D'après Le Véloce-sport, n° 19 et 20 des 9 et 16 janvier 1890.
La carrière sportive (1879-1887) de Herbert Osbaldeston Duncan
Nous croyons intéresser nos lecteurs, surtout ceux qui ont pour la course une certaine prédilection, en insérant la biographie, la plus complète qui ait jamais paru, sur la vie sportive de H-O. Duncan, l'un des coureurs les plus aimés du public et les plus distingués qui aient paru sur nos pistes françaises.
C'est pourquoi nos lecteurs nous excuseront peut-être de leur soumettre un historique aussi long que celui-ci et de consacrer à l'un des héros de la course une place méritée à côté du tourisme.
Nous sommes heureux de pouvoir joindre à cette biographie le portrait magnifiquement gravé du célèbre coureur H-O. Duncan.
La biographie d'un coureur, quel qu'il soit, est forcément aride dans son ensemble; mais il n'est pas sans intérêt, cependant, de suivre d'étape en étape l'existence mouvementée des maîtres incontestés de la piste.
Il n'est pas inutile non plus de posséder de telles biographies, ne serait-ce que pour montrer aux ignorants de la pédale ce que peut être la carrière d'un véritable sportsman.
HERBERT OSBALDESTON DUNCAN Champion du Monde 1885-1886; Champion de France 1886. Cliché: Le véloce-sport, 1890.
Ce veloceman cosmopolite, bien connu dans toute l'Europe, est né à Londres le 22 novembre 1862. C'est dans cette ville qu'il apprit à monter en bicycle en 1877. A cette même époque, il fit la connaissance de F. de Civry et P. Médinger, qui habitaient aussi Londres; ils firent ensemble leurs premières promenades et coururent dans plusieurs épreuves d'amateurs.
Duncan eut toujours beaucoup de goût pour les sports, et cela se comprend aisément, car il est le petit-fils d'un célèbre sportsman anglais, George Osbaldeston, connu dans les cercles sportifs d'outre-mer sous le nom du Squire Osbaldeston. Celui-ci était propriétaire de chevaux de courses et s'était rendu célèbre par ses hauts faits équestres, dans les chasses au renard et les courses (gentleman rider) et excellait dans le tir aux pigeons, la boxe, le billard, le trotting, et enfin dans tous les sports anglais de son époque. Il accomplissait d'une seule traite des distances à cheval qui n'ont jamais pu être égalées depuis. La réputation du Squire est encore grande de nos jours dans la Grande-Bretagne, et son nom est encore cité fort souvent dans les journaux et ouvrages de sport de ce pays.
Le Squire Osbaldeston légua à son petit-fils, Herbert Duncan, selon un usage anglais, son nom et une partie de sa fortune.
Duncan hérita sans douta aussi de ses instincts sportifs, car il se mit avec ardeur à la pratique du bicycle, qui faisait alors son apparition en Angleterre. En 1878, il entra au Belgrave Bicycle Club, et en 1879 il se joignit à l'Umbria Bicycle Club à Londres, et, en janvier 1880, il fit partie de l'Uxbridge Bicycle Club, dont il fut élu secrétaire; mais il donna sa démission quand il quitta l'amateurisme de la façon suivante:
Au bout de sa première année de pratique, il remportait déjà des succès dans les courses d'amateurs. Il continua l'année suivante, et montra de si brillantes qualités de coureur, que Garrard, bien connu en France, avec qui il s'entraîna, le pressa vivement de prendre part, à la fin de 1880, aux courses de professionnels. Duncan, beaucoup plus jeune que Garrard, ne put résister aux sollicitations de ce dernier, et prit part, à la fin de septembre de la même année, à un handicap de professionnels à Wolverhampton.
Le passage de Duncan de la catégorie amateurs à celle des professionnels fit une grande sensation en Angleterre et releva dans l'estime du public cette classe de coureurs à laquelle venait se joindre, pour la première fois, un jeune homme d'une famille si honorablement connue, surtout dans le monde des sports. Cet exemple fut suivi par de Civry, Médinger, Derkinderin, etc.
Depuis cette époque, Duncan a marché de succès en succès, gagnant en France les principales courses internationales de bicycles, contre de Civry, Médinger, Charles Terront et d'autres coureurs.
Duncan a couru dans toutes les villes importantes des pays suivants: Angleterre, Ecosse, France, Italie, Allemagne et Autriche; il a été champion du Middlesex, champion de Londres, champion d'Ecosse; trois fois successivement champion du Monde de 50 milles et champion de France; il a battu deux records du Monde, du demi-mille et du quart de mille en Angleterre et en Allemagne, il détient encore trois records faits sur la piste de Berlin.
