire de bas en haut dans le tube, préalablement rempli d eau, de la pâte de ciment assez fluide; elle chasse devant elle l'eau qui s'écoule par l'orifice supérieur du tube. L'opération est terminée lorsque 1 on voit apparaître le boudin de pâte à cette extrémité. La pâte de ciment est préparée dans un cylindre que l'on ferme ensuite par un couvercle étanche serré par des boulons, de manière à permettre la pulsion de la pâte par de l'air comprimé que l'on se procure facilement sur les chantiers.

Le pont de Croissy, et les essais de surcharges (22 mars 1934)

Les surcharges ont été obtenues par le passage de deux convois formés d'un tracteur de dix tonnes traînant une remorque pesant vingt tonnes. Toutefois, lorsque l'axe de cette remorque était à l'aplomb de la clef de voûte, le tracteur se trouvait hors du pont, et par l'imposition de surcharges uniformes sur les trottoirs au taux de 400 kg par m². Les flèches ont été mesurées au centre de l'intrados et à la clef de l'arc tympan du côté de Saint-Germain.

Le pont du Village (ou d'Alsace-Lorraine) achevé, semblable au pont de Croissy.

Pour la première fois, à notre connaissance, depuis l'avènement du béton armé dans les constructions civiles, on a osé concevoir un hourdis épais seulement de 4 cm pour porter, en toute sécurité, une surcharge de 5.000 kg par mètre carré. Il a suffi, pour le doter de cette capacité portante, de lui donner un rayon de courbure de 3,69 m, ce qui, sur la superficie chargée, conduit à une flèche de 13 cm, très inférieure à la saillie des nervures qu'il eût fallu ajouter à un hourdis plan pour lui conférer la même résistance. Si on le considère dans toute son étendue, ce hourdis de 4 cm d'épaisseur n'a qu'une flèche de 34 cm compris entre le niveau du point le plus bas de son intrados et du point le plus haut de son extrados.

Le voûtain de clef et les voûtains de reins, un peu dissymétriques parce que le pont est biais, ont une épaisseur de béton uniforme de 10 cm. Les armatures ont la même disposition que celle des tympans : la distance entre leur surface et le parement du béton ne descend pas au-dessous de 25 mm. Dans chaque voûtain, deux barres de 10 mm de diamètre, cintrées à double courbure, épousent la ligne d'intersection de celui-ci et du voûtain contigu : à chacune de ces barres sont ligaturées les armatures de l'une des nappes qui se prolongent ensuite par un crochet ancré dans le voûtain voisin. Un renforcement complémentaire est assuré par cinq barres transversales de 15 mm de diamètre, espacées de 50 mm à la clef et par deux groupes semblables de dix barres disposées à 1,30 mètre de part et d'autre de la clef. Les armatures du voûtain de clef sont ligaturées au tube inférieur des armatures de tympans.
La dalle garde-grève réunit les tympans sur toute leur hauteur. Elle a la même épaisseur de béton et la même disposition d'armature que les voûtains. Une traverse horizontale de 10 cm d'épaisseur la renforce à hauteur de l'implantation des arcs ; cette traverse renferme deux barres de 20 mm de diamètre.


Dessin du pont de Croissy

La chaussée est constituée par une dalle d'usure de 150 mm d'épaisseur aux naissances et de 50 seulement à la clef où elle épouse en s'évidant la forme du voûtain de clef. Elle se soude aux dalles garde-grève. Les vides subsistant entre cette dalle, l'extrados des voûtains de reins et les dalles garde-grève sont remplis de béton maigre; une couche de sable de cinq millimètres d'épaisseur est intercalée entre les clefs des voûtains et la dalle d'usure.
Les hourdis sous trottoirs ont un porte-à-faux de 0,95 mètre par rapport à la face externe des arcs tympans et une épaisseur de 100 mm, ils sont terminés du côté extérieur par un bourrelet de 200 x 200 mm, supportant le garde-corps. Leur ferraillage est constitué par des barres de tension de 8 mm de diamètre, espacées de 100 mm, accrochées à une extrémité dans le ferraillage des arcs tympans, retournées à l'autre dans le trottoir. Des barres de répartition, également de 8 mm de diamètre, courent le long des angles. Un enduit approprié recouvre la chaussée et les trottoirs.

