La première séance du Conseil municipal du Vésinet
Le Vésinet, a été érigé
en commune par la loi votée le 31 mai 1875. Après la parution de cette
loi au Journal Officiel du 8 juin 1875, les choses allèrent très vite
pour mettre en place la nouvelle commune et la nouvelle municipalité.
Le Préfet de Seine-et-Oise nomma, le 9 juillet, un administrateur provisoire
en la personne de Jean Moncharville, chargé notamment de convoquer les
électeurs pour procéder à l' élection du premier Conseil Municipal.
Le Vésinet devait élire 12 conseillers municipaux (en cas d'égalité,
la voix du maire ou du président de séance était prépondérante en cas
de partage des voix). Le premier tour des élections eut lieu le dimanche
25 juillet 1875. Le Vésinet à l'époque, comprenait 1500 habitants vivant
dans 554 maisons auxquels il fallait ajouter 800 estivants, comme nous
l'indiquent les documents de l'époque.
Les élections se passaient d'une manière quelque peu différente de celle
que nous connaissons aujourd'hui. En effet, les électeurs furent convoqués
à 8h du matin, le scrutin ouvert à 8h15, pour durer
trois heures et s'arrêter à 11h15. Le président du bureau
de vote, M. Moncharville, procéda à l'appel de chacun des électeurs
inscrits, et chacun d'entre eux vint alors déposer son bulletin dans
l'urne, Il fut procédé ensuite à un second appel pour les personnes
qui ne s'étaient pas présentées lors du premier. A 11h15,
on interrompit le scrutin pour le reprendre à 15h00 pendant trois
heures. On procéda à un deuxième réappel des électeurs inscrits avant
la clôture définitive du scrutin.
Deux listes au moins, pensons-nous, étaient en présence, car nous n'avons
pas de documents précis sur cette journée et la presse locale de l'époque
s'intéressa fort peu à ces premières élections. La première liste était
animée par les membres de l'Union des Propriétaires du Vésinet,
association qui avait été créée par Alphonse Pallu lui-même; la seconde
était composée de personnes qui, apparemment, n'avaient pu trouver de
place sur la première, et s'étaient constituées en liste d'opposition.
Sur 463 inscrits on compta 337 votants. 70 personnes recueillirent des
voix, mais il faut noter que 40 personnes eurent entre une et cinq voix
seulement. 8 candidats furent élus sur 12, et il n'est pas inutile de
leur rendre hommage en rappelant leur nom, leur profession et également
leur lieu d'habitation.
Adrien Gastambide (257
voix) Conseiller à la Cour de Cassation, président en exercice de
l'Union des Propriétaires du Vésinet. Il demeurait au 8, route des
Princes (rue François-Arago) [il avait fait partie du conseil municipal de
Chatou au titre de la section du Vésinet];
Alphonse Pallu, avec 2
voix de moins, mentionné simplement comme propriétaire;
Jean Moncharville, administrateur
provisoire de la commune, avocat. Il habitait boulevard de Ceinture
rive droite, sans autre précision. Le boulevard de Ceinture rive
droite était à la fois le boulevard des États-Unis et le boulevard
de Belgique actuels ; [en 1880, un Moncharville était domicilié au 22,
route de la Faisanderie];
Jules Renouard, doyen
du premier Conseil Municipal, était, nous dit-on, rentier. Il habitait
82, avenue du Chemin-de-Fer rive droite, l'actuelle avenue Gallieni.
Emile Cappe, horticulteur,
demeurant au 6, rue de l'Église, (rue du Maréchal-Foch);
Herman ou Victor David,
comptable, demeurant Pelouse de la Gare (cette précision devait
suffire à l'époque).
Louis-Auguste Féron, conseiller
à la Cour des Comptes, qui demeurait 23, avenue de la Princesse
rive droite, aujourd'hui l'avenue du Général-de-Gaulle, très vraisemblablement
l'actuel n°25.
Dominique Quenet, élu de
justesse avec trois voix de plus que la majorité absolue, demeurant
place du Marché, à l'angle de la rue Thiers en allant vers la rue
Horace-Vernet; il était entrepreneur de maçonnerie.
Après la proclamation des résultats,
les bulletins furent brûlés en présence des personnes qui assistaient
au dépouillement, sauf bien entendu les onze bulletins blancs ou nuls
qui demeurèrent annexés au procès-verbal.
Le second tour eut lieu le dimanche 1er août 1875 et ne dura que trois
heures, entre 8 h et 11 h. Il y eut 301 votants, c'est-à-dire
36 de moins que le dimanche précédent, et les quatre élus le furent
à la majorité relative.
Jean Bivort, courtier de
commerce, qui habitait avenue du Belloy près du Lac Supérieur, mais
son adresse était également portée comme étant au 38 de l'actuel
boulevard Carnot.
Pierre Tardy-Panit, charron,
qui demeurait au rond-point, 4, route de Sartrouville.
Jules de Wazières, capitaine
en retraite, 6, Grande-Rue-du-Village notre rue Henri-Cloppet.
Dominique Laguionie, distillateur,
42, avenue du Chemin-de-Fer rive droite (avenue Gallieni).
Le Conseil désormais constitué, il fallait
nommer un maire. Nous avons retrouvé il y a quelques années, une lettre
du préfet de Seine-et-Oise au Ministère de l'intérieur, datée du 4 août
1875, qui rendait compte du résultat des élections et qui proposait
de désigner Alphonse Pallu comme maire.
Il ne pouvait suggérer la personne arrivée en tête, c'est à dire Adrien
Gastambide, dont la fonction de Conseiller à la Cour de Cassation était
incompatible avec celle de maire. Il ne pouvait davantage proposer Moncharville,
qui avait joué le rôle d'administrateur provisoire de la commune pendant
quelques semaines, en raison de ses occupations trop absorbantes auprès
du tribunal de commerce de Paris.
Le préfet rappelait dans sa lettre la suggestion qui avait été faite
au ministre, de recommander le colonel de Deban-Laborde qui habitait 54,
avenue du Belloy, comme futur maire. Or le colonel en question n'ayant
recueilli que 61 voix au premier tour et 49 au second, cela devenait
impossible. Détail assez piquant, cette lettre porte en tête une annotation
manuscrite du ministre, disant qu'il approuvait les propositions du
préfet et qu'il ne se souvenait pas avoir recommandé le colonel de Deban-Laborde, qu'au demeurant il n'avait pas l'honneur de connaître.
Alphonse Pallu, maire
Alphonse Pallu était proposé comme maire,
l'une de ses caractéristiques étant d'être, "éminemment autoritaire",
et d'être chevalier de la Légion d'Honneur.
Comme maire-adjoint, car Le Vésinet avait droit à un maire-adjoint,
le préfet proposait Jules de Wazières, capitaine en retraite, qui vivait
sur place et avait donc la disponibilité nécessaire pour s'occuper de
la commune, et qui était, ajoutait le préfet, également décoré. Le préfet
les nomma le 11 août, en même temps qu'il convoqua le Conseil Municipal.
C'est à partir de 1876 que les maires furent élus par les conseillers
municipaux.
Revenons-en maintenant à la première réunion du Conseil Municipal qui
eut lieu... le dimanche 15 août 1875, à 13 h 30.
Cette première séance se tint
à la mairie provisoire, qui était installée dans la salle de
l'école des garçons située dans une petite maison qui existe
encore, au 5, rue du Marchéet qui a une histoire.
Les gazettes de l'époque n'ont dit mot
de cette première réunion que nous serions tentés, nous, de considérer
comme un grand événement.
Jusqu'en 1884 les séances des conseils municipaux n'étaient pas publiques.
L'objet de cette première séance était de procéder à l'installation
du maire et de l'adjoint. La présidence fut assurée au début de la séance
par M. Moncharville, le secrétaire étant M. Féron et non pas le benjamin
comme nous le faisons aujourd'hui (le benjamin était M. Laguionie qui
avait 34 ans). M. Moncharville commença par remercier tous les artisans
de la création du Vésinet, et, en premier lieu, la Commission de l'Union
des Propriétaires, l'association qui avait tant milité pour l'autonomie
du Vésinet.
Après avoir remercié son président en exercice, M. Gastambide, M. Moncharville
regretta en particulier que M. Mayeur ait refusé de se présenter aux
élections. M. Mayeur a joué un rôle très important dans tout le processus
de la création de la commune du Vésinet, ayant beaucoup travaillé sur
le juridique et lors des enquêtes publiques, il était un des propriétaires
les plus importants du Vésinet. Il habitait la propriété du cours Rembrandt
(il était en particulier propriétaire de la rive droite du chemin de
fer, entre la Pelouse du Moulin et la rue Pasteur). Sa nièce et seule héritière, par la
suite, épousa Louis Barthou, ministre
des Affaires étrangères sous la IIIe République.
M. Moncharville en vint à la personne d'Alphonse Pallu et rappela le
rôle qu'il avait joué à la tête de la société Pallu pour aménager et
métamorphoser Le Vésinet.
Il fit l'éloge de son tempérament travailleur, innovateur et conciliateur,
rappela son expérience à la tête de la municipalité de Pontgibaud: la
reconnaissance de ses concitoyens envers Alphonse Pallu s'était traduite
par l'apposition d'une plaque qui portait ces simples mots: "Alphonse
PALLU - maire - 1852" sur la façade de la mairie. Cette plaque
vous pouvez la voir encore aujourd'hui si, vous promenant dans le Massif
Central, vous avez la curiosité d'aller de Clermont-Ferrand à Pontgibaud,
ce qui ne demande qu'une demi-heure de voiture.
M. Moncharville ajouta quelques mots en faveur du maire-adjoint Jules
de Wazières, dont les habitudes militaires et le sens de la discipline
seraient nécessaires pour la sécurité et le bien-être de la commune.
Enfin, le président de séance termina son allocution en forme de
manifeste
électoral. Il indiqua tout d'abord, et je cite ses mots, "que
la commune est un pauvre enfant bien péniblement venu au monde et
que ses précédents tuteurs n'ont pas gâté". "Il
vous faut",
dit-il à ses collègues, "l'instruire, le garder, l'éclairer,
le loger et l'enrichir" et enfin "il faut tenir les
engagements qui ont été pris envers les habitants à savoir que la
transformation du Vésinet en commune autonome n'entraînera aucune
augmentation d'impôts".
Il faut savoir que les habitants du Vésinet payaient leurs impôts auprès
des communes auxquelles ils étaient rattachés administrativement,
c'est-à-dire
Chatou, Croissy ou Le Pecq.
Alphonse Pallu prit ensuite le fauteuil de président et rappela lui
aussi l'époque de Pontgibaud, où il dirigeait l'entreprise importante
de mines de plomb argentifère. Il avait beaucoup hésité avant d'accepter
la charge de maire. En fait, il avait été élu maire en son absence.
Au Vésinet, il avait hésité également, étant l'animateur de la
société
qui portait son nom et qui jouait un rôle essentiel dans la création
du Vésinet, à revêtir, si je puis dire, cette double casquette, celle
de maire et de président de la Société Pallu & Cie. Mais les
intérêts
de la future commune et de la société étant convergents, ses hésitations
avaient été finalement levées.
Alphonse Pallu s'engagea, envers ses collègues, à la franchise, la loyauté,
la bienveillance envers tous, puis il ajouta, en premier lieu, qu'il
s'engageait à résister énergiquement à tous les empiétements d'où qu'ils
viennent, et il promit "résistance absolue aux mauvaises passions".
Le Conseil Municipal aborda ensuite quelques sujets importants, tout
d'abord la question du partage des ressources. Alphonse Pallu reçut
mandat de ses collègues de s'inquiéter au plus vite auprès du préfet
sur la manière dont la commune récupérerait une partie des impôts qui
avaient été perçus par les autres communes. Quelques mois après, lorsque
la commune vota le budget du 4 trimestre 1875, ce fut la Société Pallu
qui fit l'avance de fonds. Ce premier budget qui fut voté vers la fin
de l'année 1875 s'élevait à 6 000 F de l'époque.
Deux autres sujets débouchèrent sur la création de deux commissions
(déjà !) la première consacrée à l'examen de l'acte unilatéral d'abandonnement en faveur de la commune,
proposé par la Compagnie Alphonse Pallu en 1871. Il portait sur les
pelouses, l'église, les voies de communications, etc. Quant à la deuxième
commission, elle avait trait au partage du cimetière entre la nouvelle
commune et Chatou.
Le conseil municipal a tenu huit réunions
entre le 15 août et le 31 décembre 1875, et qu'il n'a pas hésité à se
réunir le 31 décembre 1875 à 20 h 15. Les deux décisions
importantes de la fin de l'année furent, d'une part, le vote du
budget et, d'autre part, la décision de transférer la mairie dans
les locaux du pavillon au 26, rue Latérale, (rue du Général-Clavery),
en attendant les travaux de construction de la mairie actuelle.
Les litiges d'ordre financier avec les communes voisines ne furent réglés
qu'au bout d'une dizaine d'années.
Intervention de M. A-M
Foy, maire adjoint,
devant le Conseil municipal réuni pour sa 1000e séance,