Duncan fut le premier coureur vélocipédique présenté à un souverain. C'était à l'occasion de la Grande Exposition internationale de Turin en 1884; dans la réunion vélocipédique qui eut lieu au mois d'août, après sa victoire, le roi Humberto le félicita de son brillant succès. A Munich, il courut aussi devant l'un des princes et les princesses de Bavière, et à Vienne devant l'archiduc Frédéric.
Duncan s'est beaucoup occupé de journalisme et il collabora avec succès aux principaux journaux anglais parmi lesquels nous citerons le Sporting Life, journal quotidien publié à Londres; Bicycling Times, qui a cessé de paraître; Bicycling News, revue vélocipédique illustrée; et aujourd'hui il est correspondant particulier, pour la France, du Cyclist, le célèbre journal anglais. Duncan a écrit sous plusieurs pseudonymes: «Pro Pedal Pusher», «Nil Dosperandum», «In vino veillas», «Sunny South», «Pede Presto», etc.
Dans les journaux, pendant quelque temps en Angleterre, il s'efforça surtout de relever et de défendre les intérêts généraux du professionnalisme, et il aurait certainement fondé une Union pour organiser le professionnalisme, avec le concours de la National Cyclist Union, s'il n'avait quitté l'Angleterre à cette époque pour habiter notre pays.
En 1885 il fonda en France un journal vélocipédique sur des bases nouvelles, tirées en partie des journaux vélocipédiques d'Angleterre et des États-Unis; il eut dans cette entreprise pour collaborateur et rédacteur son ami Louis Suberbie : grâce à leurs innovations et à leurs travaux, le Veloceman prit rapidement en France un des premiers rangs dans la presse vélocipédique et reçut des marques d'estime de sportsmen français en renom. Les journalistes anglais l'apprécièrent à sa juste valeur.
Le 28 octobre 1886, ce journal fusionna avec le Véloce-Sport.
Il faudrait un format au moins dix fois plus grand que le nôtre pour donner un résumé complet de chacune des courses dans lesquelles Duncan a pris part; mais nous sommes sûrs qu'il sera intéressant pour nos lecteurs de suivre notre ami dans les courses où il a remporté ses plus grands succès.
En voici la nomenclature établie le plus succinctement possible:
Comme amateur il goûta les premiers fruits de la victoire à Windsor où il gagna le premier prix: une magnifique coupe d'argent, dans un handicap de 2 milles avec une avance de 100 yards, battant plusieurs des meilleurs amateurs de l'Angleterre.
Le 14 septembre, il gagna le second prix dans un handicap à Ipswich avec 30 yards d'avance, battant le champion amateur de l'Est. Il arriva le même jour 3e dans une autre course; le 15 octobre 3e dans un handicap de 2 milles à West-Drayton.
Le 27 décembre, 1er dans un handicap de 3 milles à West-Drayton.
1880
Le 29 mars, 1er prix dans un handicap de 2 milles à West-Drayton; il obtint aussi la médaille d'or pour le championnat de Middlesex (comté dont Londres est le chef-lieu) qu'il gagna facilement.
Le 17 avril, 1er prix dans un handicap de 2 milles, à Windsor.
17 mai, 1er prix dans un handicap où il partait "scratch" et rendait de très fortes avances à plusieurs coureurs (amateurs) excellents, à West-Drayton. Ce 1er prix était un bicycle (valeur 50 frs).
30 août, 1er prix dans un handicap de 3 milles à Southsea Portsmouth.
Au mois de septembre, il se mit dans les rangs des professionnels et courut comme tel à Wolverhampton, dans un handicap d'un mille, et il gagna facilement toutes ses séries (dont une fut accomplie dans le minimum de temps); il concourut dans la finale et fut battu par Richard Howell qui avait 90 yards d'avance, tandis que Duncan avait 100 yards. Le temps fut très vite : 2 mn 41 s. A partir de cette époque Howell et lui furent classés scratch avec les meilleurs coureurs du temps. Duncan peut dire alors qu'il débuta comme professionnel avec Howell.
1881
Pendant cette année, Duncan n'a presque pas couru et a pris un long repos.
1882
C'est au mois de mai que Duncan a débuté à Angers sur nos pistes françaises et c'était le premier vélocipédiste anglais qui venait courir dans notre pays. Il était habitué aux pistes circulaires permanentes, soigneusement nivelées et se trouva tout désorienté sur la belle promenade du Mail qui a 725 mètres de long et est réputée une des meilleures de France. Il arriva second dans la course internationale, mais dans le handicap il paya cher l'étude qu'il faisait car, à l'emballage, il perdit la pédale et alla rouler sur la piste.
Deux jours après, le dimanche 21 mai, avait lieu la course de fond, et Duncan, malgré son bras qu'il tenait en écharpe, arriva troisième, en retard seulement d'un tour sur Charles Terront et de Civry; il battait Grugeard, Delisse, Baudrier, Auby, Huchet, Lefeuve, Benoist, etc.
Dans un journal d'Angers parut à ce propos un article très intéressant, que nous croyons devoir reproduire:
"C'est contre toutes les prévisions, contre l'avis du médecin que le champion de Middlesex a pris part à cette course; M. Duncan a couru avec un bras foulé. Nous ne savons pas qu'il ait été fait quelque chose de plus fort jusqu'à ce jour. II faut une énergie incomparable pour rester quatre heures en vélocipède, parcourir 80 km n'ayant pour point d'appui qu'un seul bras. L'Angleterre doit être fière d'un tel champion : il a soutenu dignement l'honneur de son drapeau.
Quand on arrive troisième avec un bras,
On pourrait bien arriver premier avec deux!
Le soir, à la réunion du Véloce-Club d'Angers, les membres de ce club voulant perpétuer le souvenir de la visite du champion de Middlesex et rendre hommage à l'énergie incroyable dont il a fait preuve en luttant jusqu'à la fin de la course malgré sa blessure, ont ouvert une souscription pour lui offrir un témoignage de leur admiration."
En effet, le Véloce-Club d'Angers décernait à Duncan une magnifique urne en bronze et argent, avec l'inscription suivante:
Le Véloce-Club d'Angers à Duncan, H.O. 1882
Duncan a toujours gardé ce souvenir ineffaçable de ses débuts sur nos pistes françaises.
Le 29 mai, il courut à Grenoble où il ne gagna que le 2e prix dans la course de tricycles et le 2e prix dans la course de fond (bicycles) de 30 km.
Le 4 juin, il tomba, à Troyes, dès la première course à cause de l'exiguïté de la piste.
Les 25 et 20 juin, à Agen, il gagna le 3e prix, battant Médinger et Krell. Ch. Terront était premier, de Civry second.
Le 2 juillet, il alla en compagnie du baron Caubios, de Laumaillé, le veloceman bien connu, et de Civry à Castillonnès. Duncan gagna le 2e prix dans l'internationale (bicycles) et 2e dans la course de lenteur.
Il retourna en Angleterre le 7 août, battit Garrard dans un handicap de deux milles. Il se dirigea vers le nord de l'Ecosse, à Aberdeen, où il prit part à une course de 18 heures qui commença le samedi 12 août et dura une semaine, courant 3 h par soirée. Georges W. Waller (le célèbre champion du Monde de longue distance, bien connu en France par ses courses de six jours à l'Agricultural Hall de Londres contre Ch. Terront) et Duncan se disputèrent vivement cette course, et après trois soirées ils étaient encore ensemble, laissant les autres coureurs environ 2 milles en arrière lorsque Duncan tomba, ce qui lui fit perdre 7 tours de piste.
Il gagna néanmoins le 2e prix après un parcours de 275 milles et 9 tours (443 km 500) en 18 heures.
Le 30 septembre, Duncan est allé ensuite à Coventry pour courir un match contre Garrard (pour un enjeu de 500 francs), qu'il battit facilement à Stattford. Il gagna le premier prix dans un handicap d'un mille, battant Garrard de quelques centimètres.
Il retourna ensuite en Ecosse, à Aberdeen, et le 7 octobre, il y battit de Civry, dans un match de 30 milles, pour un prix de £ 30 offert par la Société.
A Edimbourg, il prit, part aux courses de six jours, du 14 au 22 octobre; la course dura 20 heures, à raison de 4 heures par jour en moyenne. Il fut vivement félicité par ses amis, car sans le grave accident qui lui arriva (sa machine ayant glissé sur l'asphalte) Duncan serait arrivé premier, puisqu'il avait à ce moment une avance de deux tours. Ce fut donc Waller qui gagna le premier prix après un parcours de 386 milles et 5 tours (622 km). Duncan était second avec un retard de 800 mètres seulement.
1883
Il inaugura la série de ses victoires par la défaite, facile du reste, de W. Tyre, de Byker, dans un match qui fut couru à Newcastle, pour un enjeu de £ 20. Il revint alors en France au printemps et courut à Angers le 22 mai. Dans la grande internationale, il y eut une splendide arrivée: Duncan, Garrard, Médinger, de Civry, Bold, d'Angers, arrivèrent dans cet ordre, mais en peloton tellement serré que, sauf Duncan, qui avait une demi-roue d'avance en passant le poteau, les autres coureurs ne purent être classés exactement par le jury.
La différence du climat dans le Midi et celle de la nourriture française, peu propice à l'entraînement, l'absence de pistes sur lesquelles il aurait eu besoin de s'exercer, toutes ces circonstances arrêtèrent le cours de ses victoires. Aussi ne remporta-t-il que fort peu de prix aux réunions de Grenoble et de Tours.
Il alla ensuite aux grandes courses de Bordeaux, où il fit une mauvaise chute et resta plusieurs heures sans connaissance.
Il se remit cependant assez vite, puisqu'il courut huit jours après à Agen, où il gagna le quatrième prix dans la grande course de fond de 90 km. Médinger, de Paris, Wood, d'Angleterre, et Ch. Terront, étaient classés avant lui dans cet ordre.
Il courut ensuite à Castillonnès où il arriva troisième, dans la grande internationale, et le jour suivant à Castelmoron, où il remporta deux seconds prix.
A Toulouse, le 14 juillet, il gagna le second prix de la grande Internationale.
En passant à Paris, il fit un match avec C. Rigaut, membre de la Société vélocipédique métropolitaine pour un enjeu de 200 frs. La course devait durer quatre heures; la piste choisie était l'allée qui fait le tour de l'Hippodrome, au Bois de Boulogne. En deux heures et demie, malgré la pluie et le vent, il avait gagné trois tours d'avance sur son adversaire, qu'il trouva arrêté derrière les tribunes des chevaux. Il descendit pour prêter main-forte à son concurrent, qui lui donna la course.
Afin de conserver l'amitié de Rigaut; il envoya son engagement avec le sien aux courses d'Aberdeen. Ils partirent donc ensemble pour participer à la course de seize heures (à raison de deux heures par soirée pendant huit jours) qui devait avoir lieu sur la Récréation Grounds. H-O Duncan gagna le 1er prix, ayant accompli 205 milles (350 km 390). Parmi ses adversaires, se trouvait Lamb de Newcastle. Rigaut courut remarquablement bien et obtint le 4e prix. Duncan et Rigaut prirent part à diverses réunions durant la semaine suivante. Ils passèrent plusieurs jours à Edimbourg et à Londres et revinrent ensuite à Paris.
Duncan se rendit alors à Nancy où il remporta le second prix de la grande internationale et 1er premier de la course d'adresse.
Il retourna immédiatement à Aberdeen, et prit part à la course de seize heures à la lumière électrique; fatigué de son long voyage, il ne put suivre le train dans la première journée, mais dans les suivantes il se remit et rectifia son allure, ce qui lui permit d'obtenir la troisième place avec un seul tour de retard sur Waller, champion des longues distances. F. Lees, champion du Monde sur 100 milles, était le vainqueur.
Duncan était alors inscrit pour une série de courses de vitesse qui devaient avoir lieu dans le nord de l'Angleterre, à Sunderland, South-Shields et Middlesborought. Il gagna presque toutes les épreuves, battant G. Waller; aussi eut-il une renommée populaire et un beau succès, et son inscription parut sur les affiches comme H.-O. Duncan, de Paris.
Les journaux l'appelaient souvent alors «le Français». Sa popularité était si grande, qu'à Aberdeen, où il gagna le second prix de la course de six jours, un journal local la célébra en ces termes:
La course de bicycles de dix-huit heures, de trois heures par jour, qui vient de se terminer dans notre ville à donné lieu à un étrange incident: Parmi les nombreux compétiteurs qui se sont mis en ligne à cette épreuve, H-O Duncan est celui qui a obtenu le succès le plus populaire, bien qu'il ne soit arrivé que le deuxième; en effet; après la dernière soirée, le public enthousiaste l'a entouré et il a été transporté à son hôtel sur les épaules des plus passionnés, tandis que G. Waller, le gagnant, marchait à pied.
1884
Duncan s'est classé, par ses succès consécutifs, le troisième coureur du monde après Howell et Wood. Le samedi saint, à Leicester, sur la piste de Belgrave Grounds, il arriva bon second derrière Howell dans le championnat de 20 milles, battant F. Lees et J. Keen. Le lundi de Pâques, il courut le championnat de 10 milles dans la même ville et sur la piste de Ayleston Grounds, il eut une collision avec Bone et tomba; remis aussitôt en selle, il arriva bon quatrième, battant de Civry et Charles Terront. Howell était premier, Wood deuxième, Lees troisième.
Il vint ensuite à Bordeaux où il arriva trop tard pour les courses, le mauvais temps ayant fait éprouver un retard au vapeur sur lequel il avait fait la traversée de la Manche. II courut à Nérac où il gagna le 3e prix; puis à Cognac, un 2e et un 3e prix; mais à Narbonne il battit facilement, dans la grande Internationale et dans la course d'honneur, Ch. Terront, G. Pihan et Ch. Garrard. Il obtint alors son premier succès en France pour 1884.
Il gagna le 1er prix, à Bergerac et le 2e à Tarbes où il fut battu par Médinger. Ch.Terront était troisième.
Le 31 mai, il était encore en Angleterre où il gagna le 3e prix dans le championnat de 25 milles. Howell était premier, Wood deuxième.
Le 16 juin, il était de retour à Grenoble où il gagna le ler prix dans la course de fond, battant de Civry, Médinger, Ch. Terront, Krell, etc.
Aux courses d'Agen, les 22 et 23 juin, il enleva la grande Internationale, battant d'une longueur Médinger; les autres partants étaient de Civry, Ch. Terront, Wills, Ch. Hommey, Krell, Garrard. Dans le Handicap de 5.000 mètres il rendit 110 mètres à Krell et à Ch. Hommey, qui arrivèrent premier et deuxième; Médinger était mauvais quatrième.
Dans la course de fond à la lumière électrique, il arriva bon premier, ainsi que dans la course d'honneur où il remportait une magnifique écharpe en soie rouge brodée d'or.
Il gagna le 2e prix le dimanche suivant à Marmande, dans la grande Internationale (bicycles)et le 1er prix, dans celle de tricycles (image).
Le 7 juillet, à Blaye, il enleva deux premiers prix en bicycle et un second prix en tricycle. Huit jours après, il courait à Pau où il arriva deuxième, dans la grande Internationale; premier, dans la course d'honneur, et 3e prix ex-aequo avec Ch. Terront, dans la course de tricycles.
Le lendemain, à Toulouse, il remporta le 1er prix dans la grande Internationale et fit un dead heat avec de Civry dans la course d'honneur. Il partit ensuite en Angleterre, le 2 août, et gagna le 2e prix dans le championnat des 25 milles. Battensby était premier, de Civry troisième.
Dans le championnat des 10 milles, il prit la troisième place, Howell premier, Wood deuxième. Le 7 août, dans un handicap d'un mille, il gagna toutes ses séries; dans l'épreuve finale, il arriva second d'une longueur derrière Birt, à qui il rendait 100 yards (91 mètres). Le temps fut excellent: 2'35", ce qui équivaut au record d'un mille pour professionnels. Quelque temps après, Duncan se rendit en Italie, à Turin, pour participer à la grande réunion des 25 et 27 août, à l'occasion de l'Exposition internationale. Il fut obligé de passer sept jours en quarantaine à cause du choléra qui sévissait alors à Marseille et Toulon, sur la frontière d'Italie au Mont-Cenis, où il n'y avait moyen de faire aucun entraînement, si ce n'est à pied. Il arriva premier dans l'Internationale (bicycles), battant Médinger et de Civry et tous les coureurs italiens. Après la course, il fut présenté au roi Humberto d'Italie, présent à la fête, qui lui adressa en anglais quelques paroles de félicitations. Il reçut en outre 1.000 frs qui constituaient le 1er prix, une magnifique médaille d'or et un splendide diplôme d'honneur aux armes de la ville de Turin. Par suite de cette victoire, il est devenu populaire dans toute l'Italie; sa biographie et son portrait ont déjà paru dans la Rivista Velocipedistica. Il a été très bien reçu par tous les membres du Veloce-Club torino.
Le 14 septembre, il courait à Bordeaux où il gagna le 1er prix dans la grande Internationale (bicycles), et le 1er prix dans la course d'honneur, soit une magnifique médaille d'or offerte par la ville de Bordeaux.
Le dimanche suivant, il courut à Rochefort où il fut deux fois vainqueur. Durant le cours de l'année 1884, Duncan était dans la plus belle forme et, sur les bonnes pistes, il a constamment battu tous les meilleurs coureurs et a remporté en tout 48 prix.
1885
Les premières courses de Duncan en 1885 eurent lieu à Pau, le 26 janvier, où il gagna facilement l'Internationale bicycles, l'Internationale tricycles et le Handicap (bicycles).
Au mois de mars, il courut à Toulouse dans la course de bicycles; il montait un bicycle de sûreté (safety) de route pour la première fois de sa vie; malgré cela, il arriva tête à tête avec Ch. Terront et Ch. Garrard; le juge déclara qu'il y'avait un dead heat. Dans la même réunion, il a gagné la course de tricycles.
Il partit ensuite pour l'Angleterre et c'est alors qu'il prit part au championnat du monde des 20 milles, arrivant bon troisième derrière Howell et Lees, qui firent dead heat pour la première place, battant de Civry, Cleminson, Battensby, Hawker, Birt, Groose et Newton.
Le 4 avril, il prit part au championnat du monde des 50 milles, qu'il gagna facilement dans l'enlevage final, battant Wood favori, qui ne put suivre le train et descendit ainsi que de Civry. Les partants étaient Birt, Cleminson, Battensby, F. Lees, J. Parkes, A. Hawker, F. Wood, de Civry, R. James, J. Wacet J. Groose. Les six premiers nommés terminèrent seuls le parcours et arrivèrent dans cet ordre. Le temps mis par Duncan était de 3h17'14"½. Sa victoire fut populaire, et l'on s'y attendait si peu que, même pendant la première partie de la course, les parieurs le donnaient à 8 contre 1.
A Wolverhampton, il arriva second dans le championnat du mille. Howell était premier et de Civry troisième. Il retourna alors en France et courut, le 6 avril, à Rochefort-sur-Mer, où il gagna la grande Internationale (bicycles), par trois longueurs sur Ch. Terront, de Civry troisième en safety; venaient derrière Médinger, Vidal, Laulan, etc.;
il gagna brillamment le handicap d'honneur, battant Médinger (scratch), L. Loste (120 m) par 20 mètres; loin derrière étaient Lacabanne (110 m) et Ch. Terront (scratch).
Huit jours après, à Montpellier, il arriva premier dans les trois épreuves auxquelles il prit part, battant facilement Ch. Terront, Knowles, etc., d'abord en bicycle, puis en tricycle et enfin en safety.
Il alla ensuite à Cognac le 10 mai, où il fit dead heat avec de Civry dans la grande Internationale, battant Laulan, Garrard, Médinger. Dans la course de tricycles, il arriva second, à 1 mètre de Médinger; de Civry était troisième. Le lendemain,il gagna par 50 centimètres la course de 50 km devant de Civry, second; Médinger,troisième à 20 mètres.
A La Réole, le 14 mai, il gagna la grande Internationale (bicycles), battant Ch. Terront et Médinger.
Il se présenta à Bordeaux le 31 mai, gagnant dans un canter la grande Internationale bicycles. Ch. Terront était second; Hommey, troisième; Garrard, quatrième. Il arriva bon troisième dans l'Internationale tricycles, derrière Médinger et de Civry.
Le 4 juin, dans les courses à la lumière électrique, il succomba d'un mètre derrière de Civry dans la course du Véloce-Club bordelais.
Le 7 juin, à Bordeaux, il arriva premier dans la grande Internationale bicycles, battant Médinger, Terront, Garrard, par 30 mètres.
Le 21 du même mois, s'ouvrait le tournoi vélocipédique d'Agen, le plus important de France, non seulement à cause de la valeur des prix, mais surtout par le grand concours de coureurs qu'il attirait. Il gagna brillamment la grande Internationale bicycles, battant de Civry par un mètre, Médinger et Terront par près d'un tour, et gagnait la prime de temps de 200 frs offerte par le Club, si les 10,000 mètres étaient parcourus eu moins de 19 minutes. Il gagna la course de tandems avec de Civry, par deux tours, sur Médinger et Terront, et après un rush formidable, il enleva le handicap.
Le lendemain, aux courses à la lumière électrique, il succomba dans l'épreuve en safety, où de Civry le battit de deux longueurs; mais il prit une belle revanche dans la course d'une heure, qu'il gagna, après une lutte splendide, par 10 m sur de Civry, Hommey et Dubois, mauvais troisième et quatrième; enfin il fit walk-over dans la course d'honneur, où personne ne voulut essayer de lui disputer l'écharpe offerte annuellement par le V.C. agenais, qu'il avait gagnée du reste l'année précédente.
Le 28 du même mois, il était à Bergerac, où il faisait dead heat avec de Civry, dans la grande Internationale, laissant très loin derrière Médinger, Hommey et Dubois; il n'arriva que troisième en tricycle, tout près de de Civry et Médinger. Il prit part aux courses de Narbonne, qui eurent lieu le 13 et le 14 juillet. Il fit walk-over dans la Régionale; battit de Civry et Médinger dans la courte de safeties, arriva troisième dans la course de tricycles et gagna d'une demi longueur sur de Civry la course d'un kilomètre.
Le lendemain, il n'arriva que second dans la grande Internationale (bicycles); de Civry, premier; Médinger, troisième. Mais il battit de Civry par une longueur dans la course d'honneur, gagnant un splendide vase de Sèvres offert par le président de la République, M. Grévy. Il alla à Auch le 19 juillet; il disputa chaudement à de Civry le premier prix de la course de safeties, mais n'arriva que second; il prit sa revanche dans la grande Internationale, en battant de Civry par un mètre; Vidal était troisième. Il arriva second seulement dans la course de tricycles, battant encore Vidal.
Il alla de nouveau en Angleterre pour disputer les championnats du monde, et surtout pour tâcher de conquérir une seconde fois le litre de champion des 50 milles. En effet, le 1er août, il se présenta dans cette fameuse course avec Wood, Hawker, Tyre, Groose et Catell; après une course d'attente, il battit Wood sur le poteau, par un demi yard, lui ravissant ainsi la coupe d'argent qui aurait été sa propriété, et sur laquelle il comptait, ne s'attendant point à être battu par Duncan, surtout dans l'enlevage final.
Le champion des 50 milles prit part, deux jours après, au championnat de 10 milles, dans lequel il arriva très bon troisième, serrant de très près Howell et Wood.
Le 17 août il était à Leicester. Ce fut là que dans un handicap d'un demi-mille, il battit les deux records du monde, du demi-mille et du quart de mille, que Wood venait de battre dans sa série et qui appartenaient alors, l'un à R. Howell et l'autre à W. Philipps. Duncan parcourut en effet le quart de mille en 39" 3/5 et le demi-mille en l'19" 3/5. Dans une course de 5 milles, il arriva très bon second derrière Wood, battant 11 partants, parmi lesquels Birt et Battensby.
Le 18 octobre, il courut à Montpellier sur la piste du Vélodrome Eden; il n'arriva que second dans un handicap d'un kilomètre, Manning (160 m) étant premier. Dans une poule de 5,000 mètres, il battit Ch. Terront et Knowles. Huit jours après, dans un match de 20 km, en bicycle, il battit de Civry. Un autre match en bicycle eut encore lieu entre les deux champions, et Duncan battit de Civry d'un quart de roue. H.-O Duncan a gagné 52 prix en 1885.
1886
Duncan débuta cette année aux courses de Mont-de-Marsan (22 mars). Il gagna le 1er prix dans la grande Internationale (bicycles), battant de Civry et Boyer; puis le second prix dans la course de tricycles; Eole premier; Knowles troisième; de Civry quatrième. Le dimanche 4 avril, il partit pour Paris par la route et parcourut 850 km, entre Montpellier et Paris, en 6 jours, sur la première bicyclette qui ait été introduite en France. A cette époque la bicyclette (ci-contre) était un cycle presque inconnu, comme machine pratique et Duncan eut pour ainsi dire la primeur de cet instrument, devenu aujourd'hui [1890] tout à fait à la mode.
Les routes entre Montpellier et Paris étaient alors très mauvaises par suite du temps. Duncan n'a pas songé à faire un record; il a été accompagné presque tout le temps par Vidal, de Bordeaux. Leur but principal était de s'entraîner en vue des courses en Angleterre, surtout pour le Championnat des 50 milles que Duncan remporta et pour le handicap à Wolverhampton que Vidal a gagné.
Le 17 avril, il courut le Championnat des 20 milles où, après plusieurs emballages, il arriva second. Howell, premier; Duncan, deuxième; Lees, troisième; Battensby, quatrième; De Civry, cinquième; Birt, sixième; Clark, septième; Hawker, huitième. Le temps fut de 1h 9'46" et pour le dernier mille 2'53".
Le 25 avril, il courut le Championnat des 50 milles. Il remporta le premier prix consistant en une coupe qu'il gagnait, trois fois successivement.
Tableau des gagnants et placés depuis l'institution du Championnat des 50 milles.
Date
Premier
Second
Troisième
Temps
24 mars 1883
De Civry
F. Lees
J. Mac
3h 13' 14"
4 août 1883
F. Wood
F. Lees
P. Médinger
2h 48' 10"
12 avril 1884
T. Battensby
R. James
Ch. Terront
3h 03' 26" 3/5
5 juillet 1884
F. Wood
T. Battensby
F. Lees
2h 47' 20" (Record)
4 avril 1885
H.-O. Duncan
J. Birt
T. Cleminson
3h 17' 14" 1/2
1er août 1885
H.-O. Duncan
F. Wood
A. Hawker
3h 15' 42" 3/5
34 avril 1886
H.-O. Duncan
F. Lees
J. Dubois
2h 49' 35" 1/5
Le 27 avril, il courait à Leicester le Championnat des 10 milles, il arriva bon second. (Howell, premier; Duncan, deuxième; Lees, Battensby, Clark).
Le 29 avril, il courait à Wolverhampton le Championnat du mille (Howell, Duncan, de Civry, Dubois).
Le 12 mai 1886, Duncan et de Civry quittèrent Paris, faisant route vers Francfort-sur-Main, en Allemagne. Le 15 mai, ils firent un match de 30 km sur la piste de cette ville; ils battaient les records faits jusqu'alors : 20 km : 40' 59" ; 30 km : 1h 02' 12".
Puis ils se dirigèrent vers Munich où ils battirent plusieurs autres records. Puis vint une course de 10 km qui ne réunissait que trois partants: Duncan, de Civry, Dubois. Après une lutte très disputée dans la dernière ligne droite, Duncan passa premier au poteau.
Le 27 mai, Duncan va à Berlin et bat tous les records (bicycles) faits jusqu'à ce jour et qui lui appartiennent encore aujourd'hui [janvier 1890] : 5 km : 8' 40"; 15 km : 28' 21"; 30 km : 59' 35".
Après leurs courses à Berlin, Duncan, de Civry et Dubois vont courir avec beaucoup de succès à Bremen, Mannheim, Nuremberg. Pendant leur séjour dans cette dernière ville, le roi de Bavière se suicida et tous leurs engagements furent suspendus. C'est alors qu'ils retournèrent en France.
Le 27 juin, Duncan court l'Internationale (bicycles), 10.000 mètres. Il arrive premier en 20' 23" 1/5 ; Terront, second; Laulan, troisième; Charron, quatrième. Duncan a gagné par près de 10 mètres, après une course des plus difficiles (de Civry, Dubois et Médinger ont abandonné après plus de la moitié du parcours). Puis il arrive second dans l'Internationale (sûretés) sur 2.500 mètres; de Civry, premier; Éole, troisième; Médinger, quatrième.
Le 1er juillet, le Championnat de France fut une course magnifique. Au nombre des partants étaient de Civry, Médinger, Duncan, Ch. Terront, Eole, Boyer, Charron, Vidal, Dubois, Laulan, Henri Loste, Wick, etc. La course fut alternativement menée par les uns et les autres; mais au bout de quelques tours, Éole et plusieurs autres coureurs abandonnèrent au virage, avant le coup de cloche. Duncan qui était en tête, vira mal et prit large, ce qui permit à Terront, Charron, Boyer, de Civry et Laulan, de passer; mais bientôt rétabli dans la ligne droite, Duncan emballa et, après que la cloche eut sonné, il fit avec les autres l'avant dernier virage et, continuant son emballage du côté opposé à l'arrivée, franchit le premier au poteau; Charles Terront, second; Charron, troisième; de Civry, quatrième; Boyer et Laulan venaient ensuite.
Le 19 juillet, il remporte à Mont-de-Marsan la grande Internationale, 10.000 mètres; il arrive avec un tour d'avance, sur Boyer, Médinger, Laulan.
1887
En 1887, Duncan n'a pas couru en France. Il a organisé une tournée avec Dubois et Médinger pour courir en Autriche et en Allemagne. Ils eurent beaucoup de succès à Vienne où ils coururent contre les meilleurs trotteurs de cette ville, sur la piste de la Rotonde (bâtiment magnifique aussi grand que le Palais de l'Industrie). La piste était en planches et mesurait près de 300 mètres. Toute la maison royale d'Autriche assistait à cette course, où nos trois vainqueurs battirent les trotteurs et établirent plusieurs records. Ils ont été excessivement bien reçus par tous les velocemen et par la société de la capitale; leurs photographies parurent dans les principaux journaux illustrés de Vienne.
Ils coururent aussi avec grand succès à Linz, sur des pistes magnifiques, ainsi qu'à Gratz.
Après Linz, Duncan courut avec Dubois et Médinger à Munich, Augsbourg, Berlin, Bremen, Francfort, Mannheim et Nuremberg. Dans toutes ces villes ils reçurent de toutes les Sociétés vélocipédiques, l'accueil le plus chaleureux. Duncan resta six semaines à Berlin où il fut invité par le Véloce-Club de cette ville. Il se fit un plaisir, avec son ami T.-H.-S. Walker, rédacteur en chef de Der Rundfahrt, également anglais, d'entraîner tous les amateurs sur une magnifique piste permanente, appartenant à leur Société.
Après trois mois de séjour en Allemagne, Duncan organisa "l'European Team" (troupe européenne),composée de tous les champions de l'Europe, comme suit:
Médinger et Dubois, représentant la France;
Eole, représentant la Belgique;
Howell et Duncan, représentant l'Angleterre.
Ils coururent partout avec beaucoup de succès en Angleterre. Pendant cette tournée, Duncan battit, à Leicester, Howell, dans le championnat du demi-mille, puis à Liverpool, dans le championnat de 30 milles.
A la fin de cette année 1887, Duncan abandonna complètement la piste. Il consacra tout son temps et sa grande expérience à l'industrie vélocipédique. Il est maintenant codirecteur de l'Agence générale française de la maison Humber & Cie, à Paris.