Une nouvelle transformation

Peu après la mise en service du RER, à la fin de 1972, la RATP, signala à la Ville le mauvais état du pont d'Alsace et surtout de celui de Croissy. Une inspection plus poussée montra que l'un et l'autre ne pouvaient plus assurer sans risques la circulation intense à laquelle ils étaient soumis et, en avril 1973, un arrêté fut pris interdisant la circulation des véhicules de plus de 2 tonnes sur le pont de Croissy et de 3,5 tonnes sur le pont d'Alsace, la vitesse y étant limitée à 20 kilomètres à l'heure. [5]
La RATP et les services de l'Equipement de la Préfecture étudièrent alors les moyens de consolider et de réparer les deux ponts. Malheureusement, une nouvelle inspection du pont de Croissy au début du mois de mars 1975 démontra que état de celui-ci s'était aggravé. Par lettre du 25 mars 1975, la RATP adressa au Maire une véritable mise en demeure : "[...] Enfin, tenant compte des conclusions très pessimistes de l'expertise détaillée de l'état de l'ouvrage à laquelle elle a fait procéder récemment, la RATP, responsable de la sécurité des voyageurs, vous demande de bien vouloir faire prendre d'urgence un arrêté pour interdire toute circulation routière sur cet ouvrage."
Compte tenu de cette situation, Alain Jonemann prit immédiatement un arrêté d'interdiction d'y circuler et une signalisation lumineuse fut placée aux deux entrées du pont.
Le pont étant à refaire, devant des devis très lourds (2 millions de francs si l'on voulait élargir le tablier), la municipalité, qui n'avait pas prévu cette dépense au budget de 1975, décida la reconstruction à l'identique financée par un emprunt auprès de la Caisse d'Epargne de Saint-Germain-en-Laye. Les culées seraient consolidées par des coulées de béton et le tablier serait refait entièrement mais de la même largeur.

Transformation du pont de Croissy (Juillet 1975 - juin 1976)

Le pont équipé de passerelles pour les piétons durant la démolition du tablier en béton.
Expertisé à la demande de la Ville en 1973 par deux organismes officiels faisant autorité en la matière, le Laboratoire Central des Ponts et Chaussées et le Service d'Etudes Techniques des Routes et Autoroutes, l'ouvrage avait été jugé relativement sain, mais un nouvel examen en 1975 révéla que son état s'était assez fortement dégradé.

Transformation du pont de Croissy (Juillet 1975 - juin 1976)

Etat des travaux en mai 1976. Sur les deux ponts, il fut constaté, au moment des travaux de démolition, que les aciers étaient fortement corrodés aux endroits où le béton était épaufré, en particulier dans la zone de clé à la jonction tympan-hourdes, notamment les tubes constituant les armatures principales des tympans porteurs étaient complètement oxydés au voisinage des naissances, de même l'état du béton, jugé de mauvaise qualité aussi bien en surface qu'en profondeur (béton poreux et souvent friable).

Transformation du pont d'Alsace-Lorraine (Avril 1977 - avril 1978)

Le pont équipé également de passerelles pour les piétons durant le même type de travaux.

Le pont d'Alsace-Lorraine (ex-pont du Village)

Muni d'un tablier en acier, il a retrouvé une forme semblable à celle de son origine.

Les travaux commencèrent au début de l'été 1975 pour une durée estimée à environ huit mois. Mais la mise en cessation de paiement, fin décembre 1975, de l'entreprise Bacci choisie par la RATP pour les travaux à effectuer au pont de Croissy, et l'arrêt de toute activité qui s'en suivit, créa des émotions. Heureusement, en accord avec l'administrateur provisoire désigné, Bacci put reprendre ses travaux. Après démolition de l'ancien tablier, le nouveau, d'un type "très différent", fut mis en place.
Après la reconstruction du pont de Croissy, il fallut se résoudre à envisager d'urgence la reconstruction du pont d'Alsace. Les aciers fortement corrodés aux endroits où le béton était épaufré, en particulier dans la zone de clé à la jonction tympan-hourdes, notamment les fameux tubes de Mesnager & Veyrier, tubes constituant les armatures principales des tympans porteurs qui étaient complètement oxydés au voisinage des naissances. De même, l'état du béton fut jugé de mauvaise qualité aussi bien en surface qu'en profondeur (béton poreux et souvent friable).
On choisit alors de remplacer les tabliers en béton de MM. Mesnager, Veyrier et Barthes, par un tablier métallique, comme à l'origine. Mais, au lieu du fer, on eut cette fois recours à l'acier.[6]

    [1] Le Semeur de Versailles et de Seine-et-Oise, 20 février 1930.

    [2] Pour les détails techniques, se reporter au Bulletin officiel de la Direction des recherches scientifiques et industrielles et des inventions, n°213, juin 1932.

    [3] Conférence du 11 juillet 1930 à la Société des Ingénieurs Civils de France.

    [4] Les projets des tabliers des ponts de Croissy et Village, ont été présentés par MM. Mesnager, Veyrier et Barthes, membre du Conseil supérieur de la vicinalité, au ministère de l'Intérieur.

    [5] Bulletin municipal, n°31, juin 1975 ; n°34, mars 1976 ; n°35, juin 1976 et Le Vésinet, revue municipale, n°38, avril 1977.

    [6] En 2010, le RATP mit de nouveau la municipalité "en demeure de mettre les ponts en état". Cette fois, la maçonnerie était aussi en cause. Vieille de 150 ans, elle présenterait des traces de décellements dus à des infiltrations. Et les coussins de néoprène permettant la dilatation du tablier d'acier seraient endommagés...

     


Société d'Histoire du Vésinet, 2011 - www.histoire-vesinet